Comme pressenti à la suite de la réunion du 3 avril, les cinq organisations syndicales et patronales (CFE-CGC, CFDT, CFTC, MEDEF, CPME) toujours engagées dans la négociation pour aménager le système des retraites ont, à l’issue de la séance du jeudi 10 avril, présenté une « note d’objectifs » pour la suite des échanges. Après les déclarations extérieures du Premier ministre allant à l’encontre du cadrage initial du « conclave » retraites, les partenaires sociaux reprennent ainsi la main avec la volonté affirmée de démontrer leur légitimité à construire des compromis.
Comme l’indiquait la semaine dernière Christelle Thieffinne, secrétaire nationale CFE-CGC à la protection sociale et cheffe de file de la négociation, la nouvelle feuille de route (qui doit encore être présentée mercredi prochain par la CFTC à ses instances) prévoit de traiter divers sujets structurants parmi lesquels l’équilibre du système, le pilotage des régimes, les paramètres d’âge et de durée, les mécanismes de solidarité et de l’emploi.
Au niveau du calendrier et de la finalité, les partenaires sociaux « s’engagent résolument à négocier jusqu’à l’été des évolutions du système de retraite qui, en cas d’accord général ou partiel, seraient présentées aux pouvoirs publics pour traduction dans l’ordre juridique adéquat », stipule la note d’objectifs. « Nous rappelons notre attachement à ce que l’équilibre d’un potentiel accord soit strictement respecté par les pouvoirs publics », ajoutent les partenaires sociaux.
UN RAPPORT DE LA COUR DES COMPTES SUR L'IMPACT DU SYSTÈME DES RETRAITES SUR LA COMPÉTITIVITÉ ET L’EMPLOI
En parallèle, la séance de ce jeudi a été consacrée à une présentation, par la Cour des comptes, d’un rapport sur l'impact du système des retraites sur la compétitivité et l’emploi. Ce document fait suite au premier rapport transmis en février dernier par la juridiction financière quant aux prévisions de déficit du système à l’horizon 2030, 2035 et 2045.
Dans sa présentation aux délégations, Pierre Moscovici, président de la Cour des comptes, a abordé les effets des différents leviers (âge effectif de départ à la retraite, indexation des pensions, taux de cotisation) sur la compétitivité, sur le taux d’emploi et sur les questions d’inégalités et d’équité. Il a souligné que ce rapport était plus « discutable » que le premier dans la mesure où il repose sur les modèles économiques disponibles. La question de l’indexation des retraites sur l’inflation - et non pas sur le salaire moyen par tête (SMPT) - est également évoquée dans le rapport.
Globalement, la Cour des comptes souligne l'importance d'augmenter le taux d'emploi en France qui reste inférieur à celui des pays européens, en particulier chez les seniors.
Les partenaires sociaux se retrouveront le jeudi 17 avril pour des discussions consacrées au financement du système des retraites.
L’ANALYSE DE CHRISTELLE THIEFFINNE, SECRÉTAIRE NATIONALE CFE-CGC À LA PROTECTION SOCIALE ET CHEFFE DE FILE DE LA NÉGOCIATION
« Cette nouvelle note d’objectifs entre partenaires sociaux reflète les préoccupations relevées par le rapport de la Cour des Comptes, sans que nous ayons eu besoin d'anticiper son contenu. Preuve que les organisations syndicales et patronales sont en phase avec la réalité. »
« Plus précisément, cette note réaffirme avec force notre attachement à un système de retraite par répartition. Un système qui nécessite l'équilibre financier avec un principe majeur, pour la CFE-CGC, de partage des efforts. Il s’agit également d’esquisser les fondements d'un pilotage pérenne. Les partenaires sociaux affirment d’ores et déjà toute leur légitimité à en être partie prenante. Enfin, il convient de traiter les sujets ouverts et jamais refermés lors de la réforme de 2023 : âge de départ, usure et pénibilité, égalité femmes-hommes, taux d'emploi, etc. »
« Concernant le rapport présenté ce jeudi, la Cour des comptes officialise ce que la CFE-CGC dit depuis longtemps en estimant que ce sont les cotisations sociales allégées sur les plus bas salaires qui pèsent sur la compétitivité. Pour sortir de la situation, il faut monter en gamme et développer des activités à haute valeur productive. Le rapport lève ainsi la pression portée sur les systèmes de retraite. »
« Ce rapport illustre le caractère injuste et brutal de la réforme de 2023. Il montre aussi que le report de l'âge légal de la réforme de 2010 (de 60 à 62 ans) a bien eu un effet de croissance sur l'emploi des seniors et ainsi sur la compétitivité mais de façon très contrastée suivant les situations. Notamment pour les situations de non-emploi et pour les femmes, qui sont plus souvent fragilisées par l'emploi ou aidantes. Le rapport dresse aussi le constat de systèmes de retraite non pilotés avec un fonctionnement par à-coups qui amène à des réformes chocs. Pour l'éviter, il incite à un pilotage en douceur et progressif. Pierre Moscovici a notamment insisté sur l'importance du dialogue social et de la concertation. »
« Enfin, la Cour des comptes aborde la question de l'indexation des pensions. Elle ne suggère pas la sous-indexation, comme cela a pu être évoqué, mais sur quoi l'indexer : en l’occurrence les salaires. Pour la CFE-CGC, le sujet doit être étudié. Cela permettrait de sortir de l'interdépendance des retraites avec la productivité. »
Mathieu Bahuet