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Publié le 28 - 09 - 2021

    Salaires : les cadres rattrapés par la crise

    Outre la stagnation des rémunérations et la raréfaction des augmentations, la crise sanitaire a accentué les inégalités salariales femmes-hommes, souligne l’Apec.

    DES AUGMENTATIONS PLUS RARES EN 2020
    Les cadres, ces salariés à l’abri de la conjoncture et régulièrement augmentés ? Que nenni ! Une étude (consultable ici) publiée le 22 septembre par l’Association pour l’emploi des cadres, menée auprès de 13 800 salariés du secteur privé, vient rappeler que la crise du Covid-19 impacte également la rémunération de cette catégorie socio-professionnelle. « En 2020, seuls 38 % des cadres ont bénéficié d'une augmentation, soit 10 points de moins qu'en 2019 », indique Gilles Gateau, directeur général de l’Apec.

    Parce que les rémunérations variables n'ont pas baissé autant qu'attendu, et grâce aux mobilités externes qui s'accompagnent de progressions salariales, la rémunération brute annuelle médiane (fixe + variable) s’est toutefois maintenue à 50 000 euros l’an dernier, un montant stable depuis 2018, souligne l’Apec.  

    LES CADRES NON MOBILES PÉNALISÉS
    Outre la raréfaction des augmentations, les cadres restés à leur poste dans la même entreprise ont été moins fréquemment augmentés que les années précédentes (35 % l’an dernier contre 45 % en 2019), quel que soit leur âge ou la taille de l’entreprise. De la même façon, la mobilité interne a été moins gratifiante en 2020 puisque seuls 52 % des cadres ayant changé de poste en interne se sont vu octroyer une augmentation, soit 15 points de moins qu’en 2019.

    En revanche, et même si la mobilité externe a été moindre l’an dernier, en raison d’un contexte économique incertain, les salariés ayant changé d’entreprise ont pu tirer leur épingle du jeu, 66 % d’entre eux ayant bénéficié d’une augmentation salariale de 13 % en moyenne.

    LES JEUNES CADRES TOUCHÉS DE PLEIN FOUET
    Sans surprise, les jeunes cadres ont, eux aussi, pâti de la crise. Ainsi, la part des moins de 30 ans augmentés en 2020 a fortement chuté par rapport à 2019 (48 %, -14 points en un an). C’est aussi et surtout la seule classe d’âge dont la rémunération globale a baissé en 2020, passant de 40 00 à 39 000 euros. Par ailleurs, la crise « a compliqué l’entrée dans la vie active des jeunes diplômés de l’enseignement supérieur » avec un temps allongé pour trouver un emploi et un salaire à l’embauche en recul.

    Enfin, le dispositif de chômage partiel auquel ont eu recours bon nombre d’entreprises a davantage concerné les jeunes cadres (35 % contre 28 % pour l’ensemble des cadres), sachant que deux jeunes cadres sur cinq ont connu une baisse de revenu suite à une période de chômage partiel.

    LES INÉGALITÉS SALARIALES FEMMES-HOMMES SE CREUSENT
    Autre fait saillant mis en lumière par l’Apec : la crise a accentué les inégalités salariales entre les femmes et les hommes cadres. L’an dernier, seules 35 % des femmes ont été augmentées contre 40 % des hommes, soit un écart de 5 points (3 points en 2019). Plus significatif encore, l'écart de rémunération au détriment des femmes s'est creusé jusqu'à 15 % l'an dernier (13 % en 2019) puisque les femmes cadres ont gagné 46 000 euros en 2020 (comme en 2019), contre 53 000 euros (vs 52 200 euros en 2019) pour leurs collègues masculins. À profil et poste équivalents, les hommes cadres gagnent aujourd’hui toujours 8 % de plus que les femmes cadres, nous apprend l’Apec, un chiffre qui n’a quasi pas bougé d’un iota depuis 2014…

    « Le risque sur lequel nous avions alerté l'an passé s'est produit, déplore Gilles Gateau. L'écart de rémunération entre les femmes et les hommes cadres a cessé de se réduire en 2020. Pire, davantage d'hommes ont bénéficié d'augmentations salariales, mettant à mal les efforts initiés ces dernières années. En 2021, à la faveur de la reprise avec des recrutements de cadres qui reviennent au niveau d'avant crise, les entreprises devront faire évoluer leur politique salariale pour plus d'équité. L'Apec sera là pour les y aider et les conseiller. »

    Au-delà de la question salariale, la crise sanitaire a aussi renforcé d’autres inégalités en défaveur des femmes (voir à ce sujet l’enquête menée par la CFE-CGC auprès de ses adhérents). L’Apec souligne combien les femmes cadres ont été davantage confrontées à des situations professionnelles compliquées : conflit avec les équipes, surmenage professionnel, sexisme ou encore organisation matérielle du télétravail. Une part importante de femmes cadres a en particulier vécu la crise sous le signe du stress (65 %), de l’extension du temps de travail (53 %) ou d’une pression accrue des managers (48 %).

    SALAIRES : LA CFE-CGC MOBILISÉE
    Alors que le sujet des salaires s’invite dans le débat public, la CFE-CGC a fait de cette problématique un de ses chevaux de bataille, appelant à un nécessaire meilleur rééquilibrage, en faveur des salariés, du partage de la valeur ajoutée. « Les entreprises, dans leur ensemble, ayant largement profité ces derniers mois du quoi qu’il en coûte, parvenant à préserver leur profitabilité et leurs marges, les négociations salariales qui s’amorcent dans les entreprises sont le grand rendez-vous des dirigeants dans le monde d’après », a notamment fait valoir François Hommeril lors de sa conférence de presse de rentrée.


    Le président confédéral a également tenu à rappeler, chiffres à l’appui, que les salariés de l’encadrement (cadres, agents de maîtrise, techniciens…), « au cœur du collectif social et rouages essentiels des entreprises, connaissent ces dernières années une évolution salariale plus faible que la moyenne ». Un constat corroboré par plusieurs études dont celles de la Banque de France ou de l’Insee, ce dernier mentionnant, dans son dernier focus 2021 sur les salaires, que depuis 2013 et contrairement aux idées reçues, « les salaires des cadres progressent à un rythme moindre que ceux des employés et des ouvriers ».

    Mathieu Bahuet