Au départ, des mesures d’accompagnement « au ras des pâquerettes », selon José Tarantini, délégué syndical central de la CFE-CGC Michelin. À l’arrivée, du mieux mais une grande déception, enracinée dans un dialogue social « exécrable » chez l’équipementier.
En couverture des journaux, en particulier économiques ou de presse quotidienne régionale, les unes se répètent : des fermetures d’usine ici, des suppressions d’emplois là, des PSE en négociation ailleurs. Michelin, entreprise qui s’enorgueillit pourtant de son modèle social, compte parmi les multinationales à avoir réalisé de telles annonces ces derniers mois. Le géant du pneu ferme ses usines de Vannes (Morbihan) et Cholet (Maine-et-Loire). Au total, 1 254 personnes sont concernées par ce mal nommé plan de sauvegarde de l’emploi.
Pour le justifier, l’entreprise invoque la concurrence asiatique et la perte de compétitivité en Europe. Un chiffre à l’appui : le bénéfice net pour 2024 a chuté de 4,7 %, soit 1,9 milliard d’euros. De leur côté, les partenaires sociaux, eux, dans un communiqué de presse intersyndical (CFE-CGC, CFDT, CGT, Sud, FO) publié à l’issue de la négociation, le 5 mars, estiment qu’il s’agit moins d’une nécessité économique que d’une volonté de préserver des profits pour les actionnaires. Au-delà, c’est toute la stratégie de l’entreprise qu’ils interrogent. Ainsi ont-ils porté, rappelle José Tarantini, délégué syndical central CFE-CGC, un « droit d’alerte » en 2024, au vu de la baisse de production de pneus, notamment au sein de l’usine de Cholet.
Sans être entendus, puisque de novembre 2024 à mars 2025, six réunions de négociation ont été menées autour d’un PSE. Trois cas de figure y sont traités : des mobilités internes, externes et des départs à la retraite. « Dans ces situations, les négociations sont biaisées puisque les entreprises arrivent en posant déjà des conditions de départ », regrette José Tarantini. Or, en l’espèce, le point de départ était « très bas, au ras des pâquerettes ». Autrement dit au niveau de départ du PSE négocié cinq ans plus tôt, au moment de la fermeture de l’usine vendéenne de La Roche-Sur-Yon.
Les discussions ont donc été tendues. De petites avancées ont été obtenues par la mobilisation syndicale, même si les représentants des salariés affichent leur déception. Pour les personnes en fin de carrière, ils ont obtenu que soient concernées celles qui partiront à taux plein au 1er janvier 2031 et non seulement 2030, comme c’était initialement proposé par l’entreprise. Pour les salariés en mobilité externe, elles ont conduit à revoir le montant des indemnités supra-légales, passées de 35 000 à 40 000 euros, mais surtout à une valorisation de l’ancienneté : s’y ajoutent 1 250 euros par année d’ancienneté au lieu des 500 euros de départ. Quant aux collaborateurs qui choisiraient une mobilité interne, leur indemnité compensatrice s’est vue augmentée de 7 000 euros pour atteindre 40 000 euros.
« Ainsi, un ouvrier qui aurait 20 ans de maison et qui serait âgé de 47 ans partira avec 100 000 euros, indemnité de fin de carrière comprise », illustre José Tarantini. Un chiffre qui peut sembler conséquent. « Il y a deux lectures de ce PSE, recadre-t-il. En effet, par rapport à ce que proposent d’autres entreprises, en difficulté, elles, cela peut sembler assez confortable. Mais on peut aussi remarquer que les montants sont proches de ceux d’il y a cinq ans, à peine 3 points de plus que l’inflation, dans un contexte économique national différent et des bassins d’emploi moins favorables ! ».
GEPP « DÉLÉTÈRE » ET CRAINTE DE FUTURES NOUVELLES SUPPRESSIONS D’EMPLOIS
S’ajoute à cela l’annonce surprise en cours de négociation de la précipitation de la fermeture de l’usine de Vannes, en juillet prochain, plusieurs mois avant les premières prévisions. Et un dialogue social « exécrable ». De longue date. Outre le droit d’alerte, la CFE-CGC avait aussi refusé de signer l’accord de gestion des emplois et des parcours professionnels (GEPP) en 2023 qui, à ses yeux, n’offrait aucune perspective permettant aux salariés de se projeter et de se former en conséquence. « Il était délétère », assure José Tarantini. Cet accord est cependant appliqué sur certains sites, Michelin cherchant à privilégier les départs volontaires, « moins mauvais pour l’image de l’entreprise ». Autre outil dans l’arsenal de l’entreprise : les accords de performance collective (APC) qui, pour José Tarantini, sont annonciateurs de futures nouvelles suppressions d’emplois.
En attendant, les organisations syndicales ont jusqu’au 24 mars pour signer, ou non, le PSE. La CFE-CGC ne le signera sans doute pas mais validera seulement les mesures d’accompagnement, « pour ne pas retomber aux propositions de départ de l’entreprise ».
Sophie Massieu