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Publié le 01 - 07 - 2025

    Malgré une société plus inclusive, le racisme en hausse

    Alors que l'indice de tolérance atteint en 2024 son troisième meilleur score depuis sa première mesure en 1990, les actes racistes en France sont en hausse de 11 %, avec 9 350 faits recensés par les forces de l’ordre.

    Malgré une tolérance plus élevée envers les populations étrangères et immigrées, la lutte contre le racisme est loin d’être gagnée. Au contraire, les préjugés perdurent, révèle une étude publiée le 17 juin par la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH). Elle constate une hausse des crimes et délits racistes de 11 % en 2024, après une explosion (+ 32 %) de ces derniers en 2023. Pire, le phénomène serait encore très sous-estimé, puisque 97 % des personnes se disant victimes d’au moins une atteinte à caractère raciste ne portent pas plainte.

    « Il est impératif d’agir rapidement et de répondre aux attentes des Françaises et Français dont plus de 75 % considèrent qu’une lutte vigoureuse contre le racisme est nécessaire en France », rappelle la CNCDH, qui avait déjà alerté sur la libération de la parole raciste lors du lancement de la campagne « racisme, antisémitisme, xénophobie au travail : c’est non ! » par l’intersyndicale (dont la CFE-CGC) en mars dernier.

    Une tolérance en hausse, surtout chez les jeunes…

    Seule bonne nouvelle : un rebond de la tolérance globale. Elle est calculée sur une échelle de 0 (intolérance) à 100 (tolérance), après un entretien avec de multiples questions en face à face sur les opinions et préjugés vis-à-vis des personnes noires, asiatiques, arabes, roms, musulmanes et juives. Après un net recul en 2023, cette dernière est en hausse à 63 points, une augmentation continue malgré les fluctuations brutales liées au contexte politique.

    Mais toutes les minorités ne sont pas perçues de la même manière. Ainsi, 59 % des Français considèrent que les Roms forment une « communauté à part ». Cette proportion n’est « que » de 32 % concernant les musulmans, 30 % pour les Chinois, 28 % pour les Maghrébins, 25 % pour les Asiatiques et 20 % pour les Juifs.

    La CNCDH note aussi une évolution des préjugés. Ainsi, le sentiment d’existence d’une « hiérarchie des races » a quasiment disparu, n’étant plus exprimé que par 5,2 % des sondés. Désormais, « le racisme s’exprime davantage aujourd’hui autour des différences culturelles et identitaires », observe le rapport, qui constate également une forte « polarisation générationnelle ». Les jeunes générations (nées après 1987) ont un niveau de tolérance 25 points plus élevé que celui des générations nées avant 1956, et qui a systématiquement progressé depuis 2019.

    … mais une hausse des agressions

    Malgré une société globalement plus apaisée, les actes et agressions à caractère raciste sont en hausse, preuve d’un sentiment d’impunité de la part de la population raciste en France.

    Selon les données du SSMSI (ministère de l’Intérieur), 9 350 crimes ou délits à caractère raciste, xénophobe ou antireligieux ont été recensés, soit une hausse de 11 % en un an. Les atteintes à la vie et violences et les menaces ou chantages, notamment, ont augmenté de 23 % et 14 %. La Direction nationale du renseignement territorial (DNRT) a elle détecté 3 144 faits à caractère raciste, antisémite ou antimusulman, avec une prédominance des actes antisémites (1 570 faits), suivis des autres faits racistes (1 401) et des faits antimusulmans (173).

    La justice insuffisante

    Par ailleurs, malgré une explosion du nombre d’actes enregistrés par le ministère de l’Intérieur, le nombre d’affaires ayant reçu une réponse pénale reste faible, avec un taux de classement sans suite très élevé, et un volume de condamnation très faible. Sur 656 personnes mises en cause pour discriminations, seulement 5 ont été condamnées.

    Au total, plus de 1,2 million de personnes âgées de 14 ans et plus estiment avoir été victimes chaque année d’au moins une atteinte à caractère raciste, antisémite ou xénophobe. Comparé aux quelques milliers de cas signalés par les différentes institutions, cela indique un taux de déclaration de 3 % selon le rapport, qui dénonce le manque de confiance dans les institutions et le sentiment de l’inutilité de la démarche, compte tenu du faible nombre d’affaires traités et de condamnation.

    Les pouvoirs publics en porte-à-faux

    Pour la CNCDH, cette situation est directement la conséquence du manque d’action des pouvoirs publics. Le rapport pointe le retard du Plan national de lutte contre le racisme, l’anti- sémitisme et les discriminations liées à l’origine (PRADO), et l’absence de leadership clair à la tête de la Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT (DILCRAH).

    Pour rappel, même chez celles et ceux ne subissant pas d’agression physique, les discriminations génèrent isolement, dépression, anxiété et stress constant chez les victimes. Selon une étude de l'Insee en 2024, 56 % des personnes discriminées pour leur origine subissent un impact psychologique important.

    Pour répondre à ces enjeux en entreprise, la CFE-CGC a développé 3 modules de formation sur le harcèlement et les discriminations, afin d’aider les salariés à connaître l'arsenal juridique disponible, et a participé à l'élaboration d'un guide managérial issu du projet européen BEYUNBI pour identifier et réduire les biais discriminatoires dans la prise de décision.

    Zoom sur la CNCDH

    Fondée en 1947 à l'initiative de René Cassin, Prix Nobel de la paix, la CNCDH est l'institution nationale de protection et promotion des droits de l'Homme en France, accréditée auprès des Nations unies. Composée de 64 personnalités et représentants de la société civile dont les organisations syndicales, l’instance conseille les pouvoirs

    publics en matière de droits de l'Homme, contrôle le respect par la France de ses engagements internationaux et éduque aux droits humains. La CNCDH rend chaque année une vingtaine d’avis et de rapports.

    François Tassain