Vous étiez à Matignon le 17 mai pour rencontrer Élisabeth Borne avec François Hommeril, président de la CFE-CGC, et Christine Lê, secrétaire nationale au dialogue social. Avez-vous personnellement abordé certains dossiers ?
Sur mon périmètre de secrétaire nationale à la protection sociale, le dossier d’actualité était évidemment celui de la réforme des retraites et, malheureusement, désormais de son application. A savoir qu’entre la date de ce rendez-vous et celle de la mise en œuvre prévue au 1er septembre prochain, le délai est extrêmement court. Rendez-vous compte : il est question de 31 textes d’application : 27 décrets et 4 arrêtés, dont à ce jour seuls 2 décrets ont été communiqués aux organismes concernés (CNAV, Agirc-Arrco et autres caisses de retraites).
Outre qu’ils ne sont pas encore parus au Journal officiel, nos services ont détecté qu’ils contiennent au pire des erreurs, au mieux des inexactitudes. L’information des retraités ou futurs retraités immédiatement concernés par les modalités de la réforme est donc impossible pour le moment, notamment pour ceux qui pourraient justifier d’une « carrière longue », ce qui confirme que cette réforme est injuste et brutale. Sans parler du mépris que cela traduit pour les conditions de travail des salariés des organismes concernés qui vont devoir intégrer et paramétrer aux forceps une montagne de nouvelles règles au cœur de l’été…
Dans votre discours de candidature au congrès de Tours, fin mars dernier, vous aviez notamment affirmé vouloir « restaurer le leadership de la CFE-CGC sur la protection sociale ». Que vouliez-vous dire par là ?
Je voulais simplement remettre sur le devant de la scène le fait qu’historiquement les sujets de protection sociale portent la marque de fabrique de la CFE-CGC, ne serait-ce que par le rôle que la CGC a joué en 1947 dans la création de l’Agirc. Ou encore eu égard au rôle moteur de la CFE-CGC pour l’inclusion du « 1,5 % prévoyance des cadres » dans l’ANI du 17 novembre 2017. Partant de ce socle historique, l’idée est de montrer que nous sommes capables de réinventer de nouveaux modèles au service des salariés, de faire de l’innovation en termes de protection sociale et d’affirmer notre présence sur le plan technique, dans les négociations et dans la représentativité paritaire.
Quels sont les premiers chantiers de votre mandature ?
Sur le plan opérationnel, il y a d’abord eu une passation de dossiers rapide et fluide entre l’ancienne équipe, incarnée par Gérard Mardiné, ex-secrétaire général de la CFE-CGC, Pierre Roger et Mireille Dispot, ex-secrétaires nationaux, et le nouveau pôle Protection sociale dont j’ai la charge avec deux délégués nationaux, Philippe Baux et Agnès Colonval.
Sur le fond, en plus du dossier retraites, nous avons actuellement deux gros morceaux au programme : le premier est la renégociation quadriennale de l’accord national interprofessionnel sur l’Agirc-Arrco qui devrait démarrer mi-juin. Il s’agit de définir les orientations stratégiques de cet acteur paritaire de référence pour les 4 années à venir, notamment les valeurs d’achat et de service du point et le coefficient de solidarité Agirc-Arrco dont l’avenir doit être mis sur la table à la lumière des conséquences de la réforme des retraites, entre autres.
Et la deuxième grande négociation ?
C’est celle qui a démarré le 4 avril et qui porte sur la gouvernance des groupes de protection sociale. Elle fait partie du calendrier de négociations autonomes entre les organisations représentatives de salariés et patronales, et elle s’appuie sur un ANI qui date de 2009. Les enjeux à cet égard sont stratégiques puisqu’il s’agit encore et toujours de consolider le paritarisme, de veiller à ce que les deux grands piliers des groupes de protection sociale – la partie retraite qui relève d’une mission d’intérêt général et la partie santé-prévoyance ouverte à la concurrence – demeurent tels quels et ne puissent être remis en cause. La raison de cette négociation est par ailleurs l’adaptation de l’ANI de 2009 à une législation européenne en constante évolution.
Diriez-vous que ces deux grandes négociations dessinent votre mandature ?
Incontestablement, ce sont des étapes structurantes, mais pour moi ce qui se dessine par la suite concerne aussi d’autres enjeux. Le champ de la protection sociale a la réputation d’être technique et compliqué, alors qu’en fait, sur les questions de base, il est relativement simple. Sur la retraite par exemple, quand on connait l’âge d’une personne et son nombre de trimestres cotisés, on a pratiquement l’essentiel. Il y a donc un travail très important de pédagogie à diffuser à tous les étages de notre organisation : confédération, fédérations, sections d’entreprises, pour que les militants maîtrisent l’essentiel des sujets de protection sociale, que ces sujets soient démystifiés et qu’ils puissent répondre au tout-venant des questions des adhérents en augmentant ainsi notre dimension de service.
J’ajoute que nous avons un formidable réseau de militants qui travaillent sur les sujets de retraite et de santé-prévoyance, que ce soient les administrateurs CFE-CGC des organismes complémentaires ou les représentants nommés par nos unions régionales dans les CAF, CARSAT ou URSSAF. Je viens de créer un réseau des chefs de file des groupes de protection sociale pour qu’ils puissent se connaitre et échanger entre eux et la confédération. Nous allons mettre en place des réseaux territoriaux pour remonter les problématiques de terrain, faire monter en compétences nos représentants et faire en sorte que les personnes concernées ne se sentent pas isolées. Bref, pour restaurer notre leadership sur la protection sociale.
Propos recueillis par Gilles Lockhart