La Fondation européenne pour l'amélioration des conditions de vie et de travail (Eurofound) a publié, le 2 juillet dernier, une étude sur les réglementations relatives à l'équilibre entre vie professionnelle et vie privée dans les régimes de travail flexibles recourant aux technologies numériques. L'étude propose notamment un panorama du droit à la déconnexion au niveau européen et souligne que, depuis 2016, des lois couvrant le droit de déconnexion ont été adoptées en Belgique, en France, en Italie et en Espagne. Une proposition a également été déposée au Portugal, avant d’être finalement rejetée à l’été 2019.
Fin juillet, le député européen maltais Alex Agius Saliba a déposé une proposition de résolution sur le droit à la déconnexion au Parlement européen, s’appuyant sur l’étude d’Eurofound. Le projet présente les risques liés au recours de plus en plus fréquent aux outils numériques à des fins professionnelles (intensification du travail, allongement du temps de travail, culture de la « connexion permanente ») et les effets préjudiciables sur les droits fondamentaux des travailleurs en matière de rémunération, de santé et sécurité, d’équilibre vie pro-vie privé et d’égalité hommes-femmes. La résolution mentionne le fait que l’accroissement du recours aux outils numériques augmente les risques psychosociaux (RPS) tels que l’anxiété et l’épuisement professionnel.
ASSURER UN NIVEAU MINIMUM DE PROTECTION DES TRAVAILLEURS DANS LE NOUVEAU MONDE NUMÉRIQUE DU TRAVAIL
La crise sanitaire a tout catalysé puisque près d’un tiers des travailleurs de l’Union européenne (UE) a travaillé à domicile, contre 5 % avant le confinement. Le recours aux outils numériques a considérablement augmenté dont l’usage des messageries électroniques professionnelles, classiques et instantanées, particulièrement chronophages et occasionnant de multiples interruptions du temps de travail et des sollicitations hors du temps de travail habituel. Le rapporteur estime donc qu'il faut introduire des garanties au niveau de l'UE pour assurer un niveau minimum de protection des travailleurs dans le nouveau monde numérique du travail. Pour cela, il propose une directive sur le droit à la déconnexion dont le projet de résolution contient des recommandations spécifiques sur les éléments essentiels et le champ d’application.
Le texte introduit une définition du droit à la déconnexion comme « le droit des travailleurs de s’abstenir d’effectuer des tâches, des activités et des communications électroniques liées au travail, telles que les appels téléphoniques, les courriels et autres messages, en dehors de leur temps de travail, y compris pendant les périodes de repos, les congés officiels et annuels et autres types de congés, sans subir de conséquences négatives ». Il prévoit aussi d’assortir ce droit de sanctions et d’un droit de recours pour « toute conséquence préjudiciable liée à l’exercice de ce droit ».
Le rapporteur précise que cette directive devrait s'appliquer à tous les travailleurs qui utilisent des outils numériques au travail, y compris aux travailleurs atypiques, et à tous les secteurs d'activité du public et du privé. Pour rendre ce droit effectif, le projet prévoit la protection des travailleurs contre « toute conséquence préjudiciable liée à l’exercice de ce droit », assurée par un droit de recours et des sanctions applicables en cas de violation, ainsi que le renversement de la charge de la preuve pour établir qu’un « licenciement ou un préjudice équivalent » n’a pas eu lieu au motif qu’un travailleur a exercé ou cherché à exercer son droit à la déconnexion.
Si ce projet de résolution est adopté au Parlement européen, la Commission européenne aura l’obligation de se prononcer, à savoir décider de présenter une initiative législative ou justifier des raisons pour lesquelles elle n’émet pas de proposition.
LA CFE-CGC MOBILISÉE
Les cadres et les professions de l’encadrement étant particulièrement concernés, cette problématique du droit à la déconnexion est portée de longue date par la CFE-CGC. Au niveau européen, la CFE-CGC a en particulier contribué au projet Eurocadres-CEC sur les risques psychosociaux, insistant sur l’importance de consacrer le droit à la déconnexion et de prévoir ses modalités afin de prévenir les RPS. Par ailleurs, les partenaires sociaux ont adopté le 22 juin dernier un accord-cadre sur la numérisation, qui évoque dans les grandes lignes les « modalités de la connexion et de la déconnexion ». Pour la CFE-CGC, l’Union européenne doit désormais aller plus loin et adopter une directive européenne afin de garantir la protection des travailleurs, en particulier de leurs droits fondamentaux en matière de conditions de travail, à une époque où le recours aux outils numériques à des fins professionnelles est de plus en plus fréquent.
En termes de calendrier, le Parlement européen a débuté, le 7 septembre, l’étude de la proposition de résolution du député Alex Agius Saliba. Le vote en assemblée plénière pour adopter la résolution non-législative pourrait donc raisonnablement intervenir début 2021. À la suite de cette adoption, la Commission européenne devra alors présenter une initiative législative ou motiver son refus de légiférer sur ce sujet.
Mobilisée, la CFE-CGC suivra avec attention les différentes étapes de ce processus et contribuera aux travaux visant à rendre effectif le droit à la déconnexion des travailleurs européens.
Sonia Arbaoui
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Publié le 07 - 10 - 2020
Vers un droit à la déconnexion pour les travailleurs européens ?
Une proposition de résolution en faveur d'un droit à la déconnexion pour protéger les salariés a été soumise au Parlement européen.