Au nom de la CFE-CGC, vous participez cette semaine au congrès mondial de la nature à Marseille. Quels sont les enjeux ?
La crise du Covid a bouleversé notre appréhension du risque sanitaire. L’urgence à laquelle les États font face à travers le monde questionnent nos modèles économiques et sociaux. Cette crise sanitaire a totalement ébranlé notre économie avec des conséquences importantes sur la croissance. À présent, il est clair que les externalités telles que le risque sanitaire doivent être mieux prises en compte dans les arbitrages des pouvoirs publics. Le développement durable et la biodiversité doivent être considérés comme une priorité, en concomitance avec les objectifs économiques.
« Agir en priorité sur les facteurs d’érosion de la biodiversité »
À l’occasion du congrès mondial de la nature à Marseille (3-11 septembre), Madeleine Gilbert, Secrétaire nationale CFE-CGC RSE et Développement durable, évoque les enjeux liés à la biodiversité et revient sur la récente adoption de la loi climat.
De nombreuses études soulignent l’effondrement de la biodiversité, du fait de l’activité humaine et des impacts du changement climatique. Qu’en est-il ?
La biodiversité connaît en effet un déclin important et rapide. La plateforme IPBES, qui réunit 145 scientifiques et 300 experts, parle de la sixième grande extinction de masse avec près d’un million d’espèces animales et végétales menacées d’extinction. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), cette perte perturbe l’équilibre des écosystèmes influant sur les réservoirs d’agents infectieux et favorisant la transmission de certaines maladies. Il est donc impératif d’agir sur les facteurs d’érosion de la biodiversité comme l’artificialisation des sols ou le dérèglement climatique. Ce dernier entraîne par ailleurs une hausse de la fréquence et de l’intensité des catastrophes climatiques, et accroît le risque sanitaire dans les pays en développement.
Quelles sont les principales préconisations de la CFE-CGC ?
La CFE-CGC, corapporteuse du rapport « Empreinte biodiversité des entreprises » de la Plateforme RSE remis en 2020 au gouvernement, s’attelle au quotidien à sensibiliser ses adhérents aux enjeux de la biodiversité dans le cadre du dialogue social.
Plus largement, la CFE-CGC préconise la mise en place d’un modèle économique respectueux d’une transition écologique intelligente qui se décline à travers le prisme des objectifs de développement durable (ODD) en harmonie avec nos propositions au Pacte productif annoncé en 2019 par le président de la République. Une relance par la demande est possible grâce aux mesures de soutien des revenus des ménages et à la hausse de l’épargne pendant les confinements. La CFE-CGC préconise d’utiliser plusieurs leviers : développer l’économie circulaire, encourager la mobilité bas carbone, mesures fiscales pour agir sur le niveau de la TVA concernant les activités de réparation, les produits en vrac et les autres biens et services tendant vers une consommation responsable. Il s’agit aussi d’accélérer, par l’investissement public, la transition écologique (transports, rénovation des logements, production d’énergies…).
« Une loi climat insuffisante mais qui comporte quelques avancées »
Au terme d’un long parcours parlementaire, la loi climat et résilience a été adoptée cet été. Qu’en pensez-vous ?
Elle comporte quelques avancées en matière environnementale, en particulier la reconnaissance des attributions dans ce domaine au comité social et économique (CSE) et la nécessaire évolution des emplois pour faire face au changement climatique. L’accès à de nouvelles informations, via la base de données économiques, sociales et environnementales (BDESE) donne les moyens au CSE de mieux participer à l’élaboration et au suivi des stratégies environnement de l’entreprise. En outre, la loi assoit l’obligation de négocier un dispositif de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences pour répondre aux enjeux de la transition écologique.
Il n’en demeure pas moins que l’entreprise semble être la grande absente de cette loi et que les représentants du personnel sont oubliés. Commission obligatoire environnement, formation et expertises indépendantes sont autant de sujets importants qui se sont perdus dans les méandres des couloirs parlementaires.
Quelles sont les revendications de la CFE-CGC, qui a notamment formulé plusieurs amendements durant les débats parlementaires ?
Les parlementaires, notamment les sénateurs, avaient sollicité les partenaires sociaux afin de trouver des pistes pour intégrer la question climatique au sein des CSE. La CFE-CGC a ainsi formulé cinq propositions d’amendements, à savoir intégrer une procédure de consultation spécifique sur les conséquences environnementales de l’activité de l’entreprise ; attribuer le recours par le CSE à une expertise spécifique financée par l’employeur ; faire bénéficier les membres du CSE d’une formation environnementale ; créer une commission environnement obligatoire dotée d’un budget propre et attribuer des heures de délégation supplémentaires aux membres de la commission environnement du CSE. De plus, nous avions préconisé d’utiliser les Objectifs de développement durable (ODD) définis par les nations unies comme grille de référence commune pour l'ensemble des entreprises afin de faire progresser les politiques RSE. Il faut noter que ces amendements ont été repris in extenso par un nombre important de députés.
Propos recueillis par Mathieu Bahuet