Retour aux actualités précédentes
Publié le 08 - 04 - 2025

    Valeo : la CFE-CGC et l’intersyndicale évitent le pire

    Valeo avait annoncé un plan social fin 2024, supprimant près d’un millier d’emplois sur huit sites. Retour avec Pascal Phan, coordinateur syndical CFE-CGC, qui a participé aux difficiles négociations avec la direction.

    Après la fusion de deux de ses pôles (Thermal System et Powertrain System) début 2024, qui avait détruit 1 150 postes dont 800 en Europe, l’équipementier automobile français Valeo avait annoncé le 27 novembre 2024 le lancement d’un nouveau plan social pour début 2025. Au total, 866 postes répartis sur huit sites français1 seront supprimés, avec à la clé la fermeture des sites de La Suze-sur Sarthe et de La Verrière. 
    Des suppressions justifiées par « des difficultés rencontrées sur le marché automobile en Europe » selon l’équipementier. Une explication qui ne satisfait pas Pascal Phan, coordinateur syndical CFE-CGC, qui pointe les excellents résultats financiers du groupe : « EBITDA2, marge opérationnelle et flux de trésorerie ; tous les indicateurs sont en augmentation, notamment les dividendes versés aux actionnaires ! Mais le budget pour les PSE, lui, n’augmente pas ».  

    Vous attendiez-vous à un tel PSE, à peine un an après le dernier ?

    En 2024, le PSE concernait une réorganisation de la partie managériale et direction. Cette fois, c’est le personnel opérationnel et Recherche & Développement qui est concerné. Nous nous attendions à une telle annonce mais pas qu’elle soit d’une telle envergure. Ce PSE est la conséquence d’un raisonnement purement financier de réduction des coûts, avec un budget pour certaines mesures d’indemnités encore plus faible que le précédent plan.

    Le plus dramatique, c’est que la direction n’a absolument pas réfléchi sur le fonctionnement futur des sites concernés, alors que beaucoup d’équipes vont se retrouver privées d’une partie de leurs effectifs. Ce sujet n’a pas été préparé, et aucune étude d’impact pour anticiper les prochaines difficultés opérationnelles n’a été menée.

    Justement, un repreneur n’avait-il pas été évoqué ?

    C’est en effet l’annonce initiale qui avait été faite. On nous avait parlé d’une recherche de repreneurs pour les 3 sites (La Verrière, Saint-Quentin Falavier et la Suze-sur-Sarthe) quasiment actée, avec des flyers et des communiqués de presse. Puis, la direction a amorcé un brusque rétropédalage, expliquant qu’elle cherchait encore des repreneurs, avant d’admettre en décembre que nous étions dans une situation de PSE. Le cabinet missionné pour trouver des repreneurs (obligatoire depuis la loi Florange) n’a pas obtenu de résultats concrets et nous soupçonnons que le plan était, dès le départ, d’engager les PSE le plus rapidement possible.

    Nous soupçonnons que le plan était, dès le départ, d’engager les PSE le plus rapidement possible »

    Comment les négociations se sont déroulées ? Qu’avez-vous pu obtenir à l’issue de ces dernières ?

    Les négociations ont duré 4 mois. Elles ont été difficiles car la direction a fait des propositions très faibles, surtout au regard des ressources et des résultats du groupe au niveau mondial (près de 100 000 salariés et plus de 5 milliards d’euros de chiffre d’affaires). Les mesures négociées restent en-deçà de ce qu’un groupe de cette envergure devrait fournir. 

    Les congés de reclassement duraient initialement entre 6 à 9 mois, alors que le minimum pour être validé par l’inspection du travail est de 12 à 15 mois. Nous avons pu obtenir ces 15 mois, portés à 24 pour les reconversions. La prime supra-légale, qui complémente l’indemnité de licenciement, n’était pas envisagée initialement par la direction. Nous avons réussi à négocier une prime plafonnée à 70 000 euros en fonction de l‘ancienneté des salariés.

    Un autre sujet longuement discuté fut celui des salariés amiantés, qui bénéficient d’un accord groupe les indemnisant. Mais la direction arguait que les salariés licenciés, ne faisant plus partie du groupe, ne devaient plus pouvoir en bénéficier, comme si l’amiante disparaissait magiquement après leur éviction !

    Les échanges ont été très tendus sur ce sujet-là, qui est devenu une ligne rouge pour tous les syndicats. Nous avons fini par arriver à un accord : une indemnité de 15 000 euros pour les salariés amiantés. Mais ceux quittant le groupe et reprenant une activité salariée chez un autre employeur ne pourront pas bénéficier de mesures d'accompagnement de l'accord groupe lorsqu'ils feront valoir leurs droits à la préretraite amiante. Ils ne bénéficieront que des mesures de branche « classiques » appliquées par les caisses d'assurance retraite et de la santé au travail (CARSAT). 

    Enfin, les budgets de formation étaient à l’origine de 2000 à 3000 euros, à peine de quoi suivre des formations de quelques jours. Nous avons réussi à négocier des montants allant jusqu’à 9000 à 12000 euros pour des formations de reconversion.

    Avez-vous tiré des leçons particulières de cette négociation ?

    Nous retenons qu’on fonctionne toujours mieux en intersyndicale, et c’est ce qui a permis de renégocier à la hausse les dispositifs. Il ne faut pas être divisés par des jeux de postures ou des intérêts différents, si on peut tenir ce front syndical, ça ne peut que nous aider à défendre les intérêts des salariés.

    Quelles actions va mener la CFE-CGC pour les salariés concernés ?

    Ceux reclassés en interne seront accompagnés dans leur mobilité, et nous nous assurerons que tous les dispositifs du PSE soient bien appliqués. Nous siégeons au sein de commissions de suivis du cabinet missionné pour l’accompagnement et le reclassement des salariés, avec droit de regard et d’avis sur les dossiers délicats. Ce suivi se fera jusqu’à fin 2025 et au-delà en fonction des durées des conditions du congé de reclassement. Il est nécessaire car derrière chaque licenciement, des familles entières sont affectées. Des couples qui vont se retrouver au chômage en même temps, des jeunes, des seniors encore loin de la retraite, certains travailleurs qui n’ont jamais connu d’autre site, d’autres qui vivent dans des bassins d’emplois difficiles… c’est notre rôle de faire en sorte que ce drame se résolve le plus vite et le mieux possible. 

    Propos recueillis par François Tassain

    1(Sainte-Florine, Amiens, Reims, Limoges, Laval, L’Isle-d’Abeau, La Verrière, La Suze-sur-Sarthe)

    2Bénéfices avant intérêts, impôts, dépréciation et amortissement