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Publié le 30 - 09 - 2022

    Développement de l’apprentissage : répondre aux enjeux

    Tribune – Secrétaire national CFE-CGC à l’emploi, Jean-François Foucard analyse les enjeux induits par la montée en puissance du dispositif sous l’effet de la loi de 2018 et des aides massives de l’État aux entreprises.

    La libéralisation de la création des centres de formation d’apprentis (CFA) par la loi de 2018 et les aides massives de l’État aux entreprises durant la crise du Covid pour les inciter fortement à embaucher des jeunes ont conduit à une explosion de l’offre des CFA (passés de 1 500 à plus de 3 500) et du nombre d’apprentis, qui a plus que doublé (de 350 000 à 720 000). La durée moyenne d’un apprentissage étant de 3 ans, même sans augmentation du flux en première année, le chiffre de 900 000 apprentis sera dépassé en 2024. La Première ministre veut atteindre 1 million en 2027. Il suffit pour cela d’augmenter de 10 % le nombre en première année sur 3 ans, soit environ 30 000 apprentis. C’est loin d’être un défi.

    Face à cette explosion de l’offre et donc de la consommation, quatre enjeux émergent. Le premier concerne la qualité des formations proposées. Le nombre d’officines ayant explosé, la qualité des prestations est très hétérogène. Une régulation s’impose. Mais la formation en apprentissage est également liée à la qualité des tuteurs en entreprise. Et là, une professionnalisation devient obligatoire pour garantir une pédagogie de qualité ou tout du moins d’un standard minimum.

    FINANCER LE DISPOSITIF ET L’ARTICULATION AVEC L’OFFRE PUBLIQUE

    Second enjeu : le financement du dispositif et l’articulation avec l’offre publique. Aujourd’hui, avec 720 000 apprentis, le dispositif coûte plus de 11 milliards d’euros avec un manque de financement de plus de 5 Mds€. Avec l’ambition affichée, le déficit atteindra près de 9 Mds€ par an, soit le niveau du budget de France compétences. L’État doit assumer et affecter les fonds nécessaires à cette forme pédagogique de formation initiale.

    Mais cette libéralisation de l’offre pédagogique est aussi une libéralisation de l’éducation, notamment du supérieur. L’État devra déterminer le niveau de subventions qu’il compte y mettre par rapport au secteur public. Il serait anormal que des acteurs privés reçoivent, par élève, plus de moyens de l’État que ceux de l’Éducation nationale ou du supérieur. Un reste à charge pour les entreprises ou les apprentis dans des CFA privés semble ainsi nécessaire.

    BIEN APPRÉHENDER L’ADÉQUATION DES BESOINS DU PAYS EN COMPÉTENCES MÉTIERS

    Troisième enjeu : l’adéquation des besoins du pays en compétences métiers. Dans une loi de marché, les entreprises choisissent toujours les parts de marché les plus rémunératrices et attractives pour les clients. Les CFA n’échappent pas à ces règles. Cela explique que les offres dans le supérieur se soient le plus développées. Dès lors, comment avoir les « cols bleus » nécessaires alors que le niveau infra-bac est aujourd’hui une voie d’orientation par défaut pour les 25 % de collégiens de 3e qui ne sont pas au niveau attendu ? La réindustrialisation, par exemple, ne se fera pas sans ouvriers et techniciens de qualité…

    Enfin, l’apprentissage doit être prévu dans le cadre de la formation tout au long de la vie et non pas juste comme un avantage à court terme, que ce soit l’insertion pour l’infra-bac ou la rémunération durant les études pour le supérieur. Le niveau général et technologique atteint pour chaque niveau de formation doit permette la continuation des études. Aujourd’hui, ce n’est clairement pas le cas pour de nombreux diplômes. Cela nécessite une exigence plus grande pour les matières académiques afin de permettre l’évolution professionnelle.

    Jean-François Foucard, secrétaire national CFE-CGC aux parcours professionnels, à l’emploi et à la formation