Doté d’une grande force analytique, concret, fédérateur des forces vives parmi les personnels de l’éducation, Action & Démocratie œuvre pour une revalorisation profonde des métiers et de l’enseignement. Walter Ceccaroni, son président, en trace les axes.
Comment présentez-vous Action & Démocratie ?
C’est un syndicat neuf, créé en 2010. Il est porteur des revendications des professeurs et de tous les personnels de l’Éducation nationale, qu’ils soient titulaires, stagiaires ou contractuels. Il fait entendre une voix différente et pense qu’éduquer reste la meilleure des idées. Il rassemble ceux qui veulent s’investir dans la défense de leur métier, des statuts, des concours et d’une conception de l’école fondée sur le bon sens pédagogique, le respect des compétences professionnelles et le refus du management mortifère.
Quelle est votre dynamique de progression ?
Nous sommes probablement le seul syndicat de l’Éducation nationale à voir ses effectifs augmenter d’année en année avec une progression à deux chiffres. Nos militants sur le terrain et nos responsables académiques suivent tous les dossiers qui leur sont confiés, dont ceux des nouveaux adhérents qui nous rejoignent après avoir été déçus par leur précédent syndicat. Cette forte croissance nous procure un surcroît de travail et j’en profite pour dire que toutes les bonnes volontés sont bienvenues au sein d’Action & Démocratie, qui est capable d’offrir des responsabilités locales et nationales.
Quelle est votre stratégie de campagne pour les élections professionnelles de fin 2022 ?
Ces élections vont permette de renouveler les instances où sont défendus les intérêts des salariés de l’Éducation nationale. Elles sont donc vitales pour une profession parfois gagnée, hélas, par une certaine résignation à force d’être entravée dans ses missions. J’en veux pour preuve le faible taux de participation aux élections de 2018. Nous sommes mobilisés depuis des mois pour incarner un nouvel espoir et rompre avec un syndicalisme archaïque co-responsable de la situation actuelle. Notre ambition est d’obtenir un siège au comité social d’administration (CSA) ministériel, l’instance qui permet aux syndicats d’être consultés sur les projets de textes. Et soyez-en sûr : le jour où Action & Démocratie y siégera, tout commencera à changer dans l’Éducation nationale ! Nous présentons aussi des listes pour les CSA de proximité dans les académies et les commissions paritaires, même si ces dernières ont perdu une grande partie de leurs compétences.
Quelles sont vos principales revendications ?
Elles reprennent fidèlement celles de la très grande majorité des personnels sur le terrain et sont résumées dans notre « Dossier spécial élections 2022 » qui donne toutes les pistes pour reconstruire le syndicalisme dans l’Éducation nationale et « remettre l’école debout ». Pour résumer, la question salariale est certes un point majeur sur lequel nous avançons des propositions singulières et réalistes, mais le manque d’attractivité des professions de l’éducation ne se résume pas à ce seul sujet. C’est tout le modèle de gestion des ressources humaines qu’il faut revoir : promotions, mobilités, pratiques aveugles et maltraitantes du haut encadrement… Autant de dérives qui ont conduit à un pouvoir d’achat des personnels en chute de plus de 25 % en moyenne depuis 1983, à une rémunération sans rapport avec les qualifications, à une hausse constante de la charge et de la pénibilité du travail, à une profession dévalorisée - y compris dans la communication ministérielle - et qui, logiquement, n’attire plus !
En juin 2022, vous avez adressé une longue lettre à votre ministre de tutelle, Pap Ndiaye, sur l’affaire Samuel Paty, dans laquelle vous annonciez qu’Action & Démocratie portait plainte contre l’Éducation nationale. Pour quelles raisons ?
L’assassinat de Samuel Paty a profondément marqué la profession et la France entière, mais quelles leçons en a tiré l’Éducation nationale? Aucune! Elle est même allée jusqu’à produire un rapport arrangé de façon à la mettre hors de cause. Alors qu’elle aurait pu transformer cette tragédie en occasion historique pour remettre l’institution sur les rails du bon sens éducatif. Les mécanismes et les pratiques qui ont exposé Samuel Paty à la mort n’ont pas été correctement décrits ni analysés. Ils sont toujours à l’œuvre au sein de l’institution et même si, dans la plupart des cas, ils ne conduisent pas à une issue aussi épouvantable, ils occasionnent des états de souffrance extrême. Nous n’acceptons pas que la mort d’un enseignant dans de telles conditions n’ait toujours pas déclenché une réflexion et une profonde remise en question jusqu’aux plus hauts niveaux. Nous allons donc porter plainte pour mise en danger d’autrui et manquement de l’institution à ses plus élémentaires devoirs afin de mettre chacun devant ses responsabilités pour que celles-ci soient clairement assumées.
Comment s’articule votre militantisme au sein de la Confédération CFE-CGC ?
La très grande majorité des idées que nous défendons - juste rémunération par le salaire, valorisation des métiers, QVT, responsabilisation et prise d’initiatives, importance du dialogue social - reprennent les thématiques portées par la Confédération. Je veux rendre hommage au président confédéral, François Hommeril, fils d’enseignants lui-même, pour la pertinence de ses analyses sur l’état général de cette Éducation nationale à l’agonie et qu’il faut rebâtir. Je tiens aussi à saluer notre Bureau National pour sa participation désintéressée à notre action au quotidien et en particulier notre viceprésident national, René Chiche.
Propos recueillis par Gilles Lockhart