Pour vous qui œuvrez quotidiennement pour l’insertion professionnelle des personnes en situation de handicap (PSH), que représente la loi de juillet 1987 ?
Les 35 ans de recul nous donnent une bonne occasion de faire objectivement un point sur ce qui a changé. Je constate, d’abord, une action continue dans la durée. Aujourd’hui, plus d’un million de PSH sont en emploi dans le secteur privé, public, adapté et protégé. Le regard a changé sur les personnes en situation de handicap mais il reste encore trop d’idées reçues sur leurs compétences, et notamment sur certains types de handicap. Je pense en particulier aux handicaps invisibles comme les handicaps psychiques.
Je retiens aussi qu’en 2022, le taux d’emploi des personnes en situation de handicap dans le secteur privé reste insuffisant. Il n’est aujourd’hui que de 3,5 % par rapport au taux de 6 % fixé par la loi de juillet 1987. Il reste donc du chemin à faire pour un monde du travail réellement inclusif.
Quels sont les points cruciaux qui permettraient d’améliorer l’insertion des PSH ?
Continuer à faire progresser le taux d’emploi et parvenir au plein emploi des personnes en situation de handicap est un objectif possible. En effet, le taux de chômage global de la population française baisse et il existe des opportunités dans de nombreux secteurs qui peinent à trouver les compétences. Les entreprises du numérique, du transport, du tourisme, de la grande distribution recrutent fortement. Elles sont d’ailleurs nombreuses à s’être engagées sur le sujet de l’insertion des PSH et on voit bien que les délégués syndicaux des différentes fédération professionnelles de la CFE-CGC se forment pour négocier des politiques handicap en entreprises. Le sujet du handicap se développe et prend une part accrue dans les stratégies des DRH.
Ensuite, il me parait nécessaire de développer des approches ciblées en direction de publics parfois concernés par des périodes de transitions délicates comme les primo-entrants sur le marché du travail – plutôt les jeunes, donc –, mais également les seniors dont le handicap peut s’aggraver ou survenir, suite à une maladie chronique par exemple.
Enfin, il est temps de considérer les personnes en situation de handicap pour ce qu’elles apportent réellement en termes de compétences, et qui est considérable. Il faut leur ouvrir tous les recrutements, quels que soient les postes, en privilégiant les compétences professionnelles des candidats, sans a priori ni idées reçues. Il faut aussi gérer leurs déroulements de carrière sans discrimination. Sur ce point, il y a des progrès à faire, car selon le Défenseur des droits, le handicap reste la première cause de discrimination en France.
Que pensez-vous de l’annonce de la Première ministre Élisabeth Borne de préparer la déconjugalisation de l’allocation adulte handicapé (AAH) ?
En juin 2021, j’avais pris position sur ce sujet.L’annonce de la Première ministre lors de sa déclaration de politique générale, c’est-à-dire un an après mon propos, me laisse à penser qu’elle a tenu compte de nos points de vue. L’AAH n'est pas un minimum social comme les autres. C’est une allocation qui fait suite à une reconnaissance administrative de l'impossibilité ou de restrictions à travailler. Il relève de la solidarité nationale, pas de la solidarité familiale, de prendre en charge cette impossibilité. En ce sens, j’attends la traduction concrète de son propos.
Propos recueillis par Gilles Lockhart