Quels enseignements avez-vous tiré de ce forum ?
D’abord, le constat du succès de l’événement : 250 personnes dans le public, des témoignages de chefs d’entreprise partis de rien et qui défendent bec et ongles le « Fabriqué en France », un collectif à l’origine de l’initiative (dans lequel la CFE-CGC est très bien représentée) qui s’est montré dynamique, volontariste et qui a formulé 10 propositions concrètes pour rebâtir l’industrie française. Donc une manifestation à la hauteur des enjeux.
Ensuite, j’en tire une autre leçon opérationnelle : lorsque des salariés et des militants syndicaux, confrontés à des problèmes de désindustrialisation et d’emploi, se mobilisent et font travailler leur matière grise, eh bien ils obtiennent des résultats. C’est une leçon de mobilisation et de prise d’initiative locale.
Vous parlez de préservation du « Fabriqué en France », quelles ont été les démarches citées ?
Il a bien sûr été question d'APSIIS (Association de Préfiguration de Sociétés d’Intégration et Ingénierie Systèmes), dans laquelle s’impliquent plusieurs militants CFE-CGC de General Electric à Belfort dont Philippe Petitcolin, qui la préside. APSIIS vise à lancer des sociétés d’intégration et d’ingénierie dans l’hydrogène et le nucléaire en capitalisant sur le haut niveau de compétences des ingénieurs et cadres franc-comtois. Le président Macron a parlé de développer des petits réacteurs nucléaire (appelés SMR pour Small Modular Reactor) dans son discours sur le plan d’investissement 2030. Typiquement, cela pourrait être conçu et produit sur le territoire de Belfort.
D’autres exemples de sociétés existantes ?
Plusieurs chefs d’entreprise ont témoigné. Je pense au fondateur de Daan Tech, une société qui a inventé le mini lave-vaisselle Bob, ultra-compact et économe en eau. Il s’est implanté en Vendée pour profiter d’un écosystème favorable de fournisseurs et de compétences, puisque la dernière usine de production de lave-vaisselle (Brandt) y était située. Au début, il devait faire venir des composants de l’étranger (dont l'Asie). La société ambitionne maintenant d’avoir la quasi-totalité des composants produits en métropole : coque en plastique recyclé, électronique bretonne, etc.
Il y a aussi un jeune patron qui, après un stage d’horlogerie en Suisse, s’est mis en tête de fabriquer des montres en France sous la marque Rutine. Pour se financer, il a dû en pré-vendre 300 : pari tenu ! Aujourd’hui, le succès commercial est au rendez-vous. Il est basé à Romans-sur-Isère (Drôme) et travaille avec tout un réseau de fournisseurs ayant des compétences horlogères dans le Doubs et le Jura. Sans oublier, bien sûr, Jacob Delafon, dont l’usine a été reprise par la société Kramer et dont Tristan Martinez, le fils du patron de Kramer, est venu raconter l’historique du rachat du site.
Que peut-on attendre comme suites de ce forum ?
Au niveau confédéral, nous devons soutenir et faire connaître ces initiatives, même si les Belfortains sont déjà passés maîtres en communication, comme en témoigne ce forum ! Il me semble aussi qu’on peut travailler de concert avec les Fédérations CFE-CGC comme celle de la Chimie ou de la Métallurgie notamment, pour identifier d’autres territoires où des révolutions industrielles se produisent. Avec le passage à l’électrique, certains bassins d’emplois automobiles vont devoir se réinventer, par exemple. Le message fondamental est qu’il faut anticiper partout où c’est possible.
Une phrase qui résume les débats ?
Elle a été prononcée par Anaïs Voy-Gillis, une géographe qui défend l’industrie : « La désindustrialisation, c’est un pays qui a abandonné son industrie et ses salariés. »
Propos recueillis par Gilles Lockhart