Retour aux actualités précédentes
Publié le 30 - 06 - 2020

    Plan de relance de la Commission européenne pour répondre à la crise

    Bruxelles a proposé un plan de relance de 750 milliards d’euros en complément des 1 100 Mds€ qui seront alloués au budget de l’Union européenne pour la période 2021-2027. Explications

    La crise continue de faire ses ravages. Les récentes prévisions de la Banque de France sont peu encourageantes puisqu’un retour à la normale n’est pas prévu avant début 2022. Croissance en berne, hausse du chômage, creusement des déficits, inflation lancinante : les principaux indicateurs macroéconomiques ne sont pas bons. Pour enrayer cette baisse et relancer l’économie, la Commission européenne a proposé un plan de relance de 750 milliards d’euros qui vient en complément des 1 100 Mds€ qui seront alloués au budget de l’Union européenne (UE) pour la période 2021-2027.

    QUELLES SONT LES PRINCIPALES MESURES DE CE PLAN DE RELANCE ?

    Baptisé Next Generation, ce plan de relance s’inscrit dans le cadre du budget pluriannuel de l’UE pour la période 2021-2027. Les 750 milliards proposés seraient ainsi disposés dans un fonds supplémentaire qui aurait trois objectifs :
    • Soutenir les Etats membres en matière d’investissements et de réformes. Doté de 655 Mds€, ce pilier doit notamment servir à accélérer la transition énergétique ;
    • Relancer l’économie en mobilisant et en attirant les investissements privés (31 Mds€ d’aides sous forme de fonds pour les entreprises viables et 15 Mds€ pour favoriser les investissements dans les chaînes de valeur stratégiques) ;
    • Tirer les enseignements de la crise en promouvant un nouveau programme de l’UE pour la santé et la recherche (programme Eu4Health et renforcement de RescEU).

    La Commission européenne prévoit que ces 750 Mds€  soient répartis en deux volets : un volet subventions (à hauteur de 500 Mds€) et un volet prenant la forme de prêts pour 250 Mds€. Ces fonds seraient alloués en priorités aux pays ayant le plus souffert économiquement, principalement l’Espagne et l’Italie (pour le moment les montants alloués à chaque Etats ne sont pas encore définitifs et font l’objets de négociations).

    COMMENT CE PLAN SERA-T-IL FINANCÉ ?

    Ce plan de relance prévoit un endettement commun qui s’étalerait de 2028 jusqu’en 2058. Cette proposition est particulièrement novatrice car jusqu’à présent, l’UE ne pouvait pas s’endetter à grande ampleur. L’instrument Next génération prévu par la Commission renforce ainsi son autonomie budgétaire par rapport aux Etats membres. En effet, pour rembourser ces montants, la Commission prévoit de se doter de la capacité à lever l’impôt. Il est ainsi envisagé de créer une taxe numérique, une hausse des recettes générées par les droits d’émission de CO2, l’instauration d’un prélèvement sur les plastiques non réutilisables, la mise en place d’un impôt sur les grandes entreprises et un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières.

    Par ailleurs, le financement de ce plan de relance est également assuré par une augmentation des contributions nationales au budget de l’UE à hauteur de 2 % du PIB européen.

    UN PLAN QUI DOIT FAIRE L’UNANIMITÉ PARMI LES 27 ET QUI NE SERAIT PAS EFFECTIF AVANT JANVIER 2021

    Ce plan de relance est encore loin d’être définitivement adopté. Si l’Allemagne et la France ont réussi à faire émerger cette proposition - une avancée à souligner - les obstacles à la mise en place du plan reste importants. Certains pays font déjà valoir que l’option proposée qui consiste en grande majorité à verser des subventions n’est pas forcement la solution la plus adaptée. Ainsi, les pays plus orthodoxes sur le plan budgétaire tels que l’Autriche, les Pays-Bas, le Danemark et la Suède sont particulièrement réticents à faire cet effort de solidarité. Pour ces pays, cette proposition consiste à financer les Etats qui ont le moins respecté la discipline budgétaire européenne…

    Ce plan de relance peut donc buter sur les aléas politiques nationaux car pour être accepté, il doit faire l’objet d’un accord unanime entre les 27 pays de l’UE. Dans le cas d’un compromis entre pays de l’Europe du Sud et du Nord, ce plan de relance pourrait être opérationnel dans le meilleur des cas en janvier 2021. À cet égard, le Conseil européen doit préciser davantage le degré de faisabilité et le calendrier du plan.

    UNE INTÉGRATION EUROPEENNE RENFORCÉE

    Les mesures qui accompagnent la mise en place de ce plan d’urgence économique participent à l’approfondissement de l’intégration européenne. Outre le fait d’emprunter en commun, permettant d’avancer sur la mutualisation des dettes, les modalités du plan de relance prévoient également un contrôle des aides versés à chaque Etat. La Commission a ainsi le droit de conditionner les fonds, mobilisés par ce plan de relance, aux objectifs du Semestre européen et donc aux mesures préconisées dans ce cycle. Dès lors les marges de manœuvres sont plus réduites. En effet, dans la mesure où le semestre européen vise à « améliorer la coordination des politiques économiques et budgétaires au sein de l’UE », avec notamment l’objectif d’assurer la solidité des finances publiques, il est probable que les réformes demandées soient particulièrement contraignantes pour certains Etats. Par exemple, les pays du Nord qui financeraient ce plan de relance pourraient exiger, en contrepartie des subventions versées, la mise en place de certaines réformes structurelles…

    UN DÉBAT POLITIQUE QUI DEVIENT NÉCESSAIRE

    Les mesures proposées par la Commission sont exceptionnelles. Si ce plan est accepté, cela signifiera très clairement un pas supplémentaire vers plus de fédéralisme. Plus d’intégration européenne, c’est de fait un transfert supplémentaire de pouvoir à l’UE. Au-delà de la dimension économique qui impose parfois ses exigences, il est nécessaire de ne pas négliger la dimension politique de ce plan de relance. En effet, les mesures annoncées ne sont pas neutres et risquent de modifier le fonctionnement traditionnel de chaque Etat. La crise des dettes souveraines qui a succédé à la crise des subprimes a notamment montré qu’une politique économique efficace ne peut se faire en dehors d’une réalité politique. La crise actuelle doit être aussi l’occasion de trancher l’ambigüité politique de la construction européenne. L’adhésion de l’ensemble des citoyens européens à ce projet est donc indispensable. C’est un prérequis à la construction d’une Europe plus pérenne.

    L’ALLEMAGNE ET LA FRANCE À LA MANŒUVRE

    L’Allemagne prend la présidence de l’UE le 1er juillet prochain. Le Plan de relance européen doit beaucoup à la proposition initialement formulée par la France et l’Allemagne, qui ont su rapprocher leurs positions au service de l’intérêt commun. Comme souvent dans l’histoire de la construction européenne, leur entente doit autant aux traditionnelles réactivité et inventivité françaises qu’à l’esprit de responsabilité et de solidarité jamais démenti de l’Allemagne. Il faut espérer que cette entente sera maintenue pendant et après la période de présidence allemande, et qu’elle suffira à entrainer l’adhésion des autres pays membres de l’UE.