En partenariat avec la Macif, la CFE-CGC a récemment organisé un colloque sur l’économie sociale et solidaire (ESS) et la prise en compte des enjeux environnementaux. Pourquoi ce sujet ?
L’ESS peut apporter une contribution importante au succès d’une transition écologique juste, et davantage encore si elle entraîne sur ce champ l’ensemble des entreprises dans son sillage. La thématique monte en puissance puisque l’Union européenne (UE) a proposé une recommandation pour la mise en place de conditions cadres pour l'économie sociale, en vue de promouvoir l'inclusion sociale et l'accès au marché du travail. En France, une enveloppe de 19 millions d’euros a été allouée dans le cadre du projet de loi de finances (PLF) pour 2024. Avec les acteurs du secteur de l’ESS, il s’agit de conduire une transition juste dans les territoires. Cette coopération sociale et environnementale de toutes les parties prenantes est indispensable pour parvenir à l’objectif de neutralité carbone d’ici 2050 fixé par la loi énergie-climat de 2019. Partenaire engagé, la CFE-CGC, adhérente au Pacte mondial de l’ONU, continue, au travers de sa charte développement durable, de militer pour soutenir une économie durable, sociale et solidaire. Cela passe par l’innovation sociale, par des modes de production et de consommation responsables, par la relocalisation des activités et par le développement de l’économie circulaire.
La CFE-CGC engagée pour concilier transition juste et dialogue social
Économie sociale et solidaire, biodiversité, planification écologique, dialogue social environnemental… Secrétaire nationale à la transition vers un monde durable, Madeleine Gilbert souligne l’engagement de la CFE-CGC et de ses militants.
Intégrer la biodiversité dans les stratégies d’entreprise et les business model »
Le gouvernement a dévoilé le 27 novembre la feuille de route de la stratégie nationale biodiversité 2030 (SNB) pour protéger et restaurer les écosystèmes. Quelle est l’analyse de la CFE-CGC ?
Il s’agit d’un cadre général mais non contraignant pour les entreprises. La mise en œuvre ne se fera qu’avec les acteurs économiques qui ont tout intérêt à intégrer la biodiversité dans leur stratégie et les processus d’innovation afin de faire évoluer les produits et les services, de mieux éco-concevoir et d’imaginer des business model qui réduisent les pressions sur la nature. Pour éviter certains écueils des précédentes SNB, la mobilisation large de l’ensemble des acteurs sera essentielle, notamment dans le cadre des travaux menés au sein du conseil national de la transition écologique (CNTE) avec les partenaires sociaux. La CFE-CGC occupe par ailleurs la vice-présidence de la plateforme RSE avec François Moreux, et siège au comité national de la biodiversité.
Comment la CFE-CGC fait-elle vivre cette problématique de la biodiversité au plan syndical ?
Le droit de vivre dans un environnement sain et écologiquement soutenable est plus que jamais d’actualité. La protection de la santé, notre alimentation, nos conditions de vie et de travail dépendent de la préservation du vivant non humain. En tant qu’organisation syndicale, c’est notre responsabilité de s’engager, de porter des propositions. La CFE-CGC, reconnue partenaire engagé pour la nature par l’Office français de la biodiversité (OFB), milite au quotidien dans les entreprises avec par exemple des fresques de la biodiversité organisées sur une journée. En interne, dans le cadre du groupe de travail collaboratif « Ressources de demain pour un monde durable », nous continuons d’outiller (voir le répertoire biodiversité) et de former nos militants pour faire vivre ces sujets dans le cadre des comités sociaux et économiques (CSE) et inscrire la biodiversité dans les bases de données économiques, sociales et environnementales (BDESE), avec des outils d’évaluation.
Décliner la politique énergétique en entreprise grâce au dialogue dans les instances représentatives du personnel »
En termes de dialogue social, comment décliner la planification écologique à l’échelle de l’entreprise ?
Dans le cadre de la loi de programmation sur l’énergie et le climat (LPEC) et du projet de loi de finances 2024 qui prévoit 10 milliards d’euros supplémentaires pour la planification écologique, j’ai été reçue par le conseiller social d’Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition énergétique. Afin de décliner la politique énergétique en entreprise dans les instances représentatives du personnel, la CFE-CGC propose de créer une commission environnementale obligatoire dotée d’un budget propre ; d’intégrer une procédure de consultation spécifique sur les conséquences environnementales de l’activité de l’entreprise ; d’attribuer un recours par le CSE à une expertise spécifique financée par l’employeur ; de donner les moyens aux membres du CSE de suivre des formations spécifiques et d’attribuer des heures de délégation supplémentaires aux membres de la commission environnement. Il faut rappeler que le plan de sobriété énergétique d’octobre 2022 recommandait déjà de repenser l’organisation du travail au regard des objectifs de sobriété dans une démarche concertée avec le CSE.
Au niveau de la gouvernance, la CFE-CGC milite pour la création d’un comité RSE dans les conseils d’administration ou de surveillance. L’instance serait dédiée à la politique environnementale et à la sobriété énergétique de l’entreprise, en associant les administrateurs salariés. Ce comité deviendrait le garant de la dimension RSE dans la stratégie de l’entreprise.
Où en est-on des nouvelles prérogatives environnementales des CSE ?
La loi climat et résilience de 2021, pour laquelle la CFE-CGC avait formulé des amendements dont deux ont été repris (la formation des élus et le recours à une expertise sur les problématiques environnementales), permet aux élus du personnel de se saisir des prérogatives environnementales. Les militants ont la possibilité de mettre en place des commissions dédiées. Si celles-ci restent facultatives, il nous remonte que des sections syndicales y parviennent dans leurs entreprises, et ce dans plusieurs secteurs d’activité. Pour prendre le pouls du terrain, nous avons lancé, en collaboration avec l'association Réalités du dialogue social (RDS), un sondage « Où en est le dialogue social de la transition écologique ? » auprès de nos adhérents et militants pour comprendre et soutenir la prise en compte des enjeux environnementaux par le dialogue social.
La COP 28 sur les changements climatiques s’est ouverte le 30 novembre à Dubaï. Que peut-on en attendre ?
Œuvrer pour la décarbonation est bien entendu un défi mondial. Il faut espérer que les décisions et les résolutions qui seront éventuellement adoptées soient à la hauteur des enjeux. Cela nécessite l’engagement de toutes les parties prenantes dont la finance qui doit être intégrée pour conduire cette transition juste. Huit ans après l’accord de Paris, il reste beaucoup de chemin à parcourir !
Propos recueillis par Mathieu Bahuet