Lors du CSE central du 25 février dernier, Sanofi Chimie a annoncé une réorganisation d’une partie de ses sites de production de principes actifs (molécules servant de base à la composition des médicaments).
SIX USINES DE MÉDICAMENTS REGROUPÉES EN EUROPE
L’opération porte sur six sites européens parmi lesquels deux français : ceux de Saint-Aubin-lès-Elbeuf (Seine Maritime), spécialisé dans la production de vitamines D pour antibiotiques, et de Vertolaye (Puy-de-Dôme), qui fait de la transformation de corticoïdes. Ces six usines seraient regroupées au sein d’une nouvelle entité européenne, indépendante de Sanofi, mais dont le groupe pharmaceutique conserverait 30 % du capital. Son siège social serait basé en France et « elle deviendrait le deuxième acteur mondial de production de principes actifs pharmaceutiques avec environ un milliard d’euros de ventes attendues en 2022 », anticipe Philippe Luscan, vice-président exécutif de Sanofi. Sa création officielle aurait lieu d’ici fin 2021, une fois l’ensemble des processus sociaux finalisés. La nouvelle entité inclurait 3 100 collaborateurs et un portefeuille de près de 200 produits. L’un des objectifs stratégiques avoués consiste à « rééquilibrer la forte dépendance de l’industrie aux principes actifs provenant d’Asie ».
DEUX SITES FRANÇAIS CONCERNÉS
Les sites français d’Elbeuf et de Vertolaye sont confrontés depuis plusieurs années à un problème de sous-activité chronique. Pour le résoudre, la direction leur a confié du travail à façon (fabrication de produits pour des sociétés extérieures au groupe). Un projet de production de corticoïdes, selon un nouveau procédé qui aurait permis de concurrencer les Chinois, a été à l’ordre du jour. Prometteur au stade de la recherche, il n’a pas tenu ses promesses à l’étage industriel et a capoté il y a deux ans. En d’autres termes, ces deux implantations ne sont plus stratégiques pour Sanofi. Dans de tels cas, les géants de la « pharma » ont pris l’habitude de vendre leurs usines à des façonniers (sous-traitants) « où les salariés se retrouvent avec un statut social moindre et un avenir incertain », explique Jean-Marc Burlet, coordinateur CFE-CGC chez Sanofi. Dans le cas présent, le projet semble porteur, au moins sur le papier, d’une ambition industrielle.
UNE INFORMATION-CONSULTATION À VENIR
Les instances représentatives du personnel vont être convoquées en septembre-octobre prochain, dans le cadre du processus d’information-consultation légal. « D’ici là, vont se tenir des CSE locaux et centraux dans lesquels nous allons jouer pleinement notre rôle, explique Jean-Marc Burlet. Sachant qu’à ce stade, le seul document écrit dont nous disposons est une présentation succincte du projet émanant de Philippe Luscan. Nous sommes obligés d’attendre les éléments que va nous transmettre la direction. Nous affinons toutes nos questions et réfléchissons au choix du cabinet d’expertise qui va nous apporter un éclairage sur la viabilité du projet. »
LE SORT DES SALARIÉS : UN SUJET DE VIGILANCE
Au terme de ce projet, 3 000 collaborateurs quitteraient juridiquement Sanofi dont environ 1 100 en France : un millier à Elbeuf et à Vertolaye, plus une centaine de salariés des fonctions supports, basés principalement en région parisienne. « L’idéal serait de conserver nos collègues chez Sanofi, bien entendu, réagit Jean-Marc Burlet. En attendant, il est important pour la CFE-CGC de connaître leurs attentes : les gens demandent à avoir des éléments concrets sur le projet, en particulier sur le business plan et sur leur futur statut social : prévoyance, mutuelle, épargne salariale, congés… »
La direction indique qu’elle accordera « des conditions sociales équivalentes (à celles de Sanofi) pour ses collaborateurs ». Mais quid de la participation qui est basée légalement sur les résultats de l’entreprise ? Est-ce que les bénéfices seront là dès les premières années pour servir un même niveau de participation ? Est-ce que cette nouvelle société va vouloir négocier un accord d’intéressement ?
LA POSITION DE LA CFE-CGC
Sanofi est une entreprise atypique qui conserve une forte empreinte industrielle en France où elle détient 18 sites de production, 5 plateformes de distribution, 6 sites tertiaires et 5 centres de R&D. « Le fait de créer une entreprise autonome et qui aurait une croissance suffisante pour assurer son développement est plutôt de nature à rassurer, analyse Jean-Marc Burlet. Tout comme le fait que Sanofi conserverait 30 % du capital et que Jacques Brom, actuel directeur général de Sanofi Chimie, passerait dans la nouvelle structure. Nous n’aurions pas réagi de la même manière s’il avait été question de vendre les deux sites à des façonniers. Encore faut-il nous apporter la preuve et les éléments qui nous permettent de vérifier les objectifs de ce projet. »
Propos recueillis par Gilles Lockhart