« Transition environnementale, transition juste ? L’économie sociale et solidaire plus que jamais engagée ! » : tel fut le thème de la table ronde (voir ici le replay des échanges) co-organisée par la CFE-CGC et la Macif le 15 novembre à Paris devant un parterre de partenaires institutionnels et de militants.
Introduisant les débats, François Hommeril, président confédéral, a souligné l’engagement progressif de la CFE-CGC en faveur de la transition juste et de l’ESS. « La CFE-CGC, avec un secteur dédié piloté par notre secrétaire nationale Madeleine Gilbert, trace son sillon sur toutes les problématiques relatives à la transition environnementale. C’est un sujet prioritaire que nous portons au plus haut niveau depuis des années et dont on peut consulter le corpus militant dans nos productions telles que "Restaurer la confiance" et "Ressources pour demain pour un monde durable". La CFE-CGC est partie prenante du secteur de l’ESS que nous accompagnons depuis son émergence et qui a ceci d’original qu’il n’a pas à se préoccuper de maximiser les profits des actionnaires. »
L’économie sociale et solidaire, levier de la transition écologique
Le colloque organisé le 15 novembre par la CFE-CGC en partenariat avec la Macif a mis en lumière les actions conduites par les acteurs de l’économie sociale et solidaire (ESS) pour la prise en compte des enjeux environnementaux.
UN SECTEUR QUI RASSEMBLE LES FONDATIONS, LES FONDS DE DOTATION, LES COOPÉRATIVES, LES MUTUELLES, LES ASSOCIATIONS LOI 1901 ET LES ESUS
La table ronde a été animée par Charlotte Debray, déléguée générale de la Fonda, une association à but non lucratif et un laboratoire d’idées au service des acteurs associatifs et de leurs partenaires. Après avoir rappelé que l’ESS rassemble les fondations, les fonds de dotation, les coopératives, les mutuelles, les associations loi 1901 et les ESUS (entreprises solidaires d'utilité sociale), soit environ 10 millions de salariés et 10 % du PIB national, elle a cadré le sujet. « Concilier transition écologique et justice sociale est un vrai défi. Beaucoup d’acteurs de l’ESS contribuent déjà de longue date aux enjeux écologiques. On peut notamment citer les pionniers de l’économie circulaire que sont les compagnons d'Emmaüs, les jardins de Cocagne (maraîchage biologique), les ressourceries (réduction des déchets), les acteurs agissant en faveur de la préservation de la biodiversité, ceux du renouvelable (fermes d’avenir, Enercoop…). L’ESS compte aussi de nombreux acteurs dans des secteurs moins directement liés à l’environnement comme la culture, le sport, le médico-social. »
Charlotte Debray a ensuite donné la parole aux intervenants et acteurs de l’ESS, dont nous reproduisons ci-dessous les principales interventions.
Sébastien Darrigrand, directeur général de l’Union des employeurs de l’économie sociale et solidaire (UDES), composée de 22 groupements et syndicats d’employeurs (associations, mutuelles, coopératives) représentant plus de 32 000 entreprises et un million de salariés.
« S’il faut reconnaître que la transition écologique n’est pas la priorité de nos entreprises adhérentes dans un contexte de forte inflation et de hausse des coûts de l’énergie, nous avons collectivement souhaité nous saisir de la question de la responsabilité sociétale des employeurs (RSE) pour articuler les valeurs de l’ESS avec les pratiques de l’emploi. Il s’agit d’être en phase avec la Stratégie nationale bas-carbone (SNBC) visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre et à atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. C’est aussi un fort enjeu pour nos entreprises en termes d’attractivité et de fidélisation des talents. Nous avons par exemple mobilisé nos adhérents sur la fresque climat, des ateliers participatifs pour former et sensibiliser au changement climatique. La loi climat et résilience de 2021 nous sert aussi d’aiguillon en termes de prérogatives environnementales des comités sociaux et économiques (CSE), de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) et de formation des salariés dans le cadre des opérateurs de compétences (OPCO). Conduire le changement dans l’entreprise, c’est évidemment passer par le dialogue social ! »
Frédéric Dohet, directeur général RSE à la Fondation RTE, créée en 2008 par le gestionnaire Réseau de transport d'électricité (RTE), une entreprise placée sous l’égide de la Fondation de France pour agir en faveur des campagnes de France métropolitaine.
« La Fondation RTE est dédiée au développement des territoires ruraux et au soutien de projets de l’ESS avec un modèle socio-économique permettant l’équilibre financier et la pérennité des activités. On part de loin mais la prise de conscience des acteurs de l’ESS et du monde associatif progresse vis-vis des enjeux de transition environnementale, de la prise en compte des impacts et des indicateurs, et de l’appropriation des objectifs de développement durable (ODD) fixés par l’ONU. Notre Fondation contribue régulièrement au premier financement de petites associations rurales respectueuses de la sobriété environnementale, de l’usage de ressources naturelles et de l’économie circulaire. Il y a donc une prise de risque dans le financement mais qui cela peut déboucher sur des surprises passionnantes et des succès : certaines, au bout de quelques années, deviennent des entreprises de plein exercice, par exemple sous forme de coopératives ou de société coopérative d'intérêt collectif (SCIC). »
Jérôme Wendling, responsable environnement et partenariats au sein du Pôle RSE de la Macif (assureur mutualiste).
« La Macif est dotée d’une Fondation dédiée à l’ESS, centrée sur les métiers de l’assurance, qui fête cette année son trentième anniversaire. Le soutien se concentre sur la mobilité, l’habitation, le soin et l’épargne. Concrètement, nous avons mobilisé 3 millions d’euros pour financer et accompagner 150 projets conduits par des acteurs qui font de l’innovation sociale en répondant à des besoins dans un territoire précis (logements, mobilités, accès aux soins…) dans une démarche inclusive et soucieuse de l’empreinte carbone. En parallèle, nous développons depuis 2017 "Diffuz", un réseau social de défis solidaires qui met en relation plus de 60 000 particuliers et 2 500 associations dans un esprit collaboratif et citoyen. »
Hélène Drouet, responsable de l’investissement socialement responsable (ISR) du Groupement d'intérêt économique (GIE) Macif investissements.
« L’ISR consiste à intégrer les enjeux de développement durable (environnement, social, gouvernance) à notre stratégie d’investissements et à toutes nos prises de décision en la matière. À date, la Macif dispose de 39 milliards d’euros d’actifs d’encours. Notre secteur est qui plus est soumis à d’importantes évolutions règlementaires françaises et européennes comme le Green Deal. Cela nous oblige à des opérations de reporting extra-financier particulièrement structurées et exhaustives quant à l’intégration des enjeux environnementaux. Pour chacune des entreprises que nous finançons, nous devons prendre en compte les impacts et fixer des indicateurs en termes d’émissions carbone et de trajectoire climatique. Tous ces sujets doivent infuser dans l’ensemble des strates de gouvernance. Par ailleurs et depuis l’été 2022, dans le cadre de sa nouvelle stratégie pétrole et gaz, la Macif exclue de ses investissements les entreprises principales développant de nouvelles capacités de production pétro-gazière, ainsi que celles dont plus de 5 % du chiffre d’affaires est lié à la production d’hydrocarbures non conventionnels sous leur acception la plus large. »
Camille Buewaert, responsable des programmes Impact, Fintech et Talents ESG au sein de l'Institut de la Finance Durable. Créé en 2022, l’IFD rassemble les acteurs privés, publics et institutionnels de la Place de Paris engagés pour des investissements de long terme prenant en compte les défis environnementaux.
« Notre mission est d’accélérer l’action de la Place financière de Paris pour la réalisation de la transition énergétique et environnementale. Nous agissons pour faire émerger de bonnes pratiques et des outils opérationnels au service de la finance durable qui, au-delà des enjeux environnementaux, intègre également de nombreux critères sociaux et de gouvernance. Concernant l’ESS, nous disposons du label Finansol qui permet de distinguer les produits d’épargne solidaire qui ne concernent aujourd’hui que 0,5 % des encours gérés en France. Nous militons pour développer la finance à impact, une stratégie d'investissement ou de financement qui vise à accélérer la transformation juste et durable de l'économie réelle, en apportant une preuve de ses effets bénéfiques. Il s’agit donc de concilier performance environnementale, sociale et financière. »
Dans l’ESS, la force du collectif doit nous permettre de conduire cette transition juste dans les territoires »
En guise de conclusion, Madeline Gilbert, secrétaire nationale CFE-CGC à la transition vers un monde durable, a tenu à remercier tous les intervenants pour leur engagement. Avant de fixer la feuille de route : « Dans le secteur de l'économie sociale et solidaire, la force du collectif doit nous permettre de conduire cette transition juste dans les territoires. Cette coopération sociale et environnementale de toutes les parties prenantes est indispensable pour parvenir à l’objectif de neutralité carbone d’ici 2050 fixé par la loi énergie-climat de 2019. Partenaire engagé, la CFE-CGC, adhérente au Pacte mondial de l’ONU, continue, au travers de sa charte développement durable, de militer et d’agir pour soutenir une économie durable, sociale et solidaire. Cela passe par des modes de production et de consommation responsables, par la relocalisation des activités et par le développement de l’économie circulaire et de la finance durable. »
Mathieu Bahuet