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Publié le 16 - 11 - 2023

    Nokia : victoire de la CFE-CGC sur la transparence de la part variable

    En intersyndicale, la CFE-CGC de Nokia France a obtenu gain de cause auprès de la Cour de cassation dans un conflit portant sur les bonus de salaire.

    « On espère que Nokia respecte la loi française pour l’ensemble de ses salariés, mais ce n’est toujours pas le cas. C’est pour cela que la décision de la Cour de cassation nous semble importante, puisqu’elle nous donne raison sur le fond. » Olivier Marcé, délégué syndical central CFE-CGC de Nokia France, a la victoire modeste, mais quand même. Une décision récente de la Cour de cassation vient de valider toute une série de procédures aux prud’hommes impulsées par l’intersyndicale (CFDT, CFE-CGC, CGT, CFTC) des différentes sociétés du périmètre de Nokia France. Explication.

    UNE HISTOIRE DE BRM (BUSINESS RESULT MULTIPLIER)

    Dans les contrats de travail des cadres de Nokia France (et, depuis peu, de ceux d’autres catégories de salariés) sont définies les conditions d’un bonus, d’une part de rémunération variable, comme il en existe pour une très grande partie de leurs homologues en France. Chez l’équipementier finlandais, cette part variable individuelle est corrigée par un coefficient multiplicateur qui s’appelle le BRM (Business Result Multiplier) et qui peut être supérieur ou inférieur à 100 %, selon les résultats de l’entreprise une année donnée. Lorsque le BRM tombe à moins de 70 %, comme cela est arrivé, le bonus d’un cadre lambda peut être raboté de plusieurs milliers d’euros.

    Problème : ce BRM défini au niveau mondial n’est pas rendu public, sauf au moment où les bonus sont annoncés. « La direction nous indique généralement en fin d’année que le BRM a été calculé de telle manière, que les commissaires aux comptes en ont eu connaissance, et que son résultat est tel pourcentage, résume Virginie Gervais-Bazin, également déléguée syndicale centrale CFE-CGC de Nokia France. Seulement les représentants du personnel n’ont pas accès au mode de calcul. Or en droit français la part variable doit être basée sur des éléments connus, ne serait-ce que pour pouvoir agir dessus individuellement. »

    L’intersyndicale a contesté cette opacité depuis 2016 au cours de plusieurs vagues de procédures individuelles aux prud’hommes, centralisées par le cabinet de l’avocate parisienne Nadège Magnon.

    Au total, quelque 300 cadres de Nokia France sont allés en justice pour demander la transparence sur le calcul du BRM. À part quelques cas individuels, la plupart ont été déboutés en première instance ou en appel.

    UNE DÉCISION FAVORABLE AUX SALARIÉS EN PROCÉDURE OU DÉSIREUX D’EN LANCER UNE

    La décision de la Cour de cassation du 27 septembre 2023 (n° 22-13.082) remet l’église au centre du village en indiquant que les salariés doivent être en mesure de vérifier les modalités selon lesquelles la part variable de leur rémunération a été calculée, et en rappelant que l’employeur est tenu de leur communiquer les éléments nécessaires à ce calcul.

    Cette décision de la plus haute juridiction de l'ordre judiciaire français est donc favorable aux salariés qui sont actuellement en procédure ainsi qu’à ceux qui voudraient en lancer une. « L’intersyndicale est assez confiante sur le fait que les tribunaux prud’homaux et les cours d’appel diront qu’à défaut d’être connu, le BRM doit être au moins de 100 % », commente Olivier Marcé.

    « En tout état de cause, la solution retenue par les arrêts du 27 septembre 2023 traduit la volonté de la chambre sociale d’imposer aux employeurs une totale transparence dans le calcul de la part variable du salaire », interprète pour sa part Valérie Balland, rédactrice des Éditions Législatives, dans un article sur cette actualité.

    Gilles Lockhart