Le film consacré au combat des salariés de General Electric à Belfort a été projeté au Palais du Luxembourg, en présence des militants de la CFE-CGC, entre autres.
Grosse affluence, gros combat, grosse discussion. La projection de « Belfort, les enfants du Lion », le mardi 21 février, a pris des allures d’événement sous les ors du Sénat. Un événement social et médiatique tant ce film fait désormais référence pour comprendre la politique industrielle de la France (ou son absence) et les impacts de la guerre économique et de la financiarisation des entreprises sur l’emploi et les territoires.
Pour mémoire, le documentaire réalisé par Vanessa Ratignier et Christophe Bouquet (production Yami 2, 2021) raconte comment deux jeunes ingénieurs de General Electric à Belfort, Philippe Petitcolin, élu CFE-CGC (à gauche sur la photo) et Alexis Sesmat, élu Sud (à droite), figures de proue de toute une intersyndicale, ont contrecarré le laminage de leur entreprise par le propriétaire américain qui venait de la racheter à Alstom.
Un combat syndical de haute volée, parti de l’annonce d’un plan de suppressions de 800 postes en 2019 – le premier d’une longue série – et dont le dernier épisode économique est le rachat de l’activité turbines de General Electric (ex-Alstom) par EDF en février 2022. En passant par toute une série d’étapes et de rebondissements : la plainte des syndicats contre l’Etat français en octobre 2019, puis contre General Electric en mai 2021, l’appui sympathisant mais pas toujours très compétent des technocrates de Bercy, la signature d’un accord tripartite (Etat-GE-syndicats) sur un nouveau projet industriel, les comités de suivi de cet accord, souvent décevants, les engagements non respectés par GE, jusqu’à la création de l’Association de préfiguration de sociétés d’ingénierie et d’intégration systèmes (APSIIS), une structure qui vise à « sauvegarder les compétences lâchées par General Electric », selon les termes de Philippe Petitcolin.
Pour donner une idée de l’impact du film, la projection a été suivie par un débat de près de deux heures avec la salle. Avec des interventions de personnalités comme Frédéric Pierucci, ancien président monde de la division chaudière d’Alstom, Loïk Le Floch-Prigent, ex-PDG d’Elf Aquitaine et de Gaz de France, Cédric Perrin, sénateur (LR) du Territoire de Belfort, mais aussi le journaliste économique Jean-Michel Quatrepoint, grand pourfendeur des conditions de vente d’Alstom à General Electric entre 2014 et 2018. Sans oublier les éclairages de Raphaëlle Bertholon et de Madeleine Gilbert, secrétaires nationales de la CFE-CGC. Ni la présence dans l’assistance d’un autre « Lion de Belfort », l’ancien ministre Jean-Pierre Chevènement.
Dans leur combat, les « enfants du Lion » ont disposé d’un atout maître : ils ont mis la main sur le document de vente d’Alstom à General Electric en 2014, vente supervisée par Emmanuel Macron, alors ministre de l’Economie, de l’Industrie et du Numérique dans le gouvernement Valls. Ils y ont découvert que GE avait pris, noir sur blanc, des engagements selon lesquels Belfort devait rester le centre mondial de production et de décision pour les turbines 50Hz. General Electric ne tenant pas ses promesses, « nous l’avons dénoncé, c’est devenu notre arme et c’est ce qui a pu créer le rapport de force », résume Philippe Petitcolin.
Gilles Lockhart