Fin 2021, les organisations syndicales et patronales représentatives ont signé un accord cadre national interprofessionnel (ACNI) sur la formation professionnelle. Quelle en est la portée ?
Cet accord cadre ouvre la voie à une série de négociations thématiques visant à adapter à de nouveaux enjeux la loi Avenir professionnel du 5 septembre 2018. Le texte comprend 49 propositions pour améliorer les systèmes de formation professionnelle et fixe plusieurs priorités parmi lesquelles encourager l’alternance, professionnaliser l’utilisation du compte personnel de formation (CPF), faire du développement des compétences des salariés un enjeu stratégique des entreprises, améliorer l’efficacité du système de certification et développer les transitions professionnelles, notamment intersectorielles.
Pourquoi la CFE-CGC a-t-elle signé ?
L’État a exercé une forte pression pour que cette négociation débouche sur un accord. La CFE-CGC l’a signé pour la simple et bonne raison que sans cette signature, nous aurions été contraints de faire de la figuration pour la suite des négociations paritaires.
« Formation : les transitions professionnelles sont le sujet central »
Transitions professionnelles, CPF, financement des dispositifs de formation… Secrétaire national CFE-CGC à l’emploi, Jean-François Foucard fait le point sur les négociations entre partenaires sociaux, programmées jusqu’en juin 2022.
Présenter au prochain exécutif un ensemble de propositions abouties entre partenaires sociaux. »
Conformément à cet accord, les partenaires sociaux ont lancé, le 17 janvier dernier, des groupes de travail paritaires. Quels sont les enjeux ?
Nous sommes entrés dans un « tunnel » de réunions de travail thématiques qui doivent se tenir jusqu’en juin prochain. À ce moment-là, nous connaîtrons le nouvel exécutif et nous pourrons, selon la conclusion des travaux, lui présenter un ensemble de propositions abouties sachant qu’historiquement, les grandes réformes de la formation professionnelle interviennent après la mise en place d’un nouvel exécutif.
En matière de formation professionnelle, quel est pour vous le sujet prioritaire ?
Les transitions professionnelles sont un sujet central pour notre pays, porté depuis 2017 par la CFE-CGC. Aujourd’hui, les évolutions technologiques et les nouvelles compétences induites sont telles que tout salarié est ou sera concerné par les transformations de son métier ou de sa branche professionnelle.
Pour la CFE-CGC, les transitions professionnelles doivent être considérées à trois niveaux : l’entreprise, la branche et le niveau interprofessionnel. À la fin de la négociation nationale interprofessionnelle conclue le 22 février 2018, le sujet a été mis sur la table mais trop tard, alors que la CFE-CGC avait réfléchi à un mécanisme de financement spécifique des transitions professionnelles par le biais d’une contribution conventionnelle obligatoire. À présent, dans le cadre du groupe de travail paritaire, nous allons approfondir ce thème en articulation avec les groupes de travail ministériels.
Favoriser les formations de salariés dont les fonctions techniques évoluent souvent, notamment les ingénieurs et les techniciens. »
Quid du financement des dispositifs ?
Pour la CFE-CGC, les questions relatives au financement ne doivent être posées qu'à la fin du débat, une fois que nous nous serons vraiment mis d’accord. À cet égard, la CFE-CGC défend un modèle de dispositif conventionnel par projet, par exemple tel budget dans telle branche pour tels besoins et telle durée. Les marges de manœuvre ne pourront venir que du conventionnel.
Par ailleurs, nous faisons valoir que les personnes qui ont le plus besoin des dispositifs de formation sont celles dont les fonctions techniques évoluent le plus souvent, en particulier les ingénieurs et les techniciens.
Professionnaliser et réguler le compte personnel de formation. »
Comment faire évoluer le compte personnel de formation, très critiqué par la CFE-CGC ?
Il s’agit de faire du CPF ce qu’il aurait toujours dû être, à savoir un dispositif de formations professionnalisantes ayant de véritables impacts sur les parcours professionnels des salariés. L’autre enjeu est celui de la régulation du dispositif car aujourd’hui, on génère près de 12 milliards d’euros de droits par an alors que seulement un milliard d’euros est financé. Or, en 2021, ce sont 2,8 milliards d’euros qui ont été consommés et on s’achemine vers une consommation annuelle de 5 à 7 milliards d’euros.
Qu’en est-il de l’alternance ?
Ce sujet sera du ressort du prochain exécutif concernant la partie financement. Pour la CFE-CGC, une réflexion globale doit être menée entre l’alternance, les contrats professionnels directement liés à la politique de l’emploi portée par le ministère du Travail, et la formation initiale par l’Éducation nationale au sens large.
Quel regard portez-vous sur le pilotage de la formation professionnelle ?
Le pilotage, aujourd’hui assuré par France Compétences, l’unique acteur de régulation et de financement de la formation professionnelle, ne fonctionne pas bien. Cette instance est davantage gestionnaire que politique, alors que la politique se détermine au ministère du Travail.
Propos recueillis par Mathieu Bahuet