NORMES COMPTABLES : INTÉGRER LES CAPITAUX SOCIAUX ET ENVIRONNEMENTAUX
Animateur de la table ronde, le journaliste Benoît Jullien, fondateur de l'agence ICAAL, spécialisée dans l'information et le conseil agroalimentaires, a d’abord donné la parole à Alexandre Rambaud, chercheur associé à l’université Paris-Dauphine, codirecteur de la chaire « Comptabilité écologique » et du département « Économie & Société » du Collège des Bernardins. Celui-ci a notamment évoqué le nouveau modèle comptable CARE (Comptabilité adaptée au renouvellement de l’environnement), qui propose d'intégrer la préservation des capitaux humain et naturel dans le bilan des entreprises. « La chaîne de valeur intervient de façon flagrante dans les modèles comptables. La méthode CARE vise à étendre les états financiers classiques pour y incorporer les capitaux humains et naturels, sociaux et environnementaux. On obtient ainsi un instrument de gestion de la performance globale de l’entrepris avec une série d’indicateurs tenant compte de la création de valeur pour l’ensemble des parties prenantes, en restant connectés avec le réel. »
CRÉATION DE RICHESSE ET COÛTS ASSOCIÉS
Président de la Fédération des entreprises et entrepreneurs de France (FEEF), fabricant de grands produits de consommation d’origine agricole, Dominique Amirault a souligné combien le sujet du partage de la valeur est une priorité constante des entreprises. « La création de la valeur, c’est répondre aux attentes des consommateurs, en adaptant constamment nos offres, en innovant, en investissant dans les emplois. C’est l’entreprise qui crée de la richesse. La question des coûts associés et des tarifs aux consommateurs est donc centrale. À cet effet, la récente loi Egalim 2, même si elle s’apparente à une usine à gaz, a le mérite d’introduire de nouveaux dispositifs de régulation et de transparence au profit d’une meilleure rémunération des agriculteurs français, et de reconnaître que l’alimentation a de la valeur et des coût associés. »
Preuve que les employeurs s’emparent de tous ces sujets, Dominique Amirault a par ailleurs vanté les mérites du label PME+, créé pour les entreprises indépendantes françaises à taille humaine ayant des pratiques éthiques et responsables. « PME+ est attribué après un audit annuel effectué par Ecocert environnement selon un référentiel inspiré de la norme ISO 26000 », précise-t-il.
CHEZ CARREFOUR, LA TRANSITION ALIMENTAIRE ÉRIGÉE EN RAISON D’ÊTRE
Parole ensuite à Laurent Vallée, secrétaire général du groupe Carrefour (350 000 collaborateurs dans le monde dont 100 000 en France), qui a mis en avant la singularité du géant de la grande distribution : « L’entreprise, dans la foulée de la loi Pacte, s’est dotée en 2019 d’une raison d’être, inscrite dans nos statuts et centrée sur la transition alimentaire. Notre mission est de proposer à nos clients des produits et une alimentation de qualité et accessibles à tous. Grâce à nos collaborateurs et à une démarche responsable, à notre ancrage dans les territoires et à notre adaptation aux modes de production et de consommation, nous avons pour ambition d’être leader de la transition alimentaire pour tous en respectant chacun des maillons de la chaîne des créateurs de valeur, du producteur agricole au distributeur. Cela passe notamment par des partenariats de long terme avec des producteurs agricoles, assortis de mécanismes de rémunérations favorables. »
CONSOMMATEURS ACTEURS, TRANSPARENCE DU PRIX ET JUSTE RÉPARTITION DE LA VALEUR
Exemple concret de cette démarche engagée par Carrefour : le partenariat noué avec « C'est qui le Patron ?! - La Marque du Consommateur », la première marque créée par des consommateurs en 2016 pour venir en aide aux producteurs. Son fondateur, Nicolas Chabanne, en a rappelé l’ADN : « Nous avons voulu bousculer toutes les règles de la grande distribution et de l’industrie agroalimentaire pour mettre au point un lait équitable dont le prix est décidé en toute transparence par les consommateurs afin de faire vivre les éleveurs ». Aujourd’hui, la marque comptabilise 32 produits référencés dans plus de 7 000 magasins, soutenant des milliers de familles de producteurs pour qu’ils vivent correctement de leur métier.
« Cette démarche de transparence doit être généralisée, conclut Nicolas Chabanne, afin de permettre aux consommateurs de comprendre comment se répartit la valeur tout au long de la chaîne. Il faut les associer à ces discussions et répondre à ces nouvelles exigences car il n’y aura pas de retour en arrière. »
Mathieu Bahuet