L’EXEMPLE DES COMPAGNONS MÉDIÉVAUX
En introduction, le président de la CFE-CGC, François Hommeril, a rappelé que « depuis le Moyen Age, quand les compagnons sillonnaient l’Europe pour exporter leur savoir-faire et en importer d’autres en France, le cœur de la compétence, du progrès, de la beauté, de la création, a toujours été la mobilité internationale ». A l’issue des débats, la secrétaire nationale Europe et International de la CFE-CGC, Anne-Catherine Cudennec, a résumé l’intention générale : « Nous avons souhaité mettre en lumière, à travers des champs d’expérience très divers, les opportunités offertes par l’Union Européenne, souvent décriée. Il faut continuer à parler Europe en espérant que chacun pourra prendre la juste mesure des avantages qu’on peut y trouver. »
L’EXPATRIATION EN MODE WIN-WIN
Promotion dans un nouveau poste, accélération de carrière, avantages financiers, sociaux, fiscaux, ouverture d’esprit pour les enfants en bas âge, qualité de l’enseignement des lycées français, voilà une partie des avantages que l’expatriation procure au salarié, selon Jean-Luc Delenne. Pour l’entreprise, le bilan est tout aussi positif : adaptation des compétences aux besoins de la filiale, attractivité de la marque employeur, multiculturalisme, transmission des savoirs…
LA FAMILLE EN PREMIERE LIGNE
Avec quelques bémols, toutefois : « le coût pour l’employeur est élevé et, pour que cela réussisse, il faut s’assurer que la famille de l’expatrié est bien prête à déménager et consciente de ce qui l’attend en termes de mode de vie, de culture locale, d’isolement potentiel, de climat... » Il y a aussi, ajoute Jean-Luc Delenne, « le risque de refus par le travailleur de revenir dans son pays d’origine qui constitue un vrai casse-tête pour les DRH ». Sans oublier la problématique du retour en France, pas toujours évident sur le plan professionnel.
LES ALÉAS DU RETOUR EN FRANCE
« Il faut se réadapter aux modes français, résume Elodie Oriol, référente Carrières et Mobilités Internationales de la CFE-CGC AED (syndicat des industries de l'Aéronautique, de l'Espace et de La Défense). Les personnes qui ont passé du temps à l’étranger se sentent en général bien là où elles sont. Elles se trouvent confrontées à une date butoir qui leur impose de revenir, alors qu’elles ont perdu une partie de leur réseau français. Les plus de 55 ans, notamment, rencontrent souvent des difficultés à être validés sur de nouveaux postes à leur retour. »
L’ACCOMPAGNEMENT DE L’APEC
En amont et en aval de ces mobilités géographiques des cadres, il y a la possibilité de bénéficier des structures d’accompagnement de l’Apec. Comme l’a souligné Christine Lé, sa vice-présidente CFE-CGC, « quand on est mobile fonctionnel ou géographique, il faut toujours avoir en tête le coup d’après. » L’Apec a mis en place des ateliers en mode digital depuis une dizaine d’années pour préparer le retour en France avec l’aide de consultants expert. De la même manière, elle forme des entreprises à recruter des étrangers et elle travaille depuis deux ans sur la mobilité des apprentis.
LA MOBILITÉ DES APPRENTIS
Sur cette question, c’est Jean Arthuis qui a tenu la vedette de la conférence. L’ancien ministre de l’Economie et des Finances a fondé, avec des partenaires comme les Compagnons du Tour de France, le CNAM, des chambres des métiers et de commerce, Europe App Mobility, une structure qui vise à développer un espace européen de la formation professionnelle et de l’apprentissage. Il a rappelé qu’en tant que député européen (de 2014 à 2019), il avait fait voter un projet pilote « Long term mobility for apprentices » portant sur les freins à la mobilité longue des apprentis, qui souvent ne partent à l’étranger que quelques semaines.
LE PATCHWORK DES DROITS DU TRAVAIL
Car la mobilité des apprentis est plus compliquée que celle des étudiants. Là où grandes écoles et universités fonctionnent un peu toutes sur le même moule, le statut de salarié de l’apprenti oblige à tenir compte des contrats de travail différents dans 27 pays de l’UE, de l’accueil et du tutorat en entreprise, de l’obligation de maintenir sa rémunération pendant sa mobilité. « Envisageable pour une entreprise d’une certaine taille, plus difficile pour un artisan », résume l’ex-président du conseil général de la Mayenne.
LE RÔLE DE LA COMMISSION EUROPÉENNE
Concernant les jeunes et la formation initiale, Polina Khomenko, analyste politique à la Représentation de la Commission européenne en France, a brossé un panorama des programmes soutenus par la Communauté européenne. Si Erasmus est le navire amiral depuis 35 ans avec ses 12 millions de bénéficiaires partis étudier et se former à étranger, trois autres programmes prennent le relais sur des thèmes spécifiques.
ERASMUS+ ET LES AUTRES
« Discover EU », qui est une branche d’Erasmus+, donne aux jeunes de moins de 18 ans la possibilité de voyager en Europe en mobilité douce. Plus de 165 000 jeunes depuis 2018 ont bénéficié de billets de train dans ce cadre. Le Corps européen de solidarité permet aux jeunes de relever des défis sociétaux ou humanitaires sur le terrain par le biais de volontariats de 2 à 18 mois à l’étranger, seuls ou en groupe, hébergement, voyage et argent de poche étant pris en charge. Et la nouvelle initiative Alma (Aim, Learn, Master, Achieve), soutenue par le Fonds social européen (FSE), proposera des expatriations de deux à six mois dans un pays d’Europe à des jeunes de 18 à 29 ans en chômage de longue durée, ayant des compétences professionnelles insuffisantes, avec un suivi ensuite dans le pays d’origine pour trouver du travail. L’appel à proposition est en cours et la France s’est engagée à soutenir 1000 jeunes par an.
UN VENT DE FRAICHEUR MILANAISE
Enfin, l’intervention de Muriel Chupin, ancienne étudiante à Milan, a fait souffler un vent de fraîcheur sur « Restaurer la confiance ». Celle qui travaille aujourd’hui dans un ministère a bénéficié d’une mobilité Erasmus dans le cadre de ses études de droit, il y a sept ans. Elle a voulu « mettre des paillettes dans les yeux des étudiants » en racontant « la meilleure expérience » de sa vie.
L’APPRENTISSAGE DE LA VIE
« J’avais 20 ans, je quittais mon domicile familial, j’ai dû me débrouiller toute seule, trouver un logement, découvrir d’autres modes de vie et d’apprentissage, partir à la recherche de moi-même, raconte Muriel Chupin. Les Finlandais par exemple sont très débrouillards parce qu'ils ont au lycée des cours sur l’apprentissage de la vie où ils apprennent à cuisiner et à lancer une machine. La plupart des examens en Italie se déroulent par oral, ce qui développe les qualités d’expression. Les cours sont en anglais, ce qui fait qu’on devient totalement bilingue. Et le sentiment d’être une ambassadrice de son pays ajoute de la responsabilité. »
Gilles Lockhart