Après celui sur les formations certifiantes et diplômantes pour valoriser les mandats syndicaux, la CFE-CGC vient d’éditer pour ses militants un guide sur la valorisation du parcours syndical. Quelle en est la démarche ?
Tout d’abord, rappelons que ce guide, intitulé « Valorisation du parcours syndical : réussir sa négociation d’accord collectif », est à destination de nos négociateurs de branches et d’entreprises afin de les aider à négocier au mieux des accords collectifs sur ce sujet fondamental de la valorisation des parcours syndicaux de nos militants. Le guide rappelle les dispositifs législatifs et va plus loin en exposant les retours d’expérience de nos négociateurs des différentes branches ainsi que les valeurs de la CFE-CGC. La publication est donc complémentaire du guide sur les formations certifiantes et diplômantes car, outre l’encouragement de la CFE-CGC à inciter ses militants à se former, il fallait donner des conseils techniques aux militants pour négocier sur le terrain.
« La valorisation des parcours syndicaux est un enjeu majeur »
Formation des militants, négociation dans les branches et en entreprise, lutte contre les discriminations syndicales… Déléguée nationale confédérale, Ingrid Sworst témoigne du fort engagement de la CFE-CGC pour valoriser les parcours syndicaux.
Le parcours syndical doit être considéré et valorisé comme une montée en compétences. »
Pourquoi la CFE-CGC a-t-elle fait de ces sujets un cheval de bataille ?
La CFE-CGC souhaite que le parcours syndical du militant soit véritablement, et à juste titre, considéré et valorisé comme une montée en compétences. Le mandat syndical permet en effet d’acquérir et de développer de nombreuses compétences et connaissances très variées, outre les compétences psychosociales et l’intelligence émotionnelle que le militant développe tout au long de son parcours syndical.
De plus, la mise en place des comités sociaux et économiques (CSE) a considérablement accéléré la professionnalisation des élus du personnel, qui doivent traiter de sujets toujours plus complexes avec moins de moyens qu’auparavant.
En 2019, le Défenseur des droits mettait en lumière que 46 % des personnes syndiquées avaient été victimes de discriminations (évolution de carrière, conditions de travail…). Comment lutter contre ce phénomène persistant ?
Sur ce sujet, la tolérance doit être de zéro. Il est impossible d’accepter que nos militants, dans le cadre de leur activité syndicale, soient discriminés pour porter la voix de leurs collègues qui les ont élus légitimement pour les représenter. Le guide CFE-CGC est justement un moyen de permettre à nos négociateurs de valoriser l’engagement de nos militants. La négociation d’un accord collectif sur la valorisation des parcours syndicaux est un enjeu essentiel pour la reconnaissance de nos missions.
Dans quelle mesure l’exercice d’un mandat d’élu du personnel permet l’acquisition de nouvelles compétences utiles pour l’entreprise ?
En premier lieu, il est important de rappeler que ce n’est pas n’importe qui qui s’engage à représenter ses collègues. Cet engagement nécessite déjà au départ de l’intelligence émotionnelle et de nombreuses compétences psychosociales. J’ai l’habitude de dire que nos militants sont « extra ordinaires ». Ensuite, l’exercice du mandat permet d’acquérir quantité de connaissances et compétences sur des thématiques essentielles dans l’entreprise : santé et sécurité, analyse et interprétation des chiffres, réactivité, détection des signaux faibles, aspects juridiques et bien d’autres. Ces compétences font de l’élu(e) une personne intelligente émotionnellement, adaptable, réactive et, en quelque sorte, multicarte.
Comment valoriser un parcours syndical au terme de son mandat ?
Il faut déjà être conscient et convaincu de sa valeur et de la valeur de son parcours syndical. À ce titre, nous élaborons une formation avec le centre de formation syndicale (CFS) de la Confédération. Elle sera mise en place cette année. Après, évidemment, le meilleur moyen de valoriser son parcours est la formation et/ou un process de reconnaissance des compétences. Cela passe par les formations du CFS ; les formations communes pour nos militants des TPE-PME ; les formations certifiantes ou diplômantes ; la reconnaissance des compétences par le dispositif des certificats de compétences ; la validation des acquis d'expérience (VAE) ; le bilan de compétences.
Sur la rémunération, s’assurer par voie d’accord qu’aucun salarié mandaté ne soit lésé par rapport à un autre salarié. »
Quelles garanties doivent être apportées sur l’évolution de la rémunération des salariés mandatés ?
Ce sujet est éminemment sensible. Une base a été posée avec la loi Rebsamen mais ce n’est qu’un socle sur lequel s’appuyer. Il faut absolument s’assurer, par voie d’accord, qu’aucun militant ne soit lésé par rapport à un autre salarié de l’entreprise. Nous incitons particulièrement les négociateurs CFE-CGC à être très vigilants sur le champ des bénéficiaires de la garantie, sur les éléments de rémunération garantie et sur le mode de calcul de la garantie de rémunération.
En 2018, le législateur a créé une nouvelle certification permettant aux représentants du personnel et aux mandataires syndicaux de faire reconnaître leurs compétences acquises. Où en est-on ?
Le dispositif continue de se développer. Cette année, un nouveau certificat de compétences sera déployé sur la prévention et les risques au travail. La certification de compétences est surtout intéressante pour nos militants agents de maîtrise, car elle permet d’acquérir des blocs de compétences à leur niveau. Pour nos militants cadres, le dispositif ne permet pas, à ce jour, de faire reconnaître des blocs niveau cadre.
Soutenue par d’autres organisations syndicales, la CFE-CGC persiste à affirmer que bon nombre de mandats syndicaux permettent d’acquérir des compétences niveau cadre : secrétaire de CSE, trésorier, délégué syndical central, mandats fédéraux, confédéraux et régionaux… Ainsi, nous allons travailler cette année à mettre en place une reconnaissance des compétences niveau cadre par le biais d’un dispositif VAE en collaboration avec la Délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) et l’Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes (Afpa).
Un accord précurseur signé dans la branche de l’assurance. »
Quelles sont les autres revendications de la CFE-CGC ?
La CFE-CGC souhaite en particulier améliorer les dispositifs législatifs existants, la conciliation entre l’exercice du mandat et la vie professionnelle, et l’attractivité des mandats et des responsabilités syndicales. Nous militons aussi pour la reconnaissance du parcours militant dans la carrière du mandaté, pour l’employabilité des salariés mandatés et pour la garantie absolue du principe de non-discrimination.
Sur ces sujets, les accords de branche et d’entreprise sont-ils nombreux à ce jour ?
Même s’il commence à y en avoir de très beaux, les accords sur la valorisation des parcours syndicaux ne seront jamais assez nombreux ! À l’image de l’accord signé dans la branche de l’assurance, précurseur sur le sujet, la CFE-CGC incite ses négociateurs de branches à se saisir de ces problématiques pour ouvrir la voie aux entreprises.
Propos recueillis par Mathieu Bahuet