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Publié le 05 - 05 - 2023

    Convention OIT sur la violence au travail : la France rate le coche

    Pour la CFE-CGC, la récente ratification française, sans modification du droit, est une occasion manquée de donner une véritable impulsion à la lutte contre le harcèlement et les violences au travail.

    Près de quatre ans après l’adoption, le 21 juin 2019 sous l’égide de l’Organisation internationale du travail (OIT), d’une convention pour l’élimination de toutes formes de violence et de harcèlement dans le monde du travail, la France a officiellement déposé, le 12 avril dernier, l'instrument de ratification de cette convention n°190. Elle devient par là-même le 27e pays au monde (le 5e de l’Union européenne) à ratifier le texte.

    La CFE-CGC déplore fortement cette ratification tardive à droit constant qui la vide d’effets et qui envoie un signal politique très négatif sur la place donnée par la France à ce fléau. Une chose est claire : la lutte contre le harcèlement et les violences au travail devra se consolider par d’autres biais et la CFE-CGC entend bien y prendre toute sa part.

    UNE CONVENTION HISTORIQUE DANS LA LUTTE POUR L’ÉRADICATION DU HARCÈLEMENT ET DES VIOLENCES AU TRAVAIL

    Première norme internationale du travail en la matière, la convention « offre un cadre d'action commun et une occasion unique de façonner un avenir du travail fondé sur la justice sociale », souligne l’OIT. Elle fournit la première définition reconnue de la violence et du harcèlement au travail, y compris de la violence fondée sur le sexe, entendue comme « un ensemble de comportements et de pratiques inacceptables qui ont pour but de causer, causent ou sont susceptibles de causer un dommage d’ordre physique, psychologique, sexuel ou économique ». Cette définition protège ainsi toute personne au travail, y compris les stagiaires ou les apprentis, dans l’économie formelle comme informelle, et les travailleurs du secteur public. Ce dernier point est notamment un des aspects sur lequel la France aurait pu être plus ambitieuse en mettant, sur le sujet du harcèlement, le droit de la fonction publique en vigueur au même niveau que le droit du travail.

    La CFE-CGC, dont les équipes du secteur Europe et international avaient participé activement aux travaux menés en amont pour élaborer le texte final, avait salué une avancée historique contre les violences au travail, la convention n°190 renouant qui plus est avec une production normative de l’OIT interrompue depuis la convention de 2011 relative au travail domestique et qui n’est d’ailleurs toujours pas ratifiée par la France. La CFE-CGC avait salué le périmètre de la convention qui s’apprécie à deux niveaux. Le premier concerne le périmètre du harcèlement et des violences au travail en tant que notion qui, par la référence faites aux droits fondamentaux liés à la santé au travail, est élargi. Le second est relatif à l’éventail des violences visées par la Convention. En effet, l’ensemble des violences, quel que soit leur fondement, sont englobées, incluant les violences faites aux femmes et bien au-delà. 

    LA DÉCEPTION DE LA CFE-CGC FACE À L’ABSENCE FRANÇAISE DE VOLONTÉ POLITIQUE

    « J'aimerais souligner l’engagement fort de la France à s'attaquer aux causes profondes de la violence et du harcèlement », a déclaré Gilbert Houngbo, directeur général de l’OIT, le 12 avril dernier. Derrière ces paroles clémentes se cache en réalité une nouvelle occasion manquée par la France de transformer en actes ses engagements. Cette ratification aurait pu être une occasion de concrétiser la « grande cause du quinquennat », à savoir l’égalité femmes-hommes et la lutte contre les violences sexistes et sexuelles, qui se révèle être définitivement un coup de communication.

    Pour Anne-Catherine Cudennec, secrétaire nationale CFE-CGC du secteur Europe et International, « les cadres sont particulièrement exposés aux situations de harcèlement et de violences au travail car ils se retrouvent souvent à devoir gérer et répondre à ces situations. La convention de l’OIT vient étoffer la responsabilité des employeurs sur ces questions, avec notamment une mention explicite des risques psychosociaux (RPS). Il aurait été important pour la France de se saisir de cette occasion et de préciser encore davantage ce qu’englobe cette responsabilité pour que les cadres n'aient pas indument à en endosser une partie. »

    « Cette ratification à droit constant s’appuie sur une étude d’impact élaborée par le ministère des affaires étrangères qui concluait que le droit français était déjà conforme à la Convention, rappelle Anne-Catherine Cudennec. La CFE-CGC constate que la France se contente d’une conformité a minima sans l’ambition politique d’étoffer le droit interne par-delà les principes consacrés en développant le volet opérationnel, garant de l’effectivité des normes. »

    NÉCESSITÉ D’ADAPTER LE DROIT : LES PROPOSITIONS DE LA CFE-CGC

    « La CFE-CGC s’est impliquée tout au long du processus de ratification, poursuit Anne-Catherine Cudennec, et avait communiqué des propositions au ministère du Travail parmi lesquelles l’adaptation de la définition de harcèlement pour que, dès la première occurrence, les faits de harcèlement et de violence soient caractérisés et puissent faire l’objet d’une sanction. » Le harcèlement et les violences ont vocation à être un sujet à part entière et obligatoire de négociation en entreprise.

    Pour ce qui est des référents en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes, la CFE-CGC demande que la mission de ce référent soit élargie à la lutte contre le harcèlement moral et les violences. Il n’est pas acceptable, par ailleurs, que ce référent ne bénéficie d’aucun moyen légalement octroyé pour remplir ses missions, ni d’une formation sur les violences que la CFE-CGC souhaite d’une durée minimale de 4 jours à compter de la prise de fonction, et qui soit distincte de la formation santé des membres du comité social et économique (CSE). Cette mission, enfin, doit s’accompagner d’un crédit d’heures spécifique.

    Pour la CFE-CGC, les cadres doivent avoir la capacité de prévenir et d’identifier les situations problématiques mais aussi assurer l’accompagnement de la victime, le cas échéant. La CFE-CGC souhaite qu’une formation dédiée à ces sujets pour les cadres soit consacrée. La responsabilité incombe néanmoins aux employeurs et aux entreprises, ce qui implique que le devoir de vigilance des entreprises englobe la prévention des risques de violence et de harcèlement.

    « L’avenir de la lutte contre le harcèlement et les violences au travail en France reste donc à écrire, conclut Anne-Catherine Cudennec. La CFE-CGC appelle à ce que les réformes nécessaires au droit soient réalisées malgré cette opportunité manquée. »