Vous faites partie du nouvel exécutif CFE-CGC élu au congrès de Tours en mars dernier. Comment s’est passée la mise en place de votre secteur ?
Structuré autour de trois grands piliers - management et leadership, organisation du travail et santé - le secteur est composé de trois élus : un secrétaire national et deux délégués nationaux en la personne de Anne-Michèle Chartier et Pierre-Olivier Adrey. Dès le début, nous nous sommes appuyés sur la forte expérience d’Anne-Michèle (ndlr : déjà déléguée nationale lors de la précédente mandature) en matière de santé, sur les mandats occupés par la CFE-CGC dans ce cadre, sur les équipes de salariés de la Confédération, et nous avons bien sûr bénéficié du relais transmis par l’élue qui m’a précédée, Mireille Dispot.
Pierre-Olivier a amené son expérience managériale et son réseau en matière de politiques de prévention et de santé. Quant à moi, j’arrive avec ma longue expérience en tant que permanent syndical d’une grande entreprise, mes bonnes pratiques acquises au travers de mes mandats européens et des ambitions pour un secteur au service des adhérents CFE-CGC et des salariés qui doivent pouvoir mieux vivre le travail.
Quels sont les premiers dossiers que vous avez été amené à gérer ?
La vie d’une organisation syndicale ne s’arrête pas tous les trois ans pour attendre que les élus le soient. Il en est de même de l’agenda social. Il nous faut donc assurer les transitions et traiter les sujets en cours. Ce fut en particulier le cas avec le projet Super(wo)man (Savoir, Unir, Promouvoir, Entraîner, Reconnaître dans le Management), visant à accompagner et à outiller les managers et leurs collaborateurs dans la transformation des organisations du travail ; et avec la négociation entre partenaires sociaux sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (AT/MP).
L’enjeu du projet sur le travail hybride et le management, financé dans le cadre d’un appel à projet ANACT, est de mieux saisir les impacts du travail hybride sur l’organisation du travail. L’ambition de la CFE-CGC est aussi de profiter de ces travaux pour mieux appréhender les réalités managériales et consolider notre doctrine en matière de valorisation de la prise de responsabilité managériale.
Concernant l’AT/MP et fort d’un constat partagé par l’ensemble des organisations syndicales et patronales représentatives sur les améliorations à apporter à la branche, nous avons réussi à dépasser nos différences de point de vue autour du compromis social historique d’indemnisations des assurés, pour trouver un accord sur un texte final qui présente des avancés en matière de prévention, de réparation et de gouvernance. Cet accord national interprofessionnel (ANI) sera soumis, fin juin, à nos instances.
Par ailleurs, nous allons rapidement nous réunir entre partenaires sociaux afin de suivre la mise en place et les effets de l’ANI santé au travail conclu en décembre 2020, puis transposé au niveau législatif. Pour la CFE-CGC, tout cet agenda social et le dialogue social afférent s’inscrivent dans une large réflexion autour de l’usure au travail, en lien avec d’autres secteurs confédéraux sur diverses thématiques : emploi des seniors, temps de travail, intelligence artificielle, secteur public, retraites, etc.
Quels sont les nouveaux enjeux relatifs à la santé au travail ?
Les ordonnances Macron ont eu un impact très négatif en matière de moyens humains disponibles pour la représentation du personnel et la santé au travail a probablement été le grand perdant de cette réforme, du fait de la transformation des CHSCT en CSSCT. Cela s’est opéré alors même que le monde du travail a été profondément bouleversé par l’essor du télétravail et d’une connectivité encore accrue. Tout en offrant des opportunités, cela peut augmenter les situations d’épuisement pour les salariés, et dans une plus forte proportion les cadres qui doivent à la fois gérer le business, prendre soin de leurs équipes et d’eux-mêmes dans la période de grande transformation que nous vivons. Il s’agit donc de communiquer autour des formations santé disponibles avec le Centre de formation syndicale (CFS) de la CFE-CGC, et d’adapter ces modules aux nouveaux besoins.
Sur la base des résultats de l’enquête Super(wo)man, nous publierons probablement un guide à l’intention de toutes celles et ceux qui sont concernés par les nouvelles formes de relations managériales en matière de travail hybride.
Syndicat de l’encadrement, comment la CFE-CGC s’empare-t-elle du sujet du management ?
Nous avons à cœur de montrer que l’organisation du travail est un sujet CFE-CGC, et de réenchanter les fonctions managériales dans une période où de nombreuses études montrent un vrai désintérêt des jeunes pour la prise de responsabilités. Pour la CFE-CGC, être manager, cadre, posséder une expertise, c’est avoir de l’impact. C’est, au travers des décisions à prendre tous les jours, façonner le monde de l’entreprise et créer des externalités positives sur la société. C’est accompagner, transmettre ses compétences et sensibiliser en prenant en compte les sujets sociétaux essentiels, dont la diversité et les défis environnementaux. Manager, c’est donner du sens !
On dit souvent que la santé est le bien le plus précieux. Nous militons en faveur d’une société où les organisations du travail prennent soin des salariés, où la fonction managériale est valorisée tout comme celles et ceux qui font les efforts d’acquérir des expertises et des compétences, de relever des défis et d’en être récompensés. Bref, une société plus innovante et créative, plus efficiente économiquement et bénéfique pour notre démocratie.
Propos recueillis par Mathieu Bahuet