Quels sont les impacts de la crise sanitaire sur l’exercice des métiers d’ingénieurs et la production ? Le développement du télétravail et des outils collaboratifs conduisent-il inexorablement à un ingénieur de plus en plus virtuel ? Comment intégrer à distance de jeunes ingénieurs ou manager des équipes éparpillées sur plusieurs sites ? Toutes ces questions ont servi de trame à un webinaire sur « l’ingénieur virtuel » organisé le 3 février par les ingénieurs et scientifiques de la région Île-de-France. Indépendante et apolitique, l’IESF se présente comme « l’unique représentant du corps social des ingénieurs et des scientifiques reconnus par leurs diplômes ou leurs fonctions en France ».
Secrétaire général de la CFE-CGC, une organisation syndicale catégorielle représentant notamment les ingénieurs, Gérard Mardiné, qui a lui-même effectué toute sa carrière professionnelle comme ingénieur aéronautique chez Safran, a pu livrer ses analyses. Nous reproduisons ci-dessous les principaux extraits de son intervention.
Télétravail et management : quels ingénieurs demain ?
Dans un webinaire organisé par les ingénieurs et scientifiques d’Île-de-France (IESF), Gérard Mardiné, secrétaire général de la CFE-CGC, a évoqué l’évolution de ces métiers à l’aune des nouvelles organisations du travail.
INGENIEUR VIRTUEL OU HYBRIDE ?
« S’il faut vraiment donner un nom, au terme d’ingénieur virtuel, je préfère celui d’ingénieur hybride. Le concernant, il y a d’une part le sujet des outils collaboratifs et informatiques à sa disposition et, d’autre part, les aspects humains et relationnels. La motivation et le sens au travail sont des éléments centraux pour qu’un ingénieur donne le meilleur de lui-même au service d’un projet sur lequel il travaille. »
« Par ailleurs, un ingénieur n’est pas seulement un "calculateur". C’est aussi quelqu’un qui analyse un cahier des charges, qui le transforme en spécifications, qui conçoit des maquettes, qui développe, qui met au point, etc. Pour rendre ce processus de travail le plus efficace possible, les outils informatiques, y compris ceux à base d’intelligence artificielle, ne peuvent être qu’une assistance aux ingénieurs. Ils ne peuvent pas remplacer leur capacité d’innovation collective. »
LE DÉVELOPPEMENT DU TÉLÉTRAVAIL ET SES IMPACTS
« La crise sanitaire nous permet des premiers retours d’expérience. Il a fallu adopter certaines pratiques et rester en maîtrise des nouveaux outils, en particulier la multiplication des visio-conférences. On se rend compte que la présence physique reste importante, en particulier pour l’intégration des jeunes salariés et donc des jeunes ingénieurs, par exemple dans un bureau d’études. L’acquisition progressive d’expérience - du métier d’ingénieur, de la culture d’une entreprise et de son cadre de travail - se fait aussi au contact de ses collègues, en présentiel. »
« S’il est clair que le télétravail va gagner du terrain par rapport à la situation d’avant Covid, ce sujet doit faire l’objet de négociations sur le terrain afin de trouver le meilleur équilibre entre travail en présentiel et travail en distanciel. C’est ce que prône depuis le début de la crise la CFE-CGC, car les réalités sont très hétérogènes selon les entreprises, les territoires et les aspirations des salariés. Il ne faut pas avoir de dogme en la matière. L’essentiel est d’adapter l’organisation du travail en restant en maîtrise des outils collaboratifs pour veiller à un bon équilibre entre travail sur site et à distance. Ce d’autant que le télétravail a des impacts significatifs sur les conditions de travail mais aussi sur des sujets tels que l’aménagement des locaux. »
DE NOUVEAUX ENJEUX DE MANAGEMENT
« Pour les managers et les ingénieurs encadrant des équipes, il existe déjà, dans le catalogue de grands organismes, un certain nombre de formations sur le management à distance. C’est bien entendu important mais, encore une fois, il convient de préserver des temps d’échange en présentiel, y compris pour des équipes d’ingénieurs disséminées sur plusieurs sites. »
« En la matière, des méthodes peuvent être mises en place. Chez Safran, dans le cadre de notre coopération avec General Electric pour la conception de turboréacteurs, nous procédions par exemple à des détachements de quelques ingénieurs sur site aux États-Unis - et la réciproque valait pour GE en France - afin d’assurer une coordination efficace entre les plateaux techniques distants et faciliter l’interface et le management entre les différentes équipes. »
Mathieu Bahuet