Comment la crise sanitaire impacte-t-elle l’activité chez Michelin ?
La plus grande partie des sites est arrêtée. L’entreprise a réagi très vite en fermant la quasi-totalité des activités le 16 mars. Les salariés du tertiaire sont pour une grande partie en télétravail. Le système fonctionne plutôt bien. Le télétravail a été mis en place depuis plus de 10 ans. Le personnel peut faire du télétravail ponctuel depuis quelques années et les personnes sont donc équipées et les systèmes sont prévus. Nous avons eu quelques difficultés en ce qui concerne le débit durant les premiers jours mais aujourd'hui, tout est rentré dans l’ordre. Le point de vigilance reste les activités dépendantes de données confidentielles uniquement accessibles via des connexions directement sur le réseau Michelin. Certaines personnes sont restées présentes sur site, notamment pour assurer le paiement des salaires. L'entreprise est pilotée à la semaine.
Concernant les usines, certaines activités sont considérées comme vitales et sont restées ouvertes comme les pneumatiques militaires avions à Bourges et certains gros pneumatiques GC à Montceau. L'entreprise a prévu des réouvertures très partielles, essentiellement pour ne pas jeter de la matière première en fin de délai de vieillissement. C'est un équilibre complexe à trouver entre la santé des personnes et l'état économique de l'entreprise - sa survie ? - à la fin de la crise. Seuls les salariés volontaires se rendront sur le lieu de travail, les autres resteront en chômage partiel. Les mesures prises par Michelin sont supérieures à celles demandées par le gouvernement. C’est donc aux représentants du personnel et notamment à la Commission santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT) de vérifier leur application en local.
La CFE-CGC vient de signer un accord avec la direction. Quelles sont les avancées obtenues ?
Plusieurs points ont été actés. En ce qui concerne les salaires, Michelin a rajouté 12,5 % aux salaires bruts. Les salariés toucheront donc 92,5 % et non 87,5 %. Nous allons également travailler sur un dispositif de reconnaissance pour les salariés qui continuent de travailler sur le site. Enfin, nous sommes arrivés à un accord sur la prise de jours de congés.
Equilibre complexe entre santé des salariés et survie de l'entreprise
Face à la crise du Covid-19, la CFE-CGC vient de signer un accord chez Michelin. Explications avec Tony Bluteau, DS et élu CSE à Clermont-Ferrand, suppléant CSEC, secrétaire CSSCT du site des Gravanches (pneumatique tourisme haut de gamme).
Nous sommes très vigilants sur la mise en place des mesures sanitaires qui, sur le terrain, doivent s'appliquer réellement »
Comment s’est déroulée la négociation : en présentiel ? En vidéo conférence ?
L'entreprise s'attendait à une signature sans négociation car elle avait communiqué avant la sortie de la loi des aménagements, notamment le don de deux jours et une augmentation au niveau du paiement du chômage partiel. Nous avons demandé plus, en particulier une prime pour les personnes continuant à travailler sur site ou y retournant, et l'augmentation de la participation sur le chômage partiel. Cela a été tendu, mais il y a eu des avancées et nous avons donc signé. La négociation s’est faite à distance.
Quel est l’état d’esprit des salariés ?
Tout dépend des personnes et des situations. Les personnes en télétravail avec ou sans enfants, personnes à charge, ne vivent pas la même chose. Idem pour les personnes ayant ou n'ayant pas accès à leurs données pour travailler. Les managers sont très sollicités par des réunions et restent mobilisés. Concernant les personnels sur site, ils sont motivés et dévoués.
Quels sont vos points de vigilance ?Nous sommes très vigilants sur la mise en place des mesures sanitaires qui, sur le terrain, doivent s'appliquer réellement. Nous avons eu quelques manquements. Avec l'augmentation du nombre de salariés dans les usines, il faudra que tout soit calé rapidement. Il faut également préciser que nous serons vigilants sur l'équilibre entre les besoins indispensables (militaires, transports routiers, services de secours) et la pression du business qui ne peut jamais passer devant la santé des salariés, même si les directions des entreprises sont souvent tentées de le faire pour « prendre » du business avant leurs concurrents…
Propos recueillis par Cecilia Escorza