« L’économie a déraillé : il faut la recentrer, remettre du contrôle sur les partenaires financiers. Tout en rappelant que toutes les rémunérations adventices (intéressement, prime Macron…) ne remplacent pas le salaire ! » Ce constat est celui qu’a dressé François Hommeril, président de la CFE-CGC, le 25 mai dernier à Matignon à l’occasion d’un premier échange avec Élisabeth Borne. Les questions du pouvoir d’achat et des salaires sont en effet exacerbées ces derniers mois pour les salariés et les ménages, avec des niveaux d’inflation préoccupants (+ 22,7 % sur 12 mois à fin août 2022 pour l’énergie et + 7,9 % pour l’alimentation, selon l’INSEE).
Salaires et pouvoir d’achat : la CFE-CGC mobilisée
Forfait mobilité, négociations salariales en entreprise, index de la valeur… Dans un contexte de forte inflation, la CFE-CGC fait valoir ses propositions pour redonner du pouvoir d’achat aux salariés.
PAQUET POUVOIR DACHAT ET PRÉPARATION DES NAO
- Priorité à la revalorisation des salaires
Dans un contexte d’inflation aussi élevé, la priorité est à la revalorisation pérenne des salaires. Or, les mesures présentées par le gouvernement assises principalement sur un mécanisme incitatif d’exonérations de cotisations fragilisent l’avenir de nos systèmes sociaux. Aussi, nous vous conseillons dans le cadre des négociations salariales à venir, de privilégier autant que possible la revalorisation des salaires plutôt que le versement d’une prime de partage de la valeur désocialisée, qui ne peut répondre de manière pérenne à la problématique de perte de pouvoir d’achat des salariés.
- Privilégier le supplément d’intéressement plutôt que le versement d’une prime partage de la valeur
Jusqu’à fin 2023, la prime partage de la valeur bénéficie d’exonérations fiscales pour les salariés dont la rémunération est inférieure à 3 SMIC. Cette mesure introduit un effet de seuil donnant lieu à un écart important de rémunération pour les salariés touchant une rémunération quasi-semblable, mais placés de part et d’autre de ce plafond.
Pour contrer cet effet de seuil, la CFE-CGC préconise plutôt le versement d’un supplément d’intéressement offrant une possibilité de défiscalisation à l’ensemble des salariés sans distinction de rémunération.
- Négocier des dispositifs d’accompagnement de la mobilité des salariés
Pour la CFE-CGC, mobiliser les dispositifs d’accompagnement de la mobilité des salariés répond à un véritable besoin dans un contexte d’inflation marqué par une forte augmentation des prix de l’énergie.
Etant donné que le forfait mobilité durable est encore peu mobilisé aujourd’hui dans les entreprises (20 % seulement) nous proposons de demander sa mise en place à 700 €, ainsi que le relèvement à 75 % de la prise en charge de l’abonnement des transports en commun (un des postes qui a le plus augmenté), et de l’accompagner du chèque carburant à 400 € (destiné aux salariés empêchés de prendre les transports en commun).
NAO, CLAUSE DE REVOYURE ET INDEXATION DES SALAIRES SUR L’INFLATION
En entreprise, dans le cadre des négociations annuelles obligatoires (NAO), la CFE-CGC appelle à la mise en œuvre d’une clause de « revoyure » obligatoire se déclenchant automatiquement lorsque le SMIC subit deux augmentations dans la même année, comme cela est déjà le cas en 2022. Autre priorité : « l’indexation des salaires sur l’inflation, la seule mesure qui limite l’impact de l’inflation pour éviter l’appauvrissement des gens qui travaillent », comme l’indiquait le 10 juin dernier François Hommeril au micro de Franceinfo, avant sa rencontre à l’Élysée avec Emmanuel Macron.
METTRE EN PLACE UN PACTE DE PROGRESSION SALARIALE
Plus largement, la CFE-CGC préconise un pacte de progression des schémas de rémunération avec le respect d’une échelle de salaires entre les différents postes de classifications, gage de reconnaissance de la prise de responsabilités technique ou managériale. L’idée est de permettre à chaque salarié, quel que soit son niveau hiérarchique, d’avoir une perspective de progression dès son entrée dans la société. Que son investissement, sa montée en compétences et en qualification soient reconnus par une revalorisation de salaire négociée a minima.
Si le salaire doit rester la clé de voûte de l’édifice rémunération, l’épargne salariale est aussi un outil à valoriser. La CFE-CGC souhaite en particulier :
- Donner plus de poids à l’intéressement aux performances plutôt qu’aux résultats.
- Modifier la formule de calcul de la participation, qui n’est plus adaptée à la réalité des entreprises.
- Orienter le choix du placement de l’épargne salariale vers une gamme de fonds labellisée avec une forte exigence sociale et environnementale, comme le label CIES (Comité intersyndical de l'épargne salariale).
OBJECTIVER LE PARTAGE DE LA VALEUR AJOUTÉE DANS L’ENTREPRISE
Au-delà de ces réponses de court terme à apporter face à la perte de pouvoir d’achat des salariés, la CFE-CGC appelle à travailler sur le fond pour lutter contre l’inflation structurelle et rendre l’économie plus résiliente, comme elle l’a explicité dans son document référent « Restaurer la Confiance ».
Cela passe notamment par un meilleur partage de la valeur. Le constat est sans équivoque : depuis des années, le partage de la valeur ajoutée se déforme au profit des actionnaires et au détriment des salariés. Pour parvenir à une répartition plus juste et équitable, la CFE-CGC milite pour la création d’un index, comme l’explique Raphaëlle Bertholon, secrétaire nationale CFE-CGC à l’Économie : « On ne peut pas négocier quelque chose que l’on ne connaît pas. Nous prônons donc la création d’un index du partage de la valeur ajoutée avec des indicateurs pour partir du bon diagnostic partagé dans chaque entreprise. »
ASSOCIER DAVANTAGE LES SALARIÉS À LA GOUVERNANCE
Partant du constat que la gouvernance des entreprises s’est peu à peu détournée de ses intérêts à long terme, la CFE-CGC milite pour accroître la présence à hauteur d’un tiers des salariés dans les conseils d’entreprise, et qu’un des sièges soit réservé aux cadres. Cela permettrait d’intégrer la vision de l’intérêt social de l’entreprise pour favoriser une gouvernance d’entreprise plus durable.
Mathieu Bahuet