
Le « conclave » retraites est lancé. Réunie jeudi 27 février après-midi rue de Ségur dans des locaux du ministère du Travail, la délégation paritaire permanente - selon l’appellation officielle notifiée par Matignon dans sa lettre de cadrage - a tenu sa première séance d’une négociation qui doit durer trois mois pour aménager la réforme très controversée de 2023. Le Premier ministre François Bayrou demande ainsi aux partenaires sociaux, « sans totem ni tabou », « d’ouvrir un chantier sur les évolutions à apporter à notre système de retraites » et d’en « rétablir l'équilibre financier à un horizon proche », fixant l’objectif « à l'année 2030 ». Si un accord est trouvé, l’exécutif s’est engagé à le transcrire dans la prochaine loi de financement de la Sécurité sociale.
Autour de la table, dix organisations étaient présentes au coup d’envoi : les cinq organisations syndicales représentatives au niveau national interprofessionnel (CFE-CGC, CFDT, CGT, FO, CFTC), leurs trois homologues patronales (MEDEF, CPME, U2P) ainsi que l’UNSA et la FNSEA. La délégation CFE-CGC était composée de Christelle Thieffinne, secrétaire nationale à la protection sociale, de Valérie Dehelle-Mignot, administratrice et cheffe de file CFE-CGC à la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV), et d’une conseillère technique de la confédération.
Sur la forme, les travaux sont coordonnés par Jean-Jacques Marette, ancien directeur général de l'Agirc-Arrco. Le calendrier officiel prévoit désormais, jusqu’au 28 mai, 13 réunions hebdomadaires dans le format du dialogue national interprofessionnel, donc sans l’UNSA et la FNSEA.
ÂGE LÉGAL, EMPLOI DES SENIORS, PÉNIBILITÉ, ÉGALITÉ FEMMES-HOMMES, FINANCEMENT ET PILOTAGE DU RÉGIME AU MENU DES DISCUSSIONS
La prochaine séance, jeudi 6 mars, sera consacrée à la question sensible de l’âge légal de départ à la retraite, fixé à 64 ans depuis la réforme de 2023. Puis se succéderont des réunions thématiques : emploi des seniors, carrières longues, usure professionnelle et pénibilité au travail, mécanismes de solidarité, égalité femmes/hommes, financement et pilotage du régime, etc. Par ailleurs, la Cour des comptes présentera, le 17 avril, un rapport sur les effets de la réforme sur l’emploi et la compétitivité.
Sur le fond, la réunion, marquée par le départ précipité de la délégation FO, a permis d’effectuer un traditionnel premier tour de table.
L’ANALYSE DE CHRISTELLE THIEFFINNE, SECRÉTAIRE NATIONALE CFE-CGC À LA PROTECTION SOCIALE ET CHEFFE DE FILE DE LA NÉGOCIATION
« Les travaux ont été initiés par Jean-Jacques Marette puis nous avons échangé sur un calendrier de travail listant les grandes thématiques. Nous allons entrer dans le vif du sujet dès jeudi prochain avec la question de l’âge légal au menu des échanges. Des questions ont également été posées pour obtenir un certain nombre d’éclaircissements sur le rapport remis le 20 février dernier par la Cour des comptes, qui a chiffré le déficit du système de retraites à 6,6 milliards d’euros à date. J’ajoute au passage que, comme l’indiquait dès le départ la CFE-CGC, la question d’un "déficit caché" a été balayée. »
« Techniquement, nous ne négocions pas un accord national interprofessionnel en bonne et due forme comme dans une négociation classique. L’objectif est, sur le papier, de parvenir à un texte qui puisse être proposé aux parlementaires. »
« Sur le fond, la CFE-CGC veut profiter de ces discussions pour ouvrir des espaces et proposer diverses mesures, notamment sur les critères de pénibilité du travail en y intégrant les risques psycho-sociaux (RPS) ; sur l’emploi des seniors ; et pour réduire les inégalités femmes-hommes en matière de niveau de pension. Il faut aussi parler partage de la valeur, attractivité du travail et mettre sur la table la problématique des allègements de cotisations qui pèsent sur les ressources de notre système de protection sociale. »
« Enfin, pour qu’une négociation fonctionne, la CFE-CGC a mis en avant trois critères incompressibles : la confiance, un diagnostic partagé et un intérêt commun à agir. C’est dans ce cadre que nous ferons valoir nos revendications. »
Mathieu Bahuet