Quels sont les impacts de la crise sanitaire sur les secteurs d’activité regroupés au sein de votre Fédération ?
La crise impacte très fortement tous les secteurs : la restauration collective (RC), la restauration rapide (RR), l’hôtellerie-cafés-restaurants (HCR), l’hôtellerie de plein air (HPA), les cafétérias, les casinos, les loisirs et les sports. Concernant les restaurateurs, toujours fermés, on estime que 30 à 35 % d’entre eux pourraient déposer le bilan. C’est catastrophique également pour les hôtels et les parcs de loisirs à l’image de Disneyland Paris - 30 000 emplois quand même - fermé jusqu’en février prochain. Nous ne sommes qu’au début : les conséquences multiples de cette crise vont s’étendre sur une dizaine d’années et certaines activités ne s’en remettront pas.
Quelle est la situation spécifique de la restauration collective, fortement pénalisée par le développement à grande échelle du télétravail ?
Il faut d’abord comprendre que la restauration collective (entreprises, écoles, hôpitaux) fait partie intégrante de notre modèle social. Les cantines d’entreprise ont fait leur apparition dès les années 40, au même titre que la médecine du travail, afin d’avoir des salariés bien nourris et bien soignés. Encadrée par toute une réglementation (qualité et variété des produits, menus établis par des diététiciens, circuits-courts, protocoles sanitaires…), la restauration d’entreprise, financée conjointement par l’employeur et le salarié, s’est généralisée dans le temps avec des tarifs très attractifs, concourant à la qualité de vie au travail (QVT). Elle concerne principalement les grandes entreprises. Les salariés de plus petites structures disposent quant à eux de tickets restaurant, avec les dérives que cela peut occasionner : menus moins équilibrés, repas plus chers, etc.
La crise du coronavirus, avec les confinements successifs et le développement massif du télétravail, met gravement en péril les services de restauration collective et leurs acteurs. Alors que les employeurs cherchent depuis longtemps à réduire les coûts, la pratique du télétravail, amenée à se généraliser à l’avenir avec des possibles accords instaurant 2 à 3 jours par semaine, leur fait dire que la restauration collective - un sujet de dialogue social abordé notamment dans le cadre des comités sociaux et économiques (CSE) - n’est plus une nécessité. Les entreprises vont préférer négocier des indemnités en tickets restaurant et faire d’importantes économies sur le bail des espaces de restauration et leurs coûts induits. C’est pénalisant pour les salariés et leur santé car pour un nombre significatif, c’est souvent le seul repas équilibré de la journée.
« Des conséquences terribles pour la restauration collective »
Présidente de la Fédération CFE-CGC Inova, Michelle Foiret analyse les impacts de la pandémie et du télétravail sur un secteur d’activité sous la menace de milliers de suppressions d’emplois.
« Veiller, dans l’accord d’APLD, au maintien dans l’emploi, aux périmètres de mobilité et aux formations. »
Qu’en est-il chez Compass, Elior et Sodexo, les trois grandes entreprises du secteur au sein desquelles la CFE-CGC est représentative ?
La branche du SNRC (Syndicat national de la restauration collective), c’est 21 500 restaurants, 100 000 salaries et 4 millions de repas servis chaque jour. Les conséquences sont terribles pour l’activité. On s’achemine vers la suppression de milliers d’emplois. Chez Compass, la direction négocie un accord de rupture conventionnelle collective (RCC) et un accord d’activité partielle de longue durée (APLD) avec, à la clé, 1 200 à 1 500 emplois supprimés. Pour Elior, chez qui je suis déléguée syndicale centrale CFE-CGC, le plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) prévoit 1 880 suppressions de postes. Enfin, le PSE actuellement négocié chez Sodexo devrait porter sur plus de 2 300 emplois.
La multiplication des plans de restructuration un peu partout impacte inévitablement les acteurs de la restauration d’entreprise. Quand Airbus annonce la suppression de milliers d’emplois, ce sont autant de repas qui ne pourront plus être assurés dans les restaurants d’entreprise. Les seules activités de restauration collective qui perdurent concernent l’enseignement (écoles, crèches…) et la santé (hôpitaux, maisons de retraite, pénitenciers), deux segments bien moins rentables que celui de la restauration d’entreprise.
Les partenaires sociaux négocient actuellement, au niveau de la branche professionnelle, un accord d’APLD pour la restauration collective. Quels sont les points de vigilance pour la CFE-CGC ?
Nous veillons particulièrement au maintien dans l’emploi, aux périmètres de mobilité, à proportionner les effectifs et à proposer des formations de professionnalisation. L’accord, s’il est signé majoritairement, s’appliquera pour les entreprises et les salariés jusqu’à fin 2023, en espérant que la pandémie soit vaincue d’ici là. Il doit permettre de réduire de 40 % les effectifs du secteur. La CFE-CGC s’associe à cette nécessaire restructuration mais exige d’une part des clauses de revoyure dans le cas où l’activité redémarre, et d’autre part des engagements concernant le non-versement de dividendes aux actionnaires durant la période. Il serait indécent que les actionnaires de ces grandes entreprises puissent bénéficier de dividendes et licencier, et obtenir les aides de l’État. Il faut être sérieux.
Propos recueillis par Mathieu Bahuet