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Publié le 25 - 04 - 2025

    La retraite par capitalisation au cœur des discussions

    La réunion du 24 avril du conclave retraite a été consacrée à la question de la retraite par capitalisation, dont l’application divise les partenaires sociaux. 

    Comme lors des précédentes sessions, les partenaires sociaux (CFE-CGC, CFDT, MEDEF et CPME) étaient présents à la table des négociations. Ces dernières portaient sur l’élaboration et le renforcement d’un système de retraite par capitalisation en complément du système par répartition. Pour rappel, en France, la retraite par capitalisation représente 5,1 % des cotisations et 2,3 % des pensions en 2022.

    Conformément à la pratique habituelle, l’ouverture de la séance a été consacrée à la présentation d’éléments techniques destinés à structurer les échanges et à appuyer les réflexions des partenaires sociaux. 

    La capitalisation, arme contre la baisse du taux de remplacement ?

    Les discussions ont d'abord porté sur l'objectif principal d’un éventuel renforcement du système de la retraite par capitalisation : compenser la baisse anticipée du taux de remplacement et maintenir le niveau de vie des futurs retraités. 

    Cependant, ce système n’est pas à l’abri des déséquilibres démographiques. Ainsi, il ne pourra constituer à lui seul une réponse aux défis posés par le vieillissement de la population française, passée de 4,1 à 1,7 actifs par retraité entre 1960 et aujourd’hui.

    Sur ce sujet, Christelle Thieffinne, secrétaire nationale CFE-CGC à la protection sociale et cheffe de file de la négociation, a souligné la situation particulièrement défavorable des cadres, dont le taux de remplacement n’est que de 53 % contre 76 % pour les non-cadres. Selon la CFE-CGC, cette disparité justifierait la mise en place d’un dispositif de capitalisation spécifiquement adapté à ces populations pénalisées par le système actuel. 

    Par ailleurs, la CFE-CGC a souligné l'importance de mettre en place des dispositifs encourageant l'ouverture d'épargnes orientées vers des investissements dans la réindustrialisation en France et en Europe.

    Des positions divergentes 

    Si aucun des partenaires sociaux n’est fermé au renforcement de la retraite par capitalisation, leurs positions restent contrastées. La CPME a proposé une heure de travail supplémentaire par semaine (52h par an soit 7 jours) dont le produit serait réorienté vers l'épargne retraite en capitalisation. Cette mesure viserait particulièrement les salariés des PME, souvent moins bien couverts par les dispositifs d'épargne retraite existants. 

    La CFE-CGC et la CFDT se sont fermement opposées à cette proposition. « Après la réforme des retraites de 2023, où les salariés sont les seuls à payer 2 années supplémentaires, la CFE-CGC ne peut accepter cette proposition. L’effort doit être partagé, ce qui n’est pas le cas des propositions patronales », a rappelé Christelle Thieffinne. La CFE-CGC s’inquiète aussi des conséquences sur le chômage, les finances publiques et les cadres travaillant au forfait jour.

    En outre, bien qu’elle se dise « ouverte à la discussion », la CFDT a souligné qu’un éventuel renforcement du dispositif devrait impérativement être généralisé à toutes les entreprises, y compris les TPE.

    De son côté, le MEDEF a rappelé que l’équilibre du système par répartition devait rester une priorité, sans augmenter le coût du travail. Il plaide notamment pour une révision globale du financement de la protection sociale, transférant une partie du financement des branches famille et, partiellement, de la branche maladie, vers d’autres sources.

    Les négociations se poursuivront lors des prochaines séances du conclave, avec comme sujet le pilotage du système des retraites.

    L’ANALYSE DE CHRISTELLE THIEFFINNE, SECRÉTAIRE NATIONALE CFE-CGC À LA PROTECTION SOCIALE ET CHEFFE DE FILE DE LA NÉGOCIATION

    « Nous n’avons aucun tabou vis-à-vis de la retraite par capitalisation, car elle pourrait jouer son rôle de 3ème volet, après la retraite de base et complémentaire, sans les remettre en cause. Mais il faut s’assurer que son utilisation est pertinente. Pour la CFE-CGC, le développement des dispositifs d’épargne retraite doit servir à notre économie et notamment pour l’investissement de la réindustrialisation, en France et en Europe ».

    « À ce stade de la négociation, la proposition de la partie employeur est décevante, car elle n'inclut aucune contribution des employeurs. Un dispositif reposant uniquement sur la participation des salariés perd toute crédibilité en entreprise. Il est impensable de créer un dispositif obligatoire sans implication partagée avec les employeurs. De plus, sans participation financière de leur part, leur présence dans la gouvernance des fonds ne saurait être justifiée ».  

    « La suggestion de la CPME de travailler 1h de plus par semaine, soit 7 jours de plus par an pour financer la retraite par capitalisation n’est pas recevable, et démontre le prix très important à payer pour sa mise en place. Le financement ne serait porté que par les salariés, et ce, de façon très lourde. Mais aussi par les finances publiques via les défiscalisations liées à ces types de fonds ».

    « Par ailleurs, cette proposition n’est pas applicable par essence aux cadres forfaits jours, à moins que les employeurs octroient gratuitement un versement financier vers le fond par capitalisation. Ce que la CFE-CGC peut certes revendiquer, mais la viabilité d’un tel système serait douteuse. Avec cette proposition, la CPME loupe complètement la cible. Quant au MEDEF, nous nous étonnons de son absence d’ambition, bien loin de celle affichée au démarrage du conclave ».

    Note : l'administration a précisé qu'il lui était impossible de fournir les pertes pour la CNAV relatifs aux exonérations non compensées, en raison de la complexité excessive de la traçabilité, au grand étonnement des représentants de la CFE-CGC et de la CFDT, qui avaient demandé ce chiffrage la semaine dernière.

    François Tassain