Comment s’organise l'Établissement français du sang et quelles sont ses missions ?
Créé le 1er janvier 2000 par la loi de sécurité sanitaire, l’EFS, placé sous la tutelle du ministère de la Santé, est l’opérateur civil unique de la transfusion sanguine en France, assurant une mission de service public. Avec son siège national à Saint-Denis (93) et 13 établissements régionaux, l’EFS couvre tout le territoire national avec 119 sites fixes de collecte et 40 000 collectes mobiles organisées chaque année. L’EFS fournit en produits sanguins labiles plus de 1 500 établissements de santé publics et privés (hôpitaux et cliniques). Il assure aussi l’approvisionnement en plasma du Laboratoire français du fractionnement et des biotechnologies (LFB) pour la fabrication de médicaments dérivés du sang, administrés à de nombreux malades.
Quel est le statut des 10 000 salariés de l’EFS ?
C’est complexe car si l’EFS, un établissement public industriel et commercial (EPIC), assure bien une mission de service public, plus de 95 % des effectifs sont des salariés de droit privé. Seulement quelques centaines d’agents publics sont mis à disposition de l’EFS par les structures hospitalières et ce nombre baisse chaque année. Les personnels de l’EFS sont principalement des professionnels de santé : médecins, biologistes, pharmaciens, techniciens de laboratoire, infirmiers. Les autres exercent des métiers scientifiques dédiés à la recherche et des métiers supports (juristes, comptables, acheteurs, communicants…).
Début novembre, les trois organisations syndicales représentatives (CFE-CGC, CFDT et FO) de l’entreprise ont lancé un appel à la grève. Pour quelles raisons ?
Après l’annonce par la direction de mesures unilatérales d’augmentations salariales automatiques ciblées sur certains métiers seulement, les personnels de l’EFS et les organisations syndicales, récemment reçues au ministère de la Santé, ont voulu tirer la sonnette d’alarme. Suite à la non-application des accords Ségur-1 à l’EFS, le seul établissement public de santé d’importance vitale oublié par l’État, et à la politique d’augmentation d’efficience mise en place depuis des années, l’EFS fait face à une grave pénurie de personnel et n’arrive plus à recruter et à fidéliser son personnel. La vacance a explosé avec plus de 300 postes qui manquent au niveau national.
Le récent mouvement de grève, déjà initié fin 2020, est le plus grand mouvement social qu’ait connu l’EFS. Il aura permis de mettre en lumière le fait que l’entreprise a besoin d’effectifs en nombre suffisant, rémunérés à la hauteur de leur travail et de celle des secteurs concurrentiels, notamment de la fonction publique hospitalière. En matière de conditions de travail, Il s’agit aussi de respecter la législation du travail et l’accord d’aménagement du travail (ANAT) signé en mars 2017 qui devraient s’imposer en toute circonstance au sein de l’Établissement unique. Il faut mettre fin à cette distorsion salariale public/privé et EFS qui met fortement à mal le recrutement, les conditions de travail et, à présent, la continuité d’activité de l’entreprise. Dans ce contexte, l’intersyndicale a mis en ligne une pétition (consultable ici) pour sauver la transfusion sanguine et en faveur d’une revalorisation salariale identique pour tous les salariés de l’EFS, les grands oubliés du Ségur de la santé.
Quelles sont les revendications portées par la CFE-CGC ?
La situation est édifiante puisque les grilles de salaires n’ont plus été révisées depuis 2008 au sein de l’EFS : la direction en porte la responsabilité puisqu’elle n’a pas respecté les engagements de révision quinquennale de la classification et des rémunérations associées. Le différentiel salarial s’est donc creusé au fil des ans par rapport au secteur public pour nos médecins, techniciens de laboratoires, infirmiers et cadres administratifs. Il s’agit donc, urgemment, d’engager de véritables négociations salariales et une rénovation des classifications et des rémunérations associées avec une enveloppe budgétaire dédiée. Ce d’autant que, fortement mis à contribution depuis le début de la crise sanitaire, les salariés de l’EFS ont encore démontré, malgré des conditions difficiles, leur mobilisation au service de la santé publique. La CFE-CGC demande donc la reconnaissance de ce travail par le biais d’une revalorisation salariale généralisée à la hauteur du Ségur-1 de la santé. Ce alors même que les grilles salariales seront instamment revalorisées dans le secteur public hospitalier et que nos collègues des hôpitaux verront leurs salaires s’incrémenter à nouveau dès le mois de janvier 2022.
Après cette seconde campagne de revalorisation des salaires dans la fonction publique hospitalière, l'EFS perdra encore plus de son attractivité sur le marché de l'emploi. Il deviendra plus difficile de recruter afin de mener à bien la mission d'utilité publique de l’Établissement. Par ailleurs, face à la démédicalisation programmée et induite en partie par la politique salariale, l’EFS n’a d’autre recours, pour pérenniser l’activité de collecte, que de généraliser la téléassistance médicale en collecte, un dispositif qui montrera sans doute ses limites à l’épreuve du temps.
Faut-il s’alarmer du niveau critique des réserves de sang ?
Les stocks de sang sont en effet descendus en dessous des seuils critiques ces dernières semaines (75 000 poches de sang pour un besoin de 100 000 poches). Aujourd’hui, toutes les carences exposées placent l’EFS dans une situation grave : collectes annulées toutes les semaines, analyses biologiques transférées de site en site, fermetures de sites de collectes… Et la pandémie n’est pas seule responsable. Parce que nous sommes très attachés au modèle transfusionnel français, nous demandons à la direction et aux pouvoirs publics de sauver la transfusion sanguine française.
Quelle est la spécificité du Syndicat national de transfusion sanguine (SNTS CFE-CGC) ?
Notre syndicat, affilié à la Fédération Santé-Social CFE-CGC, est le seul syndicat catégoriel de l’Établissement français du sang (17 % de représentativité aux dernières élections professionnelles de 2018). Représentant à l’origine seulement les cadres - d’où l’appellation de SNCTS à l’époque - nous défendons notamment aujourd’hui les intérêts des cadres, des techniciens (IDE et techniciens de laboratoire ou de production, entre autres) et du personnel d’encadrement (agents de maîtrise). Pour autant, lors des négociations centrales et au travers de nos revendications, nous n’omettons pas les employés de l’EFS.
Propos recueillis par Mathieu Bahuet