Retraites, emploi, productivité, conditionnalité des aides aux entreprises… Lors d’une rencontre avec le Premier ministre François Bayrou le 9 janvier, la délégation CFE-CGC a livré ses analyses.
Dans le cadre des rencontres bilatérales organisées par le Premier ministre François Bayrou avec les organisations syndicales et patronales représentatives, la CFE-CGC a été reçue jeudi 9 janvier à Matignon. Ces premiers échanges avec les partenaires sociaux interviennent alors que le chef du gouvernement prononcera, mardi 14 janvier, son discours de politique générale devant le Parlement.
Conduite par François Hommeril, président confédéral, la délégation CFE-CGC, composée de trois secrétaires nationaux (Nicolas Blanc à la transition économique, Jean-François Foucard aux parcours professionnels, Christelle Thieffinne à la protection sociale) et de la directrice de cabinet, a échangé durant une heure avec François Bayrou. « L’exercice est classique : le Premier ministre souhaite entendre les positions des partenaires sociaux, indique François Hommeril. Nous avons été un peu surpris qu’aucun ministre ne soit à ses côtés même si nous en connaissons déjà certains du précédent gouvernement comme Astrid Panosyan-Bouvet (ministre chargée du Travail et de l'Emploi) ou Marc Ferracci (ministre chargé de l’Industrie et de l'Énergie). »
Le nouveau locataire de Matignon ayant affiché sa volonté de rouvrir prochainement des discussions sur la très controversée réforme des retraites de 2023, la CFE-CGC a eu un échange nourri sur le sujet. « Et les choses démarrent mal », regrette François Hommeril en sortie d’entretien. « François Bayrou parle d’un problème global du système des retraites au singulier alors qu’il y en a plusieurs dans le secteur privé, avec une retraite de base par répartition et la retraite complémentaire dont les partenaires sociaux sont gestionnaires. Il y a par ailleurs les retraites des agents de la fonction publique qui ne sont pas un système par répartition. On ne peut pas venir dire aux Français que le régime des retraites est déséquilibré en mettant dans la balance le poids de la dépense publique que représente le paiement de la pension des fonctionnaires. Cette approche politique m’inquiète beaucoup, ce n’est pas possible. »
Avant toute discussion et alors que le Premier ministre ne s’est engagé sur aucun élément de calendrier ou de méthode, la CFE-CGC se tient prête mais en appelle à la raison. « Nous sommes toujours partants pour contribuer à objectiver les situations et à travailler pour améliorer les choses si des espaces s’ouvrent mais il faut partir sur de bonnes bases, insiste François Hommeril. Le Premier ministre ne doit pas nous inviter, en dépliant la carte du territoire, à discuter de la géographie des lieux comme si la Terre était plate. »
Le président confédéral a par ailleurs rappelé l’opposition de la CFE-CGC à l’éventuel retour de la piste de la retraite universelle par points abandonnée en 2020 lors de la crise Covid, « un système qui aurait pour conséquence l’appauvrissement général de l’ensemble des retraités, convoqués à financer pour partie la retraite des fonctionnaires ».
Sur le volet socio-économique, la CFE-CGC a insisté sur la nécessité de relancer une dynamique en matière d’emplois de qualité, d’innovation et d’investissements dans la recherche. « Il convient de mieux reconnaître la valeur du travail et de monter le niveau des compétences ; bref, de tirer l’économie vers le haut, analyse François Hommeril. Cela passe aussi par une doctrine adaptée de l’État pour mieux orienter et conditionner les aides publiques accordées aux entreprises qui, en l’état, génèrent beaucoup trop d’effets d’aubaine. Idem s’agissant des subventions massives à l'embauche d'apprentis. »
Faisant écho à la situation de la Fonderie de Bretagne, menacée de fermeture, le président de la CFE-CGC a rappelé que l’État, actionnaire de Renault à hauteur de 15 %, « est incapable de taper du poing sur la table pour imposer à la direction du site d’imposer des volumes de commandes auprès de l’usine ». Globalement, François Hommeril déplore « bon nombre de situations témoignant des effets délétères de la financiarisation des activités et de la filialisation des entreprises », citant l’exemple de l’usine chimique de Vencorex, « un dossier pas bien pris en charge par l’État ».
Dans une conjoncture difficile avec de fortes menaces pesant sur l’emploi, la CFE-CGC a toutefois salué le travail conduit avec les organisations syndicales par les équipes opérationnelles dans les ministères sur plusieurs dossiers industriels et de restructurations.
Mathieu Bahuet