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Publié le 03 - 12 - 2019

    « Il est urgent d’agir face aux discriminations syndicales »

    Alors que le Défenseur des droits a récemment publié une enquêté édifiante sur les discriminations syndicales, Eva Ordinaire, chargée de mission, en appelle à une réponse collective et coordonnée.

    Vous avez coordonné le 12e Baromètre de la perception des discriminations dans l’emploi visant à mieux connaître les discriminations liées à l’activité syndicale. Pourquoi cette thématique ?

    Le Baromètre est un projet issu d’un partenariat de plus de dix ans avec l’Organisation internationale du travail (OIT). Les discriminations syndicales sont un sujet incontournable car elles portent atteinte aux droits et aux intérêts de l’ensemble des salariés. Ce Baromètre 2019 fait suite à l’implication du Défenseur des droits dans les travaux du Conseil économique, social et environnemental (CESE) ayant donné lieu, en 2017, à l’avis « Repérer, prévenir et lutter contre les discriminations syndicales » qui pointait le manque de données en la matière.

    Notre enquête permet d’objectiver ce qu’on observe à travers les situations individuelles. En 2018, le Défenseur des droits a reçu 223 saisines de personnes s’estimant discriminées en raison de leurs activités syndicales. Ce chiffre n’est pas anecdotique et ne représente que la partie visible des discriminations syndicales qui font encore trop souvent l’objet de déni ou de minimisation de la part des employeurs. Or les résultats indiquent qu’il est urgent d’agir.

    Quels sont les principaux enseignements de l’enquête, menée auprès de 33 000 adhérents et militants des principales organisations syndicales ?

    Les résultats confirment que les discriminations syndicales sont loin d’être marginales.  Nombreux sont celles et ceux qui déclarent en avoir été témoins et/ou victimes.
    - Près d’un actif sur 3 et 1 personne syndiquée sur 2 considèrent que les discriminations syndicales se produisent très souvent.
    - Plus de 4 actifs sur 10, et près de 8 sur 10 parmi les personnes syndiquées, considèrent que l’exercice d’une activité syndicale représente un risque sur l’emploi ou sur l’évolution professionnelle.
    - Plus l’engagement syndical est marqué, plus l’exposition au risque de discrimination est fort. Ce résultat corrobore les statistiques de la Dares (ministère du Travail) qui ont montré un écart de salaire moyen de 10 % en défaveur des délégués syndicaux par rapport aux autres salariés.

    Comment lutter contre ce phénomène persistant en entreprise ?  

    Par leur caractère collectif et parfois systémique, les discriminations syndicales appellent une réponse collective et coordonnée. Il est de la responsabilité des employeurs, en concertation avec les syndicats, de prévoir des outils de prévention permettant de repérer et corriger les décrochages de carrière ou les situations de harcèlement.

    Lorsque la voie amiable s’avère infructueuse, les recours contentieux doivent être pleinement mobilisés. L’aménagement de la charge de la preuve au profit des victimes et le recours collectif permettent de lever certains obstacles à l’effectivité du principe de non-discrimination, notamment l’absence de preuve. Dans cet esprit, le Défenseur des droits a réalisé, à destination des représentants du personnel, un outil pratique pour faciliter le repérage et la preuve des discriminations syndicales dans le déroulement de carrière.

     Propos recueillis par Mathieu Bahuet