Coordinateur de la CFE-CGC Sanofi, Jean-Marc Burlet dénonce un gel des salaires depuis plusieurs années. Ce qui explique le fort mécontentement des cadres du groupe pharmaceutique et qui grippe le dialogue social, allant jusqu’à causer des grèves. Une situation d’autant plus regrettable que d’autres sujets structurants vont occuper les partenaires sociaux dans les deux ans à venir en raison de mutations importantes au sein de l’entreprise. Entretien.
Salaires chez Sanofi : le compte n’y est pas !
Alors que le groupe pharmaceutique connaît un mouvement de grève sur plusieurs sites, les négociations salariales se poursuivent. Le point avec Jean-Marc Burlet, coordinateur de la CFE-CGC.
Des grèves persistent sur plusieurs sites industriels de Sanofi. Et, phénomène plutôt rare, des cadres y participent. Comment l’expliquez-vous ?
Il existe un fort mécontentement chez les cadres. Ils n’ont bénéficié d’aucune augmentation collective. Le principe salarial de la direction consiste à donner au plus grand nombre pour privilégier les plus bas salaires. Cela se traduit par un plafonnement des augmentations selon les niveaux de revenus. L’augmentation n’était par exemple accordée que jusqu’à un revenu annuel de 60 000 euros. Ceux qui gagnaient davantage voyaient le montant de l’augmentation calculé sur cette seule part de leurs revenus. Les cadres ne recevaient pas non plus certaines primes. Bref, ils étaient pénalisés. Bien sûr que la CFE-CGC trouve important de se préoccuper des bas salaires ! Mais nous demandons que ce ne soit pas une autre catégorie de personnel qui paie pour eux. Cela contribue à un tassement de l’échelle salariale. D’ailleurs, les coefficients conventionnels ne sont plus utilisés, puisqu’ils se trouvent en-deçà du Smic.
Nous préférons bien négocier plutôt que de nous précipiter »
C’est dans ce contexte que se déroulent actuellement les négociations annuelles obligatoires (NAO). Où en est-on ?
Ces négociations s’ancrent dans un fort mécontentement causé par ce que nous qualifions de gel des salaires, qui dure depuis plusieurs années. Et ce dans un contexte où le coût de la vie ne cesse d’augmenter. Lors de la première réunion avec les organisations syndicales, la direction a proposé une augmentation de 3 % sur les 60 000 premiers euros de revenus ainsi qu’une prime de partage de la valeur versée en deux fois : 1 000 euros cette année et autant en 2023. Elle maintient dorénavant sa proposition de 3 % mais avec une prime unique de 2 000 euros en fin d’année.
Du côté de la CFE-CGC, nous demandons 7 % d’augmentation. Pour l’heure, chacun campe sur ses positions. C’est un dialogue de sourd. La direction voudrait qu’on boucle rapidement mais on peut très bien avoir une rétroactivité ! Nous préférons bien négocier plutôt que de nous précipiter. Cela fait des années qu’il n’y a pas eu d’augmentation collective et que le dialogue social est coincé sur le sujet. Nous avions accepté ce que la direction appelait des augmentations individuelles pour tous. Nous avions joué le jeu.
Parce que sur d’autres sujets, la CFE-CGC était parvenue à bien avancer…
Oui. Par exemple, sur le télétravail, nous avions signé un accord en avance sur ceux des autres entreprises. Il prévoit diverses modalités d’organisation. Nous avions soutenu le projet de longue date, affrontant d’abord une opposition de la direction et même de certains autres syndicats. Le niveau d’intéressement et de participation est bon aussi : en matière d’épargne salariale, le dialogue social fonctionne. De même que sur la gestion des emplois et des parcours professionnels (GEPP) puisque nous venons de signer un accord avec des moyens accordés aux salariés pour qu’ils puissent se former à des métiers en tension.
Poursuivre le dialogue autour des transformations de Sanofi pour bâtir un statut social commun aux salariés »
Quelles sont les prochaines échéances de dialogue social ?
Sanofi est en pleine mutation. L’entreprise procède à des fusions absorptions en interne. Nous devons poursuivre le dialogue autour de ces transformations pour bâtir un statut social commun aux salariés. Nous avons déjà demandé, et obtenu, un accord de méthode. De nombreux sujets vont être impactés et la direction a bien conscience qu’elle ne doit pas prendre les syndicats à rebrousse-poil sur le sujet. Nous devrons plancher sur les congés, la durée du travail, l’épargne salariale, et négocier aussi sur les instances représentatives du personnel. Cela va nous occuper l’an prochain et en 2024.
Quelle est la situation de la CFE-CGC au sein de l’entreprise ?
Nous étions majoritaires jusqu’à la semaine dernière et les résultats d’une élection partielle qui nous a fait perdre deux sections syndicales. Nous devons trouver un équilibre pour à la fois satisfaire les demandes salariales, qui se radicalisent à raison, et le dialogue constructif, qui est l’ADN de notre syndicat.
Propos recueillis par Sophie Massieu