En France, la robotisation est habituellement vue comme une conséquence négative du progrès technique. En venant se substituer aux travailleurs, l’installation des robots se ferait au détriment de l’emploi. De récentes études montrent pourtant que la robotisation s’avère bénéfique pour l’emploi, pour l’industrie et plus généralement pour l’économie. Retour sur cette transformation qui est aujourd’hui au cœur des politiques industrielles.
Robotisation : un atout pour les entreprises et l’emploi
Loin d’être l’ennemie de l’emploi, la robotisation de l’économie s’avère un précieux levier pour gagner en compétitivité, relocaliser les activités de production et favoriser la création d’emplois.
QU’EST-CE QUE LA ROBOTISATION ?
La robotisation désigne le fait de recourir à un robot pour certaines tâches accomplies par des humains. Ce recours se fait essentiellement dans l’industrie (automobile, métallurgie, plasturgie, etc.) mais aussi dans le secteur de l’agriculture ou la santé. Les entreprises, plus particulièrement les industriels, sont de plus en plus nombreux à utiliser les nouvelles technologies afin d’automatiser leurs systèmes de production. On assiste même, grâce à l’intelligence artificielle (IA), à l’émergence de nouvelles formes de robots dits intelligents et aptes à travailler comme de véritables humains.
DYNAMISME INDUSTRIEL ET ROBOTISATION SONT FORTEMENT LIÉS
Selon la Fédération internationale de la robotique (IFR pour International Federation of Robotics), en 2020, le stock opérationnel de robots dans le monde a atteint plus de 3 millions d'unités, soit trois fois plus qu'il y a dix ans. Le marché de la robotique a notamment profité de la crise sanitaire qui a fait prendre conscience aux entreprises qu’il était indispensable de repenser la gestion de leurs chaînes d’approvisionnement.
C'est en Asie que le marché de l'automatisation est le plus dynamique : 29 % des robots installés dans le monde sont localisés en Chine, 13 % au Japon et 12 % en Corée du Sud. La robotisation est aussi très présente en Allemagne et aux États-Unis (8 % et 10 % des installations mondiales en 2020).
Cette concentration au sein de forces industrielles de premier plan n’est pas un hasard. En effet, l’introduction de robots s’accompagne généralement d’un effet productivité important qui permet aux entreprises de produire à un coût plus faible. Ce faisant, elles peuvent, par rapport à leurs concurrents non robotisés, diminuer leur prix de vente ou augmenter leurs marges, ce qui contribue à accroître leur part de marché ou leur rentabilité. Dynamisme industriel et robotisation sont ainsi fortement liés.
OÙ SE SITUE LA FRANCE ?
En 2020, le marché européen de la robotique était dominé par l’Allemagne avec 22 302 robots vendus et un parc installé de 230 600 robots (+3 % par rapport à 2019). Avec 8 525 robots vendus et un parc de 78 200 robots (+5 %,) l’Italie arrive en seconde position. Vient ensuite la France avec 5 370 robots vendus et un parc de 44 800 robots (+ 7 %). Le marché français est le huitième au niveau mondial, tant au niveau des ventes de robots que du parc installé.
Ce retard s’explique par le déclassement industriel français : la part de l’industrie au sein de notre économie - historiquement le secteur où la demande de robots est la plus importante - n’a fait que baisser, réduisant mécaniquement l’ampleur de la robotisation de nos entreprises. Par ailleurs, le contexte socio-culturel n’est guère propice aux évolutions radicales et le robot reste synonyme de destruction d’emplois. Enfin, les PME françaises restent plus frileuses pour réaliser ces investissements assez lourds à court terme (coût moyen : 120 000 euros) et qui nécessitent une refonte de leur organisation.
L’IMPACT SUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL
La robotisation induit nécessairement une modification de l’organisation du travail dans les entreprises. En réalisant certaines tâches, le robot se substitue à des travailleurs mais crée aussi de nouveaux métiers et besoins : l’instauration d’un robot nécessite du personnel pour l’installer, l’entretenir, le régler, le superviser, etc. Selon la vieille idée schumpetérienne de la « destruction créatrice », il en résulte plus une transformation des emplois qu’une perte nette. Sur le long terme, la robotisation est favorable dans le sens où elle permet de créer de nouveaux emplois plus productifs. Une étude (« Robots and firms », des universitaires Michael Koch, Ilya Manuylov et Marcel Smolka) s’est attachée à comparer sur très long terme (18 ans) la trajectoire d’entreprises industrielles en distinguant celles « robotisées » de celles « non robotisées ». Le constat est clair : pour les premières, une augmentation de ses emplois de plus de 50 % contre une diminution de plus de 20 % pour les deuxièmes.
Ces changements doivent néanmoins s’accompagner en parallèle d’une vraie politique de formation et d’éducation afin de faire émerger et développer des compétences essentielles dans les secteurs liés au digital, au big data, à la robotique ou à l’IA.
UN MOYEN DE RELOCALISER LES ACTIVITÉS DE PRODUCTION
De récentes études (dont l’étude allemande menée par l’universitaire Steffen Kinkel et la chercheuse Angela Jäger) montrent qu’il existe une corrélation positive et significative entre l’utilisation des robots et la propension des entreprises à relocaliser leurs activités. Explication : les robots accroissent l’automatisation et la productivité des entreprises, ce qui rend l’arbitrage de la main-d’œuvre des pays à faible coûts moins attrayant et les économies d’échelle plus importantes.
En outre, les robots offrent davantage de flexibilité aux entreprises en adaptant la production aux besoins individualisés des clients. Ils peuvent en effet être reconfigurés rapidement pour accomplir de nouvelles gammes de tâches ou des tâches différentes. Enfin, en faisant bien souvent gagner en précision, la robotisation favorise la qualité des biens et des services, concourant à améliorer la compétitivité hors-prix des entreprises.
Loin d’être l’ennemie de l’emploi, la robotisation de l’économie s’avère au contraire un précieux levier pour gagner en compétitivité, relocaliser les activités de production et favoriser la création d’emplois. Elle doit donc être vue par les PME comme un outil innovant qui peut les aider à se développer et à gagner des parts de marché.
Louis Delbos