Tribune - Secrétaire national au développement et à la représentativité du secteur public, André Thomas évoque la vision de la CFE-CGC en faveur d’un service public respecté qui soutient ses agents ou ses salariés du privé sous délégation.
« Coûteux », « inefficaces », « pléthoriques » : les raccourcis pour critiquer les services publics n'ont jamais été aussi nombreux. En disant qu’il y en a trop ou en demandant la suppression de certains établissements - ADEME, OFB, AFD, AFPA, etc. -, d’aucuns ont franchi le Rubicon de façon totalement décomplexée.
Les citoyens aspirent à plus de policiers, de personnels dans les hôpitaux, de juges, à un meilleur environnement, à des transports publics sur l’ensemble du territoire, à une eau de qualité, à des services d’éducation, à des maisons de retraites accessibles pour nos anciens. Mais tout le monde constate la détérioration des conditions de travail de ceux qui portent ces missions.
Les discours de certains ministres appelant à faire payer les services publics, et de parlementaires déclarant la mort de telle ou telle entité, sans égards pour leurs personnels et les bénéficiaires de ces services, doivent nous interpeller sur la transformation de la société qu’ils veulent nous vendre.
Devant ces attaques, la CFE-CGC, avec ses fédérations, a décidé de muscler sa doctrine, sans tabou, en respectant les grands principes historiques du service public : l'égalité pour tous, la continuité territoriale et l'adaptabilité face aux nouveaux besoins de la population. Les services publics servent certes les besoins évolutifs de la population, mais aussi les intérêts stratégiques de l’État au titre de la « souveraineté ». Les services publics ont donc des visages bien différents. Il importe de les prendre en compte dans le cadre d’une réflexion rigoureuse.
Depuis plusieurs décennies, nous constatons une hybridation de plus en plus forte des services publics rendus à la population entre le secteur public attaché à la fonction et les services publics délégués à des opérateurs ou au privé. Deux exemples :
- Le service public de l’eau, qui a fêté ses 60 ans l’an dernier, est assuré à 80 % par des délégations au privé (Veolia et Suez essentiellement). Son savoir-faire contribue à notre souveraineté économique par l’amélioration de la balance commerciale. Mais ce service public est aussi à nouveau investi par des régies municipales (Paris, Toulouse, Nice).
- Un établissement public de type EPIC comme l’IFP Energies Nouvelles a réussi à développer des filiales privées avec Axens, un des leaders mondiaux dans son domaine.
De fait, les choses ne sont pas aussi duales qu’on veut nous le faire le croire car il faut souligner la complémentarité et les synergies des uns avec les autres.
Beaucoup de signaux incitent à revisiter les actions de l’État. C’est ce que nous avons exposé fin 2024 lors de diverses auditions au Conseil d’État sur le thème de l’État stratège. Pour qu’une société fasse corps, il faut un service public cohérent et respecté, qui soutienne ses agents ou ses salariés du privé sous délégation. Mais il faut aussi des passerelles public-privé comme les EPIC pour placer l’initiative privée dans les meilleures conditions pour se développer.
La puissance publique de l’État doit humainement favoriser notre destin commun. Son incarnation par des opérateurs de qualité devient essentielle. À la CFE-CGC d’apporter son concours, son expertise et de partager sa vision.
André Thomas, secrétaire national CFE-CGC au développement et à la représentativité du secteur public