Créée en 1941 par le général de Gaulle à Alger, l’Agence française de développement est un établissement financier spécialisé ayant le statut d’EPIC. Elle met en œuvre la politique de la France en matière de développement et de solidarité internationale. Elle compte environ 3 000 agents dont 2 200 recrutés en France. Parmi eux, 92 % de cadres dont les adhérents CFE-CGC dépendent du Syndicat national de la banque (SNB).
À l’origine du conflit actuel, on trouve un projet de réforme du statut impulsé par la direction générale de l’AFD sous l’amicale pression de ses tutelles, le ministère des Affaires étrangères et le Trésor, avec Bercy dans l’ombre en coupeur de budgets.
Cette réforme, contre laquelle la CFE-CGC n’avait « pas d’opposition de principe à partir du moment où elle était négociée », comme le rappelle Gilles Mauduit, délégué syndical CFE-CGC à l’AFD, est devenue un sujet de conflit interne durable. Qui s’est traduit par une grève du personnel, le 2 décembre 2021, à l’occasion des 80 ans de l’AFD, et qui a donné lieu, le 15 juin dernier, à un communiqué de l’intersyndicale (SNB-CFE-CGC, FO, CGT) pointant le caractère « illégal » de cette réforme et son orientation « au profit des plus hauts salaires ».
DEPUIS CINQ ANS, UN CLIMAT SOCIAL DÉGRADÉ
« Ces cinq dernières années, le climat social s’est progressivement dégradé avec en point d’orgue quatre mobilisations (débrayages lors des conseils d’administration) très suivies depuis octobre 2021 », contextualise de son côté Nicolas Lejosne, autre délégué syndical de la CFE-CGC. Et ce, alors que la pratique de la grève « n’est historiquement pas dans la culture de la maison ».
En quoi le projet de réforme du statut de l’AFD est-il illégal ? « Il l’est parce qu’un accord collectif signé en 2017 par la DG prévoyait expressément que le statut serait négocié et engloberait les agents recrutés en agences. Cet engagement n’a pas été tenu », explicite Gilles Mauduit. À tel point qu’une action en justice a été lancée par l’intersyndicale devant le Conseil d’État pour obtenir l’annulation de l’arrêté ministériel afin d’ouvrir de véritables négociations.
En quoi est-il en faveur des hauts salaires, corollairement en défaveur des petits ? Pour le comprendre, il suffit de relever quelques points-clé du nouveau statut : baisse des indemnités de licenciement ; exclusion des CDD des dispositions relatives aux limites maximales de rémunération ; disparition des dispositions relatives aux droits des agents expatriés (point structurant de l’ancien statut).
« D’un statut protecteur et équitable, l’AFD va passer à un statut d’inspiration néolibérale avec comme objectif de financer l’augmentation de l’échelle des salaires – qui passe de 1 à 6 à 1 à 8 – ainsi que des primes individualisées renforçant les inégalités entre agents », détaille Sabrina Guérard, également déléguée syndicale de la CFE-CGC. Nous avions notamment des suppléments familiaux qui vont être supprimés pour les enfants à naître, ce qui va pénaliser en premier lieu les bas salaires, les personnes en situation monoparentale, les jeunes et les nouveaux embauchés… »
Depuis le communiqué du 15 juin, la direction générale n’a donné aucun signe aux organisations syndicales. « Il y a un déni de la part de la direction générale », se désolent les délégués syndicaux. Lesquels rappellent aussi que lors d’une rencontre du directeur général avec les organisations syndicales, le 17 novembre 2021, pour leur présenter la dernière version du texte, « aucune de nos revendications n’a été retenue et les évolutions ont été décidées essentiellement par la direction ».
Le 30 mai 2022 a vu la signature de l’arrêté d’approbation du statut par le ministre des Finances, publié au Journal officiel du 14 juin 2022. Ce dossier emblématique des pratiques managériales brutales de l’État est donc à surveiller comme le lait sur le feu.
Gilles Lockhart