Pas de répit pour l’ONF. Coup sur coup, plusieurs sujets de gestion et de dialogue social viennent de secouer cet EPIC (établissement public à caractère industriel et commercial) créé en 1964 pour gérer les 11 millions d'hectares de forêts domaniales françaises.
Il y a eu principalement l’adoption, le 2 juillet dernier, par le conseil d’administration de l’ONF, du nouveau contrat de plan avec l’État. Ce document, qui définit la stratégie et le budget de l’Office pour les années 2021-2025, n’est pas passé comme une lettre à la poste. « Toutes les parties prenantes (communes forestières, professionnels du bois, chasseurs, associations de défense de l’environnement…), en dehors des représentants de l’État, ont rejeté unanimement ce contrat qui ne répond à aucun des problèmes structurels de l’établissement », explique Arnaud Metais, représentant syndical
CFE-CGC et secrétaire-coordinateur du syndicat EFA-CGC à l’ONF.
Forêts : le contrat de plan État-ONF ne répond pas au problème
Comme l’explique Arnaud Metais, représentant syndical CFE-CGC, l’avenir de l’Office national des forêts, entre trajectoire financière ubuesque et suppressions de postes massives, s’inscrit dans le plus grand flou.
Il a fallu que le président du conseil d'administration Jean-Yves Caullet, un ancien préfet, ex-député (PS) et ex-élu communal, bascule dans le camp de l’État - alors même qu’il tient sa légitimité des communes, opposées au contrat de plan - pour que sa voix, prépondérante, départage les 15 « pour » et les 15 « contre ».
Du côté de l’EFA-CGC, l’incompréhension est patente. « Le contrat, depuis sa première version communiquée à l’automne 2020, n’a subi que de rares modifications à la marge, sans tenir aucun compte de nos contributions, pourtant riches et argumentées. Ces éléments attestent, s’il en était besoin, du refus de toute concertation », commente Arnaud Metais.
« Un cri d’alerte face à des restructurations permanentes qui entrainent risques psychosociaux, épuisement et démotivation »
Dans ses grandes lignes, le contrat de plan prévoit la suppression de près de 500 postes d'agents de l'ONF sur 8 400 dans les cinq ans. Certes, il ne s’agit pas d’un plan social, mais de départs à la retraite et de départs naturels, rendus inévitables par la pyramide des âges. Le combat ne porte donc pas sur la préservation des contrats individuels, mais bien sur l’avenir de l’ONF et sur les conditions de travail des salariés qui restent. Selon une équation bien connue, il va y avoir moins de monde pour accomplir autant, sinon plus, de missions.
Le CCHSCT des 16-17 juin 2021 a d’ailleurs vivement alerté sur les risques psychosociaux, avant même le vote du conseil. « Nous y avons poussé un cri d’alarme ! », s’exclame le coordinateur syndical, qui dénonce « une situation dramatique depuis de nombreuses années, avec le malaise grandissant des managers, une organisation du travail qui n’est plus adaptée, des restructurations permanentes qui entrainent RPS, épuisement, démotivation. »
Deux autres sujets suscitent l’inquiétude : le premier est la filialisation d’une partie des activités concurrentielles, conçue selon un « agenda initial intenable ». Elle vient d’être repoussée mais pas annulée, et ne figure pas dans le contrat de plan, ce qui veut dire que si elle s’appliquait, elle ne serait assortie d’aucun engagement de l’État à ce stade.
AVENIR DE L’ONF : UN VÉRITABLE SOUCI D’INTÉRÊT NATIONAL
Le second est la déclinaison de la loi ASAP (loi d'accélération et de simplification de l'Action Publique). Un projet d’ordonnance présenté début juillet permettrait à l’ONF de recruter des personnels de droit privé sur tous les postes, entérinant ainsi la fin du statut de fonctionnaire dans l’établissement. Les personnels de droit privé pourront intégrer certaines fonctions et réaliser des missions dévolues jusqu’alors aux seuls personnels de droit public titulaires, notamment les missions de police, sujet qui fait polémique.
En filigrane des questions socio-professionnelles, il apparaît un véritable souci d’intérêt national. « L’impact de ce contrat de plan et de ces réformes dépasse le cadre des personnels de l’ONF, analyse Arnaud Métais. Il porte atteinte au patrimoine naturel et historique français en obérant fatalement, à terme, la gestion des forêts domaniales héritées de nos ancêtres. »
Gilles Lockhart