Sur le site brestois (1 800 salariés) du géant français de la défense, la CFE-CGC a progressivement imprimé sa marque jusqu’à y devenir la première organisation syndicale. Rencontre terrain avec Patrick Welby, délégué syndical central.
Thales, c’est le groupe d’électronique français spécialisé dans l’aérospatiale, la défense, la sécurité et le transport terrestre. Il compte environ 77 000 collaborateurs dans 68 pays. Au côté de militants CFE-CGC, nous avons visité le 8 mars dernier le site de Thales TDMS de Brest (Finistère), implanté depuis 1963. D’une superficie de 28 hectares, le site compte environ 1 800 salariés dont 1 200 ingénieurs. Il regroupe principalement des activités sur la guerre électronique, l’intelligence, la surveillance et reconnaissance, et les systèmes sous-marins.
Il s’agit d’un site hautement qualifié, avec des militants CFE-CGC qui le sont tout autant et pour qui le parcours n’a pas été de tout repos. Rencontre avec Patrick Welby délégué syndical central CFE-CGC Thales TDMS (à gauche sur la photo). Militant depuis 15 ans, il a exercé toute une série de mandats (délégué du personnel suppléant puis titulaire, élu au CE, CSE, au CHSCT…).
Très bonne, quand bien même nous partions de loin. En 2018, nous n’étions plus que deux dans la section… Mais nous étions très motivés. Nous avons pris le taureau par les cornes et mené un gros travail de restructuration avec des idées neuves. Auparavant, nous fondions notre développement sur le « service rendu » : en gros, je t’aide, tu adhères. Nous avons changé de prisme en recherchant d’abord des salariés motivés par l’engagement pour la vie collective. Ayant travaillé dans quatre services différents (ingénierie, systèmes d’information, guerre électronique, matériel), je connaissais beaucoup de monde et j’ai su qui chercher ! En 2019, nous avons présenté une liste complète au 3e collège et une liste partielle au second. Et nous avons tenu le choc en obtenant 5 élus au comité social et économique (CSE). Au final, nous sommes ressortis du tremblement de terre avec beaucoup de résilience et une liste profondément renouvelée.
En 2022, la CFE-CGC est devenue le premier syndicat sur le site. Comment avez-vous obtenu ce résultat ?
Nous avons œuvré sur trois axes principaux. Tout d’abord nous sommes allés sur le terrain, très régulièrement. Nous accueillons les nouveaux arrivants, nous organisons des temps forts pour nos adhérents tous les trimestres. Dans le même temps, nous avons fait monter en puissance nos militants pour pérenniser l’action syndicale de la CFE-CGC dans le quotidien de l’établissement. Nous nous réunissons toutes les semaines. Enfin, nous avons développé l’utilisation des moyens numériques pour mieux travailler ensemble. C’est notre force de communication qui a fait notre victoire dans un contexte ultra concurrentiel puisqu’il y a 6 organisations syndicales sur le site.
Comme un verre à moitié plein et à moitié vide... Les aspects positifs reposent sur la qualité des informations qui nous sont fournies. Nous avons également signé des accords sur le temps de travail après 3 ans de négociations, un accord sur les risques psychosociaux (RPS) et nous négocions actuellement sur les horaires de travail atypiques. Nous avons la volonté de converger sur des sujets structurants, ce qui implique des concessions réciproques.
Cependant, nous sommes face à plusieurs enjeux importants. Tout d’abord l’exercice du mandat syndical. Notre accord d’entreprise protège assez bien les mandats à plus de 50 %, afin d’éviter les discriminations. Mais en dessous, c’est vraiment compliqué. L’effet des ordonnances Macron de 2017 se fait clairement sentir : elles poussent à une professionnalisation des porteurs de mandats syndicaux. Il est donc très difficile d’embarquer les nouveaux militants car leur progression de carrière devient plus compliquée. Or nous voulons des militants qui puissent s’investir tout en continuant une activité professionnelle à fort enjeu.
Dans le même esprit, nous nous heurtons au niveau du groupe Thales à une vraie difficulté d’application de la nouvelle convention collective de la métallurgie qui doit permettre à des techniciens de bon niveau de passer mécaniquement cadres. Chez Airbus par exemple, il y a eu quatre fois plus de promotions suite à la convention. Un recours est en cours d’instruction mais il reste largement à la main de l’employeur.
Enfin, les salariés sont ressortis très frustrés des négociations annuelles obligatoires (NAO). L’entreprise n’a pas joué le jeu d’un vrai partage de la valeur. Nous avons eu 4 % d’augmentation salariale, ce qui est faible au vu des résultats de l’entreprise. De même en ce qui concerne l’intéressement et la participation…
J’ai adhéré à la CFE-CGC pour ses valeurs. Elles ont toujours été la boussole de la section syndicale et elles nous ont permis de surmonter bien des tempêtes. En Bretagne, c’est indispensable !
Propos recueillis par Cecilia Escorza