Le télétravail gagne du terrain dans les entreprises et il n’y aura pas de retour en arrière. Encore faut-il le négocier, le mettre en œuvre et le réadapter si nécessaire. Tels sont les principaux enseignements de la passionnante table ronde organisée ce jeudi matin pour débuter la seconde journée du congrès de la CFE-CGC à Tours.
Souvent mis en place à marche forcée dans beaucoup d’entreprises quand la crise sanitaire est survenue en mars 2020, le dispositif a dans la foulée fait l’objet d’un accord national interprofessionnel (ANI) conclu entre partenaires sociaux pour l'encadrer. Le télétravail s’est ensuite largement développé, devenant souvent incontournable et une exigence pour bon nombre de salariés. Et donc un enjeu d’engagement et de recrutement pour les employeurs.
La table ronde a été introduite par Anaïs Georgelin, fondatrice de SomanyWays, experte du sens au travail et des générations Y et Z. « Nous avons tous et toutes connu l’ancienne ère du travail, marquée notamment par une forte culture du présentéisme, une unité de lieu et une unité de temps. Aujourd’hui, pour bon nombre d’entreprises et de salariés dont les missions sont télétravaillables, nous avons plusieurs bureaux. À titre personnel, j’en ai trois : mon bureau principal au siège parisien de ma société, mon bureau à domicile en Bretagne et le dernier dans le TGV ! »
Télétravail et nouvelle organisation du travail : un enjeu syndical
Mise en place du dispositif et rôle des syndicats, place centrale des managers : pour lancer la 2e journée du 38e congrès de la CFE-CGC, une table ronde a mis en lumière les enjeux de dialogue social induits par l’essor du télétravail.
Mon credo : "Vive nos vies hybrides, soyons libres mais reliés" »
La dirigeante, qui intervient auprès de nombreuses entreprises, a observé les réactions des employeurs quand la crise sanitaire est survenue : « Certains ont tout de suite perçu l’opportunité de faire des économies de locaux et de surfaces, quand d’autres ont pris peur des impacts sur la productivité. Mais il est clair que tout le monde a immédiatement su qu’il n’y aurait pas de retour en arrière, que le télétravail serait désormais incontournable. Au sein de ma société, nous avons coconstruit nos règles du jeu avec un mot d’ordre : la flexibilité pour nos salariés avec un travail hybride concerté. En tant que dirigeante, j’ai particulièrement veillé sur les risques psycho-sociaux (RPS) et à prévenir le potentiel risque d’isolement. Mon crédo : "Vive nos vies hybrides, soyons libres mais reliés". Tout ceci a par ailleurs considérablement renforcé le rôle du manager, quelqu’un qui se doit d’aimer les gens. »
La négociation ou la renégociation d’accords télétravail, avec tous les enjeux afférents (conditions de travail, équipements mis à disposition par l’employeur, maintien du lien au sein des équipes et du collectif du travail), s’est d’emblée révélée un sujet fondamental de dialogue social en entreprise. Avec, en première ligne, l’implication des organisations syndicales et des élus du personnel.
Deux militants CFE-CGC ont ainsi livré aux congressistes leurs témoignages et leurs retours d’expérience. Nous en livrons ci-dessous les principaux extraits.
Permettre aux nouveaux collaborateurs en travail hybride d’assimiler leur environnement de travail »
Guy Berthonaud, délégué syndical central CFE-CGC de Safran SA (2 000 salariés)
« Avec la pandémie, on a fait un bond de 10 ans sur le télétravail, ouvrant le champ du dispositif à bien plus de salariés. La négociation a porté sur 2 jours hebdomadaires de télétravail possibles pour les salariés en fonction des directions et des besoins. L’accord, réversible, est assorti d’un surplus de 12 jours annuels pour télétravail occasionnel. »
« Les nouvelles générations sont fortement demandeuses de la possibilité de télétravailler. Cela peut en revanche être plus difficile de bien inculquer une culture d’entreprise. Nous avons donc mené des actions pour développer les parcours d’intégration et permettre aux nouveaux collaborateurs en travail hybride d’assimiler dans les meilleures conditions leur environnement de travail. »
« Notre accord pilote se termine fin 2023. Un bilan va être réalisé par les organisations syndicales avec la direction. Nous menons notamment un audit des tâches télétravaillables. La CFE-CGC aura aussi la volonté d’intégrer la dimension RSE du télétravail : bilan carbone, suréquipements informatiques, etc. »
Le télétravail a mis en exergue le sujet des conditions de travail et des risques associés »
Michel Jouffroy, délégué syndical central CFE-CGC de Coca-Cola Europacific Partners (2 200 salariés)
« Avec le Covid, nous ont interpelé la direction pour mener une négociation sur un télétravail pérenne avec l’objectif de trouver le juste équilibre entre préserver le collectif de travail et permettre aux salariés d’avoir un bon équilibre vie pro-vie perso. Cette flexibilité se calcule à la semaine et au mois : 40 % du temps de travail effectif est ainsi laissé à la disposition de chaque salarié en télétravail avec toutefois l’obligation d’une réunion collective mensuelle en présentielle. L’accord prévoit par ailleurs 50 % de télétravail pour les femmes enceintes et les personnes en situation de handicap. »
« Le télétravail a aussi mis en exergue la problématique des conditions de travail, des risques associés et des équipements nécesaires : fauteuils ergonomiques, double écran, prévention des troubles musculo-squelettiques, etc. Pour accompagner les managers, dont le rôle est central, nous avons négocié des dispositions afin de les outiller, notamment avec des formations adaptées. »
Mathieu Bahuet