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La CFE-CGC mobilisée pour la concertation sur les retraites
Comme souhaité par le nouveau gouvernement, les discussions entre partenaires sociaux ont débuté pour aménager la réforme des retraites de 2023. Le point sur les enjeux avec Christelle Thieffinne, secrétaire nationale CFE-CGC à la protection sociale.
Le gouvernement Bayrou a réuni les partenaires sociaux le 17 janvier pour lancer les discussions sur la remise en chantier de la réforme des retraites de 2023. Qu’en est-il ressorti ?
Le premier enjeu est celui de l’objet et du périmètre des discussions. Le terme de conclave n’étant pas franchement approprié, on s’engage pour l’heure davantage sur une concertation que sur une négociation sachant qu’une négociation nationale interprofessionnelle répond à des règles précises, notamment sur qui est présent ou non autour de la table. La première phase des discussions sera un diagnostic avec notamment le rapport chiffré que doit présenter la Cour des comptes le 19 février. Le gouvernement donnera ensuite trois mois aux organisations syndicales et patronales pour travailler sur des aménagements de la réforme tout en respectant les équilibres financiers. Si un accord est trouvé dans le cadre d’une négociation en bonne et due forme, l’exécutif s’engage à le transcrire dans la prochaine loi de financement de la Sécurité sociale.
Les discussions seront coordonnées par Jean-Jacques Marette, ancien directeur général de l'Agirc-Arrco. Qu’en pensez-vous ?
C’est une personnalité bien identifiée des partenaires sociaux, gestionnaires du régime Agirc-Arrco. Il connait les mécanismes du paritarisme, les sujets techniques de la retraite. Pour le reste, nous verrons au fil des échanges.
Il convient de distinguer la retraite du secteur privé et la retraite du secteur public, qui n’est pas un système par répartition »
Quels messages a fait passer la CFE-CGC lors de ce premier tour de table ?
Comme nous l’avions indiqué à François Bayrou à Matignon avec François Hommeril le 9 janvier, la CFE-CGC fait valoir qu’il n’est pas possible de parler d’un problème global du système des retraites et qu’il convient de distinguer la retraite du secteur privé - un système par répartition avec une retraite de base et une retraite complémentaire - et la retraite du secteur public qui n’est pas système par répartition. On ne peut donc pas venir dire que le régime des retraites est déséquilibré en mettant dans la balance le poids de la dépense publique que représente le paiement, par l’État, de la pension des fonctionnaires. Si on parle déficit, la CFE-CGC a expliqué qu’on peut dès lors très bien considérer que les 200 milliards d’euros d’aides aux entreprises sont une ligne budgétaire qui contribue au déficit. Soulignons aussi qu’une récente note du Conseil d’orientation des retraites (COR) ne va pas dans le sens du Premier ministre et qu’il n’y a pas de « déficit caché ».
La CFE-CGC a également mis l’accent sur le sous-financement des retraites du secteur public en lien avec le désengagement de l’État et le gel chronique du point d’indice. Enfin, s’agissant des ressources pour le système de retraite du privé, les sujets à adresser sont la productivité, le taux d’emploi dont celui des seniors, et la qualité des emplois.
Le rapport de la Cour des comptes doit donner « des chiffres indiscutables » sur le financement du système de retraite. Donnera-t-il lieu à une bataille d’interprétations ?
Je ne pense pas. La démarche est plutôt saine d’autant que l’instance a demandé et obtenu un délai supplémentaire avant de rendre ses travaux, ce afin d’interroger toutes les parties prenantes dont le COR et les organisations syndicales. La CFE-CGC ne manquera pas de présenter ses analyses et études chiffrées pour objectiver les débats.
Le gouvernement répète qu’il n’y a « aucun tabou » dans le champ de cette concertation. Y compris sur les 64 ans, l'âge légal de départ en retraite entériné par la réforme de 2023 ?
C’est une possibilité, même s’il est difficile de faire la moindre projection alors que les discussions ne font que commencer. Avec la réforme, rappelons que pour les personnes atteignant 62 ans cette année, l'âge légal de départ est porté à 62 ans et 9 mois. Relevé à raison de 3 mois par année de naissance, l’âge légal atteindra 64 ans en 2030.
Ouvrir des espaces et proposer des mesures sur la pénibilité du travail, l’emploi des seniors, et pour réduire les inégalités femmes-hommes en matière de niveau de pension »
Quelles seront les revendications portées par la CFE-CGC ?
La CFE-CGC veut profiter de cette concertation pour ouvrir des espaces et proposer des mesures sur les critères de pénibilité du travail en y intégrant les risques psycho-sociaux (RPS) ; sur l’emploi des seniors ; et pour réduire les inégalités femmes-hommes en matière de niveau de pension. Les mères de famille ont notamment payé un lourd tribut avec la réforme de 2023. Plus largement, il faut aussi mettre sur la table toute la problématique des allègements de cotisations qui pèsent sur les ressources de notre système de protection sociale.
La menace d’une captation des réserves de l’Agirc-Arrco par la puissance publique est-elle toujours vivace ?
Les partenaires sociaux, gestionnaires de la retraite complémentaire, restent très vigilants sur le sujet mais c’est quelque chose dont on entend moins parler dernièrement.
La retraite universelle par points, abandonnée en 2020 lors de la crise Covid, revient dans les discussions. Quelle est la position de la CFE-CGC ?
Le Premier ministre a en effet évoqué le sujet. La CFE-CGC s’y oppose car celle-ci mélangerait les secteurs privé et public, avec le risque inhérent que le privé finance les pensions du public. Par ailleurs, un tel système poserait plusieurs problèmes dont des plafonds très faibles de pension.
Côté patronal, le Medef souhaite ouvrir le débat sur la retraite par capitalisation.
La CFE-CGC rappelle qu’elle est attachée au système actuel avec d’une part la retraite de base (Sécurité sociale) qui permet d’assurer une solidarité inter-catégorielle à laquelle contribuent fortement les populations de l’encadrement ; et d’autre part la retraite complémentaire (Agirc-Arrco) qui, pour beaucoup de cadres, représente jusqu’à 60 % du montant de la pension. La retraite par capitalisation est l’outil pour le volet de retraite supplémentaire. Pour la CFE-CGC, le développement de la retraite par capitalisation ne peut se faire dans un débat qui verrait réduire les pensions de retraite de base et complémentaire.
Il n’y a pas de problème à court terme de financement des retraites »
La ministre du Travail, Astrid Panosyan-Bouvet, a proposé une contribution de « certains retraités », arguant que l’effort ne doit pas incomber uniquement aux entreprises et aux salariés.
L’idée n’est pas acceptable de faire porter un effort sur des salariés ayant contribué largement au financement des retraites. Nous ne souhaitons absolument pas entrer là-dedans pour la simple et bonne raison qu’il n’y a pas de problème à court terme de financement des retraites. Encore une fois, pour la CFE-CGC, il faut avant tout revenir sur les problématiques d’allègements de cotisations. Laissons par ailleurs la concertation se dérouler avec des acteurs qui se connaissent, chacun avec ses grilles d’analyse.
En parallèle, les partenaires sociaux sont en passe de conclure la négociation sur les groupes de protection sociale (GPS). Où en est-on ?
Deux dernières séances sont programmées avec une conclusive prévue le 18 février, la veille de la publication du rapport de la Cour des comptes. Il reste certains sujets épineux mais nous avons bon espoir de parvenir à un accord national interprofessionnel (ANI). Cela serait un signal fort pour le paritarisme.
Propos recueillis par Mathieu Bahuet