La France est le premier pays de l’Union européenne à transposer la directive européenne CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) qui impose aux entreprises de publier des données extra-financières, notamment sur le climat. Quel sera l’impact sur leur activité ?
L’arrivée de cette directive constitue une contrainte bénéfique pour les entreprises. À elles d’en faire une force et un facteur de compétitivité, sachant que la CSRD est encore contestée par certains états membres de l’UE et donc que le terrain reste mouvant. Dans l’état actuel des choses, la directive adopte une approche prospective qui présente des opportunités à différents niveaux pour les entreprises.
D’abord, elle va plus loin que la loi PACTE (2019) en requérant un nombre important d’indicateurs dans le rapport de durabilité. Cela permettra à des sociétés de revoir leur modèle d’affaires et d’initier une mise en cohérence stratégique par rapport à l’environnement, à la biodiversité et au climat. Ensuite, le reporting requis par la CSRD sera l’occasion de renforcer la compétitivité des entreprises concernées, notamment par rapport à leurs concurrents internationaux qui, n’y étant pas obligés, auront du mal à être transparents sur le plan environnemental alors que c’est un domaine qui compte de plus en plus dans les décisions des investisseurs par exemple.
Directive européenne CSRD : "les élus du personnel devront se former"
Secrétaire nationale CFE-CGC en charge de la transition vers un monde durable, Madeleine Gilbert décrypte les enjeux de la nouvelle directive européenne CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) sur les données extra-financières.
De quel poids pèsera la CSRD sur le dialogue social ?
L’ordonnance du 6 décembre 2023 par laquelle la France a transposé la directive européenne institue une consultation du conseil social et économique (CSE) sur les informations en matière de durabilité et sur les moyens de les obtenir et de les vérifier. Je rappelle que la durabilité est le fait de prendre en compte dans son activité les ressources naturelles à préserver et d’éviter de rejeter du CO2 dans l’atmosphère, conformément à la trajectoire carbone fixée par les accords de Paris (2015). Il est précisé également que l’avis des représentants des salariés sera communiqué aux organes d’administration, de direction ou de surveillance concernés. Ces nouveautés impliquent une redéfinition du rôle des partenaires sociaux pour construire un véritable dialogue social environnemental suivi d’effets.
Une occasion pour les militants syndicaux de monter en compétences et de challenger les décisions stratégiques de l’entreprise »
Quel sera le rôle des représentants du personnel ?
Le rapport de durabilité constitue une opportunité pour eux de monter en compétences sur les enjeux de la transition et de challenger les décisions stratégiques de l’entreprise. Pour cela, il faudra qu’ils se forment aux exigences complexes de cette nouvelle directive européenne. Il faudra aussi veiller à ce que les CSE disposent de moyens suffisants pour préparer leurs recommandations et leur avis, et que leurs observations soient prises en compte. Il faudra aller au-delà de l’information « classique ».
C’est l’occasion de rappeler que la CFE-CGC milite depuis longtemps pour la création d’un organe social dédié aux enjeux de la transition. En plus des diverses commissions handicap, emploi, CSSCT, etc., la création d’une commission de dialogue social environnemental élargie aux collaborateurs et disposant de moyens suffisants pour œuvrer serait la manière la plus pertinente de traiter tous ces défis transversaux.
Propos recueillis par Gilles Lockhart