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Publié le 15 - 07 - 2024

    Dialogue social environnemental : les sections CFE-CGC à l’action

    La loi Climat et résilience de 2021 a enrichi les prérogatives des comités sociaux et économiques (CSE) en entreprise. Témoignages terrain de militants.

    Sandie Surre travaille dans la banque depuis 1998. Elle a été 16 ans directrice d’une agence Banque Populaire du Sud (groupe BPCE) dans l’Ariège. Adhérente CFE-CGC tôt dans sa carrière, elle a été déléguée du personnel et élue au comité d’entreprise (CE). Elle est aujourd’hui déléguée syndicale, élue au comité social et économique (CSE) et vice-présidente de la section Banque Populaire du Sud du SNB/CFE-CGC, première organisation syndicale dans l’entreprise avec 60 % de représentativité.

    Accompagner la transition écologique dans la banque »

    Filiale du Groupe BPCE, deuxième groupe bancaire en France, Banque Populaire du Sud est un réseau régional de 260 agences et environ 2 000 salariés (cadres et techniciens). L’idée d’une commission environnementale a germé en 2022, peu après la loi Climat et résilience qui a enrichi les prérogatives environnementales des CSE. Éco-anxieuse, j’ai une forte appétence pour ces sujets et pour agir syndicalement. Après consultation du bureau de la section SNB/CFE-CGC, je suis montée au créneau en écrivant à notre direction générale pour mettre à l’ordre du jour la création d’une commission environnementale. Nous avons essuyé un refus catégorique. Nous n’avons pas baissé les bras et remis le sujet sur la table lors de chaque réunion d’instance en challengeant la direction pour répondre aux enjeux de développement durable sur le calcul de l’emprunte carbone des activités de l’entreprise, le recyclage des déchets, les enjeux de mobilités…

    Ce travail de fond a payé : fin 2022, l’entreprise a signé un accord de droit syndical instaurant une commission environnement, la première au sein du groupe BPCE. L’accord prévoit 48 heures de délégation syndicale pour les 6 élus du personnel (dont 4 CFE-CGC) avec d’assez larges prérogatives en matière d’économie circulaire, de traitement des déchets, de mobilités, d’empreinte carbone, de conditions de travail en lien avec le réchauffement climatique, et de travaux de rénovation au sein du réseau d’agences (par exemple des chauffe-eaux plus vertueux). L’instance se réunit au minimum deux fois par an. Nous élaborons des propositions pour répondre aux attentes des salariés. En revanche, nous n’avons pas obtenu la possibilité de travailler sur les produits bancaires commercialisés auprès des clients (crédits, placements). Le sujet est sensible et ne fait pas partie du périmètre de négociation.

    SENSIBILISER ET EMBARQUER LES SALARIÉS

    Une telle commission environnementale permet de travailler des sujets plus précis que ceux évoqués dans une simple commission RSE comme c’est le cas dans d’autres établissements bancaires, avec un risque de « saupoudrage ». Pour embarquer les salariés, nous menons des actions de sensibilisation et de communication avec une newsletter trimestrielle et des ressources (études, focus sur tel site local, outils, calculateur carbone…). Ce ne sont pas forcément les attentes premières des salariés vis-à-vis d’un syndicat et nous sommes toujours sur le fil pour trouver le bon équilibre et travailler également sur les activités sociales et culturelles (ASC) en lien avec la transition écologique. Avec tous les présidents des ASC, nous avons ainsi élaboré un Green Plan présenté en CSE avec des propositions et un bilan des actions menées - développement du co-voiturage, éco-voyages, nettoyage d’une plage - pour être plus vertueux. C’est un travail au long cours : il s’agit, par le dialogue social et la pédagogie, de faire évoluer les habitudes et les mentalités dans l’entreprise. Nous serons par ailleurs très vigilants aux conditions de travail sur site dans le nouveau siège de l’entreprise à Montpellier.

    FORMER LES ÉLUS DU PERSONNEL

    Globalement, la direction joue le jeu du dialogue social avec des moyens engagés, par exemple pour changer la flotte automobile de l’entreprise. Il faut rappeler que les banques du Groupe BPCE sont signataires du Global Compact des Nations unies visant à promouvoir la mise en œuvre des objectifs de développement durable (ODD).

    En tant qu’élus du personnel, nous essayons, avec humilité et conviction, de porter la voix des salariés afin d’accompagner tous ces changements. L’accent doit être mis sur la formation car les sujets abordés en commission environnement sont complexes. J’ai suivi les deux excellents modules mis en place par la confédération. Dans la foulée, j’ai créé un module synthétique pour mes collègues et j’ai formé en local une vingtaine de nos militants. La démarche a plu et a fait tache d’huile au sein du SNB CFE-CGC et de toutes les sections sur le plan national. Cela permet de susciter des vocations, de partager les bonnes pratiques et d’inciter des militants à solliciter les directions d’entreprise pour mettre en place une commission environnement.

    Porter les sujets RSE à chaque négociation »

    Laurent Oechsel est entré en 1992 au Groupe PSA (devenu Stellantis en 2021) où il a effectué toute sa carrière (technicien, responsable maintenance et exploitation des essais). Militant depuis 2007, il est élu CSE et CSEC sur le site de Sochaux Belchamp (Doubs). Depuis 2023, il est délégué syndical central de la CFE-CGC Stellantis et siège au comité de groupe européen. Avec 22,13 % de représentativité, la CFE-CGC est devenue l’an passé la première force syndicale au sein du groupe automobile (37 500 salariés).

    Chez Stellantis (18 établissements en France), la CFE-CGC est de longue date mobilisée en faveur des trois piliers de la RSE : l’économie, le social et l’environnement. L’entreprise mène des efforts notables avec un dialogue social assez actif et la signature de plusieurs accords avec les organisations syndicales. Il est normal pour un groupe automobile, dont le cœur même de l’activité (734 000 véhicules produits l’an dernier en France) génère beaucoup d’émissions de carbone, de travailler ces problématiques environnementales sans tomber dans le dogmatisme anti-voiture car celle-ci demeure un moyen de mobilité indispensable et une importante filière d’emplois.

    DÉPLOIEMENT DE LA « STRATÉGIE CARBONE NET ZÉRO »

    Les négociations dans les instances ne portent pas spécifiquement sur la dimension environnementale. S’il n’y a pas d’accord chapeau englobant toute la politique RSE, celle-ci est partie prenante de divers accords relatifs aux activités économiques de l’entreprise (compétitivité et aménagement des usines, consommation énergétique, géothermie, installation de centrales biomasse, véhicules vertueux, transports des matières premières…), aux accords QVT, à l’organisation du travail, etc. Nous regrettons toutefois l’absence d’un accord de méthode qui permettrait de mieux décliner les informations-consultations au niveau local. En matière de stratégie « Carbone Net Zéro » fixée par la direction d’ici à 2038, il y a parfois un écart de positionnement entre les discussions qui se tiennent dans les comités sociaux et économiques (CSE) par établissement et celles nationales au niveau du comité social et économique central (CSEC). 

    S’agissant des nouvelles prérogatives des élus du personnel introduites par la loi Climat et résilience de 2021, la CFE-CGC a été moteur pour inciter la direction à mener une expérimentation sur le campus de Poissy (Yvelines). Une commission RSE a vu le jour dans le cadre du CSE et notre section locale, pilotée par Béachlé Lebon, se fait ponctuellement accompagner par un cabinet extérieur.

    DES PLANS À MOYEN TERME (PMT) PAR ÉTABLISSEMENT

    La CFE-CGC Stellantis s’efforce à chaque négociation d’évoquer ces sujets RSE et sociétaux et de travailler, pour chaque établissement, à des plans à moyen terme (PMT) fixant des investissements nécessaires à l’évolution des activités et à leurs impacts environnementaux. Je tiens enfin à saluer la qualité des supports et des modules de formation RSE mis à disposition par la confédération pour faire monter en compétences nos militants de la métallurgie dans les entreprises. 
     

    Formuler des avis et challenger la direction »

    Claudine Rousseau travaille depuis 2003 chez Orange sur des projets marketing. Devenue adhérente CFE-CGC en janvier 2023, elle est membre de la commission environnement du comité social et économique central (CSEC) et anime la commission RSE de la CFE-CGC Orange. Elle est référente RSE à la Fédération CFE-CGC Culture, communication et spectacle (FCCS) et représente la CFE-CGC à la commission transition écologique dans la branche des télécommunications.

    En 2022, j’ai réalisé une fresque du climat chez Orange, puis assisté à un séminaire CFE-CGC thématique. Ces expériences m’ont ouvert les yeux et j’ai eu envie de m’engager. Première organisation syndicale dans l’entreprise (70 000 salariés), la CFE-CGC Orange recherchait des profils en capacité de monter en compétences sur la transition écologique et je suis aujourd’hui détachée à 100 %. Dans mon travail syndical, j’investigue les sujets pour dresser un état des lieux puis porter des propositions auprès de la direction.

    La CFE-CGC a contribué à la mise en place, cette année, d’une commission environnementale au sein du CSEC de l’unité économique et sociale (UES) Orange. L’instance se réunira quatre fois par an. Les prérogatives des élus du personnel nous permettent de formuler des avis et de challenger la direction sur ses orientations poursuivies et ses obligations, notamment celles en lien avec la récente directive européenne CSRD sur le reporting extra-financier (voir encadré par ailleurs). C’est la deuxième commission environnement créée dans l’entreprise après celle dans l’entité Orange Business (offres aux entreprises).

    FORMATION, COMMUNICATION ET SÉMINAIRES

    Dans les instances, la CFE-CGC est très attachée au partage d’information, au modèle économique et social de l’entreprise. Nous adressons aussi les problématiques de manière globale, en questionnant aussi les notions de limites planétaires, de poids et responsabilités des GAFAM, d’impacts du changement climatique sur les emplois (conditions d’exercice de certaines missions et santé au travail).

    Nos militants se forment et travaillent ces sujets avec des commissions internes thématiques (CIT) CFE-CGC. Nous organisons plusieurs fois par an des séminaires sur la RSE. C’est une excellente démarche collaborative pour sensibiliser nos adhérents et faire régulièrement appel à des experts extérieurs sur ces sujets. Nous menons aussi des campagnes de communication : rubrique RSE sur le site internet de la section, newsletters, tracts, etc.

    Propos recueillis par Mathieu Bahuet

    Directive CSRD : ce qu’il faut savoir

    C’EST QUOI ?
    La directive européenne Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD) fixe aux entreprises de nouvelles normes et obligations de reporting extra-financier. La France est le premier pays de l’Union européenne à l’avoir transposée. Les informations sont censées permettre de mieux évaluer l'impact de l'entreprise et de son activité sur l'environnement.

    CELA CONCERNE QUELLES SOCIÉTÉS ?
    En France, la directive est entrée en vigueur au 1er janvier 2024 pour les entreprises remplissant deux des critères suivants : plus de 500 salariés, plus de 50 millions d’euros de chiffres d'affaires, plus de 25 millions d’euros de total de bilan. À partir du 1er janvier 2025, elle s’étendra aux entreprises remplissant deux de ces trois critères : plus de 250 salariés, plus de 50 millions d’euros de CA, plus de 25 millions d’euros de total de bilan. À partir du 1er janvier 2026, elle s’étendra aux PME cotées en bourse.

    QUELLES SONT LES INFORMATIONS À FOURNIR ?
    Le reporting extra-financier porte sur les données ESG (Environnement, Social et Gouvernance) de l'entreprise : adaptation au changement climatique, biodiversité, utilisation des ressources, égalité des chances, conditions de travail, respect des droits de l'homme, rôle des organes d'administration, activités de lobbying, etc.

    QUI VÉRIFIE ?
    Les informations communiquées par l'entreprise doivent être certifiées par un commissaire aux comptes ou par un organisme tiers indépendant accrédité.

    QU’EN PENSE LA CFE-CGC ?
    « En l’état, la directive présente des opportunités pour les entreprises, analyse Madeleine Gilbert, secrétaire nationale à la transition vers un monde durable. Elle va plus loin que la loi Pacte de 2019 en requérant un nombre important d’indicateurs dans le rapport de durabilité. Le reporting requis par la CSRD sera l’occasion de renforcer la compétitivité des entreprises concernées, notamment par rapport à leurs concurrents internationaux qui, n’y étant pas obligés, auront du mal à être transparents sur le plan environnemental alors que cela compte de plus en plus dans les décisions des investisseurs. »

    Quelle est la charge de travail ?
    Lors du congrès de la Fédération CFE-CGC Chimie en mars 2024, un représentant de Solvay a indiqué l’impact sur son entreprise : « Cette directive demande d’identifier les sujets matériels où l’entreprise a de l’impact sur l’environnement et la société. Une fois identifiés, on doit définir une stratégie pour les adresser et faire un reporting année après année : plan d’action, moyens alloués, projets réalisés. C’est toute la stratégie ESG de l’entreprise qui doit être mise sur la table. Revers de la médaille : cela entraine un fardeau administratif. Si la directive était appliquée en totalité, elle nous obligerait à publier plus d’un millier de données auditées. Un redoutable défi relevé chez Solvay par une équipe projet d’une vingtaine de personnes. »