Une pratique plus répandue chez les cadres…
Qu’il soit régulier (au moins un jour par semaine) ou occasionnel, le télétravail concerne aujourd'hui 65 % des cadres tous secteurs confondus, contre seulement 28 % en 2019. Signe de sa démocratisation au sein de la société française, il s’est également développé auprès des autres catégories socio-professionnelles. Ainsi, en 2023, la part de télétravailleurs est de 1 %, 11 % et 28 % pour les ouvriers, les employés et les professions intermédiaires, contre 0 %, 3 % et 9 % en 2019.
…mais à l’application inégale
Dans le secteur privé, 67 % des cadres travaillent à distance au moins un jour par semaine, contre 63 % en 2021. Le contraste est net avec le secteur public où, selon le Rapport annuel sur l'état de la fonction publique, 48 % des cadres administratifs et techniques ont télétravaillé au moins une fois durant les 4 dernières semaines.
Mais, même parmi les cadres du secteur privé, des disparités sont observables. Géographiquement d’abord, puisque 79 % des cadres franciliens télétravaillent régulièrement, contre 56 % dans les autres régions. Par secteur, ensuite : si 79 % des cadres des « entreprises à forte valeur ajoutée » (informatique, conseil, banque-assurance, communication) adoptent cette pratique, ce taux baisse à 62 % dans l'industrie, 57 % dans les services et 54 % dans la construction et le commerce. Autre facteur déterminant, la taille de l’entreprise, avec 75 % de télétravailleurs dans les grandes entreprises, contre 60 % dans les PME et 47 % dans les TPE.
Une source d’évolution des pratiques de travail et managériales
L’arrivée du télétravail a aussi entraîné des ajustements dans l'organisation professionnelle. En effet, 75 % des cadres affirment adapter leurs jours de télétravail à leurs missions, par exemple en consacrant les journées à distance aux projets de fond et aux tâches administratives, tandis que les jours de présentiel sont dédiés aux réunions et formations. Par ailleurs, 69 % des cadres télétravailleurs constatent que les pratiques managériales se sont adaptées à cette nouvelle réalité, et 91 % estiment que leur manager leur accorde la même confiance en télétravail qu’en présentiel.
Un facteur d’attractivité pour les entreprises
Auparavant perçu avec circonspection, le télétravail est désormais considéré comme un atout de recrutement majeur par les grandes structures. Pour preuve, 70 % des entreprises de plus de 250 salariés (contre seulement 46 % des PME et 39 % des TPE) estiment que son absence constitue un frein à l'embauche de cadres. Elles n’étaient que 43 % à avoir cette opinion en septembre 2021.
Car cette pratique est devenue essentielle pour les cadres, au point que 67 % d’entre eux seraient mécontents si leur entreprise réduisait le télétravail et 82 % si elle le supprimait. Dans cette dernière hypothèse, près de la moitié envisagerait même de chercher un nouvel emploi. Conscientes de cet enjeu stratégique, en 2024, seules 10 % des organisations ont réduit le nombre de jours de télétravail autorisés, et seulement 7 % prévoient de le faire en 2025. À l’inverse, le double (14 %) veulent développer son accès en 2025.
Une application remise en question
Cependant, 56 % des cadres s’attendent à ce que leur entreprise remanie les modalités d’accès ou de gestion du télétravail (jours autorisés ou interdits, délais de prévenance, outils de suivis…) au cours de l’année 2025. Une crainte qui n’est pas infondée puisqu’un quart des grandes entreprises et un cinquième des TPE-PME déclarent qu’elles vont certainement ou probablement réviser ces modalités. Parmi elles, 11 % jugent que le télétravail réduit la qualité de vie, 22 % qu’il diminue la productivité et 39 % qu’il a un impact négatif sur le sentiment d’appartenance à l’entreprise. Mais ces modifications seront un véritable numéro d’équilibriste, dans la mesure où le télétravail est devenu un quasi acquis social.
D’autant « qu’il n’a pas révélé tous ses bienfaits », affirme Maxime Legrand, secrétaire national de la CFE-CGC en charge du secteur organisation du travail - santé au travail, dans un article des « Echos » publié le mercredi 19 mars. « Il faut encore l'améliorer, en prévoyant des jours fixes de retour sur site, par exemple, et surtout mieux former les managers. »
*Source : « Regard des cadres, managers et employeurs sur le télétravail » comprenant 2 enquêtes en ligne auprès de 3 000 cadres du secteur privé et une enquête téléphone auprès d’un millier d’entreprises employant au moins un cadre.
François Tassain