30 octobre 2024 : c'est la date de la signature de l'accord entre Nokia et les élus de Nokia concernant le comité d’entreprise européen (CEE ou European Works Council, EWC) du groupe de télécommunications finlandais. L’objectif de cet accord, comme il est précisé dans son introduction, est de « clarifier, entre autres, la structure, le champ d'application, la compétence et les procédures de fonctionnement du CEE ainsi que l'information et la consultation ». Vigoureusement négocié par le représentant de la CFE-CGC, Linas Maknavicius, il contient plusieurs avancées notable par rapport au texte précédent. Cet ingénieur de recherche au Nokia Bell Labs de Massy (Essonne), par ailleurs titulaire CSE, nous aide à faire la lumière.
Nokia : un CEE plus fort grâce à la CFE-CGC
Grâce aux négociateurs de la CFE-CGC, le comité d’entreprise européen (CEE) de Nokia voit sa situation et ses prérogatives augmentées.
TROIS ANS DE NÉGOCIATION
« Cette négociation a duré trois ans, explique Linas Maknavicius. Elle a été initiée par le CEE et le management de Nokia à la suite d’un conflit dont le règlement était allé jusqu’à l’intervention de l’ombudsman (médiateur public) finlandais. Il est apparu qu’il est toujours mieux d’avoir un accord plutôt que se contenter de conditions a minima pour le fonctionnement du CEE. Un fluide dialogue social au niveau européen a permis de parvenir à cet accord et d’y faire apparaître un certain nombre de choses en attendant la transposition de la nouvelle directive à venir sur les comités européens. »
« Le CEE était formalisé et la CFE-CGC en faisait partie depuis le rachat d’Alcatel-Lucent par Nokia mais il fonctionnait sur des règles a minima, un peu comme quand un CSE en France fonctionne uniquement sur des bases légales sans accord avec la direction, complète Olivier Marcé, délégué syndical central CFE-CGC de Nokia France. Lors du conflit sur le PSE de 2020, nous avions constaté la difficulté de fonctionner avec un EWC réduit à sa plus simple expression. L’accord actuel est un peu la suite et la conclusion temporaire de l’action menée par la CFE-CGC de Nokia depuis des années. »
PLUSIEURS AVANCÉES SUBSTANTIELLES
Plusieurs avancées du texte peuvent être citées :
1/ Le CEE contient une structure formalisée, le Select Committee, dont les cinq membres se partagent les rôles à titre égal. Lorsque le management doit communiquer, il s’adresse d’abord à ce comité restreint qui implique ensuite les membres du CEE représentant une trentaine de pays.
2/ Selon les conditions de la directive européenne actuelle sur les comités d’entreprise, le CEE de Nokia avait droit à une seule réunion annuelle, même si dans la pratique du fonctionnement c’était deux. Désormais il est écrit noir sur blanc que se tient au moins une réunion annuelle principale en mars, à laquelle participe le top management après la publication des résultats de l’entreprise, et une deuxième en octobre pour traiter d’autres questions intervenues dans l’année.
3/ Le fait que le CEE puisse recourir à des experts et des coordinateurs syndicaux dans le cadre des info-consultations est acté. Petit bémol, « le management de Nokia n’a pas voulu prendre en charge les frais de participation et de voyage du coordinateur syndical, ce qui est ridicule par rapport à la taille de l’entreprise », déplore Linas Maknavicius.
4/ L’accord prévoit que si une nouvelle directive européenne survient et qu’elle est transposée dans la loi finlandaise, elle le sera automatiquement dans l’accord sans renégociation. Sachant qu’a priori une telle nouvelle directive préciserait des éléments sur le budget des CEE, les formations des élus, les recours en justice, points qui n’ont pas abouti lors du cycle parlementaire européen précédent.
CONFIDENTIALITÉ DES ÉCHANGES : UN ARTICLE A FAILLI FAIRE CAPOTER L’ACCORD
Un point particulier concernant la confidentialité des échanges en CEE a failli faire capoter la signature. Selon le texte, certaines informations que le management fournit aux membres du Select Committee ou au CEE dans son ensemble doivent rester à leur usage exclusif, ce qui interdit de les partager par exemple avec les autres délégués syndicaux en France. Avec des pénalités prévues en cas de non-observation.
« Nous ne sommes que deux représentants de la France au Comité européen, bientôt un seul puisqu’on vient de vendre une entité de réseaux sous-marins de Nokia à l’État français et que notre représentativité européenne dépend du poids de l’effectif français dans l’effectif global de l’Europe. Cette clause signifiait que nous aurions dû travailler sur un dossier complexe et confidentiel à une seule ou deux personnes, sans pouvoir nous appuyer sur les compétences de la CFE-CGC en France pour pouvoir donner une réponse raisonnée ! » traduit Linas Maknavicius.
La situation s’est débloquée grâce à la coordinatrice syndicale du CEE, Maria Jauhiainen, qui a attiré l’attention de la CFE-CGC sur l’article 43 de la loi de coopération finlandaise interprétant les termes de la directive européenne. Un article qui dit en substance que la confidentialité ne s’applique pas lorsque des conseillers ou des experts peuvent éclairer ou assister les membres du CEE si c’est nécessaire pour remplir leur mission. « Du coup, cette restriction imposée par le management de Nokia se heurte à une exception du droit finlandais, résume Linas Maknavicius. Ce point de droit ne figure pas dans l’accord final mais il s’imposera à l’accord car le management central de Nokia connait cette loi et a dû intégrer cette exception. Sinon l’accord global n’a pas de sens. On ne peut pas fonctionner en cantonnant les informations confidentielles – donc par définition importantes – à un ou deux représentants par pays. »
Gilles Lockhart