Paroles aux acteurs de terrain pour une société plus inclusive au travail. Alors que le handicap reste la première cause de discrimination en France selon le Défenseur des droits, la CFE-CGC, mobilisée de longue date sur le sujet, a donné la parole à ceux et celles qui s’engagent à l’occasion d’une des deux tables rondes qui s’est tenue le 23 novembre dans le cadre du colloque « Handicap : le plein emploi est-il possible ? ».
Les témoignages exprimés à la tribune par les intervenants (institutionnels, dirigeants d’entreprise, société civile…) ont à la fois acté les progrès réalisés en faveur de l’insertion professionnelle et du maintien dans l’emploi des personnes en situation de handicap, et tout le travail qu’il reste encore à réaliser. Nous reproduisons ci-dessous un florilège des principales interventions.
Handicap et emploi : des acteurs engagés
Une table ronde du colloque organisé le 23 novembre par la CFE-CGC avec l’Agefiph a mis en lumière les acteurs du handicap en faveur de l’insertion professionnelle et du maintien dans l’emploi.
Mounah Bizri, président d’Éloquence de la Différence, une association qui organise des programmes d’accompagnement pour favoriser l’acceptation du handicap par les personnes concernées et par la société.
« De plus en plus d'exemples prouvent qu'on peut être en situation de handicap et compétent. Moi-même, j’ai 4 handicaps (dysgraphie, dyspraxie, bégaiement, un TDAH) et j'ai pu faire une prépa, intégrer le master le plus sélectif de Dauphine puis être consultant en stratégie sur l’intelligence artificielle et passer manager en 4 ans. Après, la réalité de terrain, même si les choses évoluent, c’est que beaucoup se disent : "Si j'embauche une personne en situation de handicap, je vais me tirer une balle dans le pied." Or c'est une question d'acceptation de la différence et d’écoute. Il ne faut pas être sur les préjugés mais sur les compétences. Par ailleurs, il y a un frein au niveau des directions car on manque aussi de rôle model. Bon nombre de dirigeants, directeurs, directrices qui ont un handicap ne veulent pas en parler… »
Françoise Descamps-Crosnier, présidente du Comité national du Fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP).
« Dans les trois versants de la fonction publique (État, territoriale, hospitalière), notre mission est d’accompagner les personnes en situation de handicap vers l’emploi ou les aider à conserver une activité professionnelle en compensant leur handicap. Dans la fonction publique, le taux d'emploi des bénéficiaires de l'obligation d'emploi de travailleurs handicapées (BOETH) s'élève à 5,44 % mais c'est très hétérogène selon les structures. Le message à faire passer est que dès qu'on regarde la personne en tant que ressource, avec ses compétences, on n'a pas à se soucier de son handicap, même s’il faut adopter des mesures : aménagements de poste, aide au déplacement, accessibilité numérique, etc. »
Didier Eyssartier, directeur général de l'Association de gestion du fonds pour l'insertion des personnes handicapées (Agefiph).
« L’Agefiph construit et finance des solutions pour compenser les conséquences du handicap au travail. Nos équipes accompagnent les acteurs de l'emploi, de la formation, de la santé au travail et les entreprises pour que soient pris en compte les besoins des personnes handicapées. Il faut prendre les personnes pour ce qu'elles sont, avec leurs compétences. Il y a des progrès, on avance ! À l’Agefiph, nous affichons un taux d’emploi de 20 % de personnes en situation de handicap : on n'a pas de problème, ni de sourcing, ni d'aménagement. L'enjeu de la simplification est également important pour faire en sorte que les parties prenantes - personnes en situation de handicap, entreprises, organismes de formation - connaissent et accèdent facilement aux aides et dispositifs. »
Karine Gros, chargée de mission handicap à l'Université Paris-Est-Créteil (UPEC) et titulaire de la chaire handicap, emploi et santé au travail.
« Il est important de mener ces projets de recherche en master ou en thèse pour l'insertion, le recrutement et l'évolution professionnelle des personnes en situation de handicap. Mais aussi sur l'autisme, le maintien dans l'emploi des personnes autistes, des personnes ayant un trouble borderline. Nous conduisons aussi, avec la chaire de Catherine Tauret-Turgis de la Sorbonne, des travaux sur l'évolution des bilans de compétences pour que les personnes atteintes d’un cancer puissent ne plus cacher leur maladie et mettre en évidence l'expertise acquise durant leur parcours de soins. »
Olivier Ruthardt, directeur général adjoint du groupe Malakoff Humanis, qui affiche un taux d’emploi des personnes en situation de handicap de 8,8 %, au-dessus du seuil légal (6 %).
« Pour faire vivre ces questions de l'insertion et du maintien dans l'emploi des personnes en situation de handicap, il faut des équipes dédiées, des recruteurs formés, des formations systématiques pour les managers, des orientations vers des postes plus faciles d'accès, la création de certains postes, par exemple de conseiller client pour accueillir les clients en langue des signes. Il faut pouvoir communiquer là-dessus, libérer la parole dans l'entreprise, organiser des évènements. Montre que c'est de la banalité, de l'humanité. Si les entreprises ne prennent pas ça à leur compte, qui le fera ? Notre sujet, c'est de participer à cette politique de RSE pour montrer ce qu'il est possible de faire. Nous avons une gouvernance paritaire attachée à ça. Ça pousse très fort. »
Mathieu Bahuet