Le président confédéral fait également le point sur les grands dossiers de l’agenda social : négociation sur la définition de l’encadrement, réformes de l’assurance chômage, de la formation professionnelle, de l’apprentissage et de l’objet social de l’entreprise. Entretien.
A l’aube de cette nouvelle année, que peut-on souhaiter à la CFE-CGC, à ses adhérents et à ses militants ?
J’adresse mes meilleurs vœux à toutes les forces vives de l’organisation. Souhaitons à la CFE-CGC de continuer à se développer comme elle a su remarquablement le faire ces dernières années. Les résultats 2017 de la représentativité syndicale ont confirmé la montée en puissance, sur tous les terrains, de notre organisation qui est celle qui a le plus progressé lors du dernier cycle électoral. Un bond que nous devons à la forte implication de nos militants et de nos sections syndicales, de plus en plus visibles au sein des entreprises. Cela nous conforte dans l’idée que la CFE-CGC porte les propositions les plus compétitives, les plus en phase et les mieux adaptées aux attentes des salariés de l’encadrement.
Comment poursuivre cette dynamique de développement et de représentativité ?
La question de l’implantation syndicale est fondamentale. Il s’agit d’implanter la CFE-CGC là où les salariés n’ont pas encore la possibilité de s’exprimer et de militer avec nous. Cela vaut dans le privé et dans les différentes fonctions publiques - particulièrement territoriales et hospitalières - où notre ambitieux programme d’implantation commence à porter ses fruits. La CFE-CGC est d’ailleurs fortement mobilisée pour les prochaines élections professionnelles dans la fonction publique, le 6 décembre prochain.
Dans quelle mesure les ordonnances sur la réforme du Code du travail, contre lesquelles s’est opposée la CFE-CGC, changent-elles la donne dans les entreprises ?
En lien avec ses fédérations, la Confédération met tout en œuvre pour que nos sections syndicales soient les mieux armées et les mieux formées pour s’adapter au nouveau contexte induit par les ordonnances. En particulier pour faire face à la réduction des moyens dévolus aux élus suite à la fusion imposée des instances représentatives du personnel. La CFE-CGC et ses militants vont s’adapter dans l’intérêt des salariés : c’est notre mandat. Nous souhaitons par-dessus tout que les entreprises réussissent. Pour cela, il faut que les directions aient l’intelligence de travailler avec leurs salariés et leurs représentants pour fixer des objectifs conciliant le social et l’économie.
Controversé, le dispositif de rupture conventionnelle collective (RCC) est entré en vigueur. Comment l’appréhender ?
Ce n’est rien d’autre qu’un plan de départ volontaire qui amoindrit, par la loi, la nécessité, pour l’employeur, de justifier d’un motif économique. Ce n’est pas leur rendre service et ça peut être catastrophique à long terme. Nous pensons qu’il faut au contraire travailler sur les moyens de renforcer les mobilités qui permettent aux gens ayant acquis des compétences d’aller vers les entreprises. Maintenant que ce dispositif existe, il faut faire avec. La CFE-CGC jouera pleinement son rôle dans les entreprises.
- Les partenaires sociaux ont débuté une négociation sur la définition de l’encadrement. Qu’en attend la CFE-CGC ?
Il est indispensable de définir précisément, au niveau national interprofessionnel, un référentiel de critères et de droits (compétence, responsabilité, initiative, droit à exercer son esprit critique et à proposer des alternatives…) caractérisant les salariés de l’encadrement : cadres, agents de maîtrise, ingénieurs, techniciens. Ceux-ci exercent en effet des responsabilités importantes, prenantes et spécifiques.
Les discussions paritaires sur la réforme de l’assurance chômage souhaitée par le gouvernement sont ouvertes. Quel modèle défend la CFE-CGC ?
Il est impératif de conserver le caractère contributif, assurantiel et solidaire du régime géré par les partenaires sociaux dans lequel l’indemnisation chômage est proportionnelle au salaire antérieur pris en compte pour la cotisation. Les arguments de la CFE-CGC ont porté puisque le maintien de ce principe semble aujourd’hui acquis. Par ailleurs, la CFE-CGC défend et prend plus que sa part dans la solidarité inter-catégorielle puisque les salariés de l’encadrement contribuent à hauteur de 27 % de contribution nette (42 % des cotisations, 15 % de dépenses) à l’assurance chômage.
Quid de l’extension de l’assurance-chômage aux indépendants et aux démissionnaires, et du contrôle des chômeurs ?
La CFE-CGC est favorable au principe de donner l’accès à un dispositif assurantiel aux indépendants qui sont des éco-dépendants, non salariés, contribuant à l’activité économique du pays. Concernant les démissionnaires, il s’agit de travailler sur les cas de démission légitimes et les conditions d’intégration au régime. Je fais toutefois remarquer qu’il n’est pas très raisonnable, de la part du gouvernement, de faire travailler les partenaires sociaux sur des délais aussi courts - en l’occurrence un mois - pour des négociations de cet enjeu. Enfin, sur le contrôle des chômeurs, la CFE-CGC est favorable à la sanction des fraudeurs mais rappelle qu’il faut intervenir sur toutes les fraudes à l’assurance chômage dont la très grande majorité proviennent de la fraude aux cotisations, et non aux allocations.
La négociation nationale interprofessionnelle sur la formation professionnelle et les discussions sur l’apprentissage sont également en cours.
Pour notre organisation, la formation professionnelle est un dispositif clé pour la compétitivité de l’économie. Sur ce dossier, la CFE-CGC continue d’exprimer de grands doutes sur l’individualisation des droits et le peu d’impact positif économique d’un tel dispositif.
Sur l’apprentissage, la CFE-CGC est volontaire et a fait des propositions pour développer la filière et répondre aux problèmes de terrain. Il est un peu décevant de voir que tous les partenaires du dossier - gouvernement, régions, patronat - ne jouent pas forcément le jeu jusqu’ici.
Le gouvernement a ouvert le chantier de l'objet social de l'entreprise, des travaux sur la vision de l’entreprise dans la société. Quel message entend porter la CFE-CGC ?
La CFE-CGC se félicite de l’ouverture de ce dossier avec consultation des partenaires sociaux. C’est un sujet central pour lequel il ne faut pas se contenter de mesurettes optionnelles. Il s’agit notamment de traiter en profondeur la question du bien commun que représente l’entreprise dans la société, et celle de la gouvernance d’entreprise. Nous devons travailler sur l’entreprise du 21e siècle en y associant toutes ses composantes et en valorisant le capital humain.
Comment jugez-vous les premiers mois du nouvel exécutif en matière de dialogue social ?
Je ne suis pas là pour décerner les bons et les mauvais points. La CFE-CGC a eu l’occasion de faire valoir combien la séquence des ordonnances a été un échec pour le gouvernement, qui n’a pas écouté les partenaires sociaux. Nous pensons également que cette loi n’aura pas d’impact favorable sur l’emploi. Quoi qu’il en soit désormais et comme toujours, la CFE-CGC a les idées claires et se tient prête à travailler.
Propos recueillis par Mathieu Bahuet