« Les syndicats doivent prendre en charge la dimension politique de leurs discours »
Dans un entretien accordé à « Silo », François Hommeril, président de la CFE-CGC, insiste sur l’importance pour les syndicats de préserver leur indépendance vis-à-vis des partis politiques. Il denonce par ailleurs la déconnexion ainsi que l’incompétence des responsables politiques et des élites économiques.
Comment articuler les rôles des syndicats et des partis ?
J’aimerais d’abord repositionner le verbe « articuler » dans le contexte actuel. À l’évidence, nous, organisations syndicales, sommes aujourd’hui confinées dans un rôle de résistance face à la vague de dérégulation néolibérale qui est en train, tel un tsunami, de détruire la finesse, la robustesse et l’intelligence des constructions sociales de l’après Seconde Guerre mondiale. En réalité, même les constructions sociales d’avant la guerre sont menacées.
Or tout cela n’est possible que parce que les décideurs politiques eux-mêmes ont été convertis, dans un mouvement d’anéantissement de la pensée critique politique, par le lobbying des organisations patronales dont l’authentique motivation est de réduire à néant toute conquête sociale pour permettre aux chefs d’entreprise et aux actionnaires des grandes entreprises de maximiser leurs profits.
COMMENT APPRÉHENDEZ-VOUS LES RAPPORTS SYNDICATS, PATRONAT ET POUVOIRS PUBLICS ?
Mettre la balle au centre implique que le gouvernement nous confie, dans un cadre très précis et contraignant, les voies et les moyens d’avoir une négociation interprofessionnelle équilibrée entre patronat et salariés.
Il faut cesser de nous imposer des réformes injustes, soi-disant pour le bien-être des salariés, qu’un gouvernement ultérieur va s’acharner à défaire et que nous-mêmes, nous considérons comme flattant les intérêts de certaines catégories de la population au détriment des autres. Il faut organiser le cadre de cette négociation de façon à ce que chacun – pour le camp qu’il représente – prenne les mêmes risques face à la non-obtention d’un d’accord.
Or, depuis trente ans, la position du gouvernement est plutôt : « négociez ça, et si vous n’y arrivez pas, nous donnerons raison au patronat ». Le résultat est que le patronat ne négocie pas. Il s’en moque en fait et ne va pas prendre le risque de la négociation.