Christophe Roth, secrétaire national CFE-CGC à l’accessibilité et à l’égalité des chances, ancien président de l'Agefiph, fait le bilan du vingtième anniversaire d'une loi fondamentale pour les personnes en situation de handicap.
Avec le recul, la loi de 2005 a-t-elle tenu ses promesses ?
La loi du 11 février 2005 a été une avancée majeure en posant le principe, jusque dans son titre même, de l'égalité des droits et des chances, de la participation et de la citoyenneté des personnes handicapées, et en fixant le principe d'une « accessibilité généralisée, intégrant tous les handicaps ». Elle a permis d'instaurer une dynamique positive avec des dispositifs concrets comme l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés (OETH), les aides financières pour les entreprises et les mesures d’accessibilité.
Cependant, dans la réalité, les progrès sont contrastés. Prenons l'exemple de cas concrets dont j’ai connaissance. Après un accident, un cadre dans une grande entreprise du secteur industriel a dû attendre plus de deux ans pour obtenir les aménagements nécessaires à son poste de travail. Une ingénieure en situation de handicap auditif a constaté que l’inclusion dépendait plutôt de la bonne volonté de son employeur que d'une application systématique de la loi. Si la loi a donc permis des avancées, son application demeure hétérogène et trop souvent dépendante de l'engagement individuel plutôt que d'une réelle transformation structurelle.
Des lacunes ou des erreurs dans cette loi sont-elles apparues ?
L’une des principales lacunes est le retard considérable pris sur l’accessibilité universelle, initialement prévue pour 2015. Or de nombreuses infrastructures publiques et privées ne sont toujours pas accessibles. Pour beaucoup de personnes en situation de handicap, l’accès à certains bâtiments professionnels ou à des transports en commun reste un parcours du combattant.
Autre constat, la complexité administrative freine encore trop souvent l’accès aux droits. Toute personne atteinte d’une maladie évolutive, par exemple, peut témoigner de la difficulté à faire reconnaître son handicap et à obtenir des aides adaptées en raison des lourdeurs administratives et du manque d’information.
Enfin, la loi met l’accent principalement sur le handicap physique, tandis que les handicaps invisibles (psychiques, cognitifs, maladies chroniques) restent mal pris en compte, tant au niveau de la reconnaissance que des dispositifs d’accompagnement en entreprise.
Quelles sont les pistes de travail pour améliorer la situation ?
Pour que l'inclusion devienne une réalité tangible, il est nécessaire d'adopter une approche plus pragmatique. Cela passe par une simplification des démarches administratives et une meilleure coordination entre les différents acteurs (employeurs, services publics, associations). Il est également crucial de renforcer la formation et la sensibilisation des manageurs pour essayer de faire changer leur regard sur le handicap et de les rendre proactifs dans l'accueil et l'accompagnement des collaborateurs en telle situation. Enfin, nous devons innover en matière d’accompagnement. Le développement du télétravail, par exemple, a permis à de nombreuses personnes de mieux concilier leur handicap avec leur vie professionnelle, mais il nécessite un cadre plus clair pour éviter les inégalités d'accès.
En conclusion, la loi de 2005 a ouvert la voie, mais le chemin est encore long pour parvenir à une véritable inclusion. Il est impératif de repenser notre approche en plaçant l'humain au cœur des dispositifs et en travaillant collectivement pour construire un monde professionnel accessible à toutes et à tous. Défendons l’égalité des chances et construisons une société où la différence n'est plus un frein, mais une force.
Propos recueillis par Gilles Lockhart
Une équipe CFE-CGC engagée pour porter les ambitions
Avec Christophe Roth, l'équipe confédérale composée des délégués nationaux Christophe Legois et Fatima Hamadi, le réseau interfédéral handicap et le réseau handicap interrégional CFE-CGC handicap œuvrent au quotidien pour développer l’emploi des personnes en situation de handicap. Pour qu’il ne soit plus vu comme un défi, mais comme une chance dans les entreprises. Au moyen de quatre leviers principaux.
- SENSIBILISER : Nous devons intensifier les actions de sensibilisation pour faire tomber les préjugés. Plus nous serons nombreux à comprendre que le handicap n’est pas une limite, mais une différence à valoriser, plus nous avancerons vers une véritable inclusion.
- FORMER : Nos entreprises doivent offrir davantage de possibilités de formation et d'accompagnement pour les personnes en situation de handicap. La montée en compétences est essentielle pour leur permettre de s’épanouir professionnellement.
- ADAPTER : L’aménagement des postes de travail doit être vu comme une opportunité d’innovation. De nombreuses aides financières et techniques permettent de rendre le travail accessible à tous, et les employeurs doivent être encouragés à les utiliser.
- VALORISER les réussites : Tout comme nous célébrons les victoires de nos para-athlètes, nous devons célébrer les réussites des travailleurs en situation de handicap. Chaque personne, chaque histoire d'inclusion réussie doit être mise en lumière pour inspirer les autres à suivre cette voie.