Comment avez-vous accueilli les résultats de la nouvelle représentativité syndicale dévoilés en mai dernier ?
La nouvelle progression enregistrée par la CFE-CGC s’inscrit dans la continuité des derniers cycles électoraux. Avec 20,71 % des suffrages dans son champ statutaire de l’encadrement, elle progresse de près de 1,5 point par rapport à 2017. Tous collèges confondus, notre audience atteint 11,92 %, en nette hausse par rapport aux 10,69 % de 2017. Dans un contexte de recul de la participation des salariés, la CFE-CGC est la seule organisation représentative à augmenter son nombre de voix en valeur absolue (+38 000 en quatre ans) et ce dans nos deux collèges : encadrement et cadres. Clairement, nous sommes de plus en plus écoutés et entendus sur le terrain. Et ce n’est pas un hasard puisque nous sommes la seule organisation qui défend spécifiquement les salariés de l’encadrement, sans négliger les autres catégories.
Comment s’explique cette bonne dynamique ?
Principalement par le travail remarquable de nos militants et de nos sections syndicales. Ils ont su réellement prendre en compte les enjeux de la représentativité en les partageant avec les salariés. Grâce à eux, sur le terrain, tous les jours, la CFE-CGC parle vrai, fait face aux difficultés, s’attache à faire du syndicalisme, non de l’électoralisme. Le meilleur exemple concret, ce sont les accords de compétitivité. Si l’effort demandé aux salariés est collectif et qu’il permet de sauver des emplois, nos équipes savent prendre leurs responsabilités et signer de tels accords, en considérant attentivement le facteur de retour à bonne fortune.
Ce discours de vérité et ce pragmatisme, sans idéologie, trouvent un écho grandissant auprès de l’encadrement et de tous ceux qui sont bien placés pour comprendre la réalité d’une entreprise de l’intérieur. Il se traduit ensuite sur le plan électoral dans la mesure où les salariés ont bien compris qu’au-delà des œuvres sociales ou des chèques-vacances, le premier intérêt d’aller voter est de donner du poids à l’organisation syndicale qui les défend et négocie de bons accords.
Faut-il s’inquiéter de la baisse (à 38,24 %) de la participation aux élections professionnelles ?
Ce recul est à nuancer. Les taux restent importants dans les grandes entreprises, très souvent au-delà de 70 %. Il est vrai qu’à l’autre extrême, la participation est très faible dans les PME et les TPE. Dans ces dernières, le dialogue social repose sur les branches professionnelles et les conventions collectives et où cinq millions de salariés ne bénéficient pas de représentants du personnel ni d’un comité social et économique (CSE). De mon point de vue, contrairement à ce que d’aucuns mettent en avant, c’est justement l’absence de syndicalisme qui explique cette faible mobilisation. Si vous avez des candidats qui ne maîtrisent pas ou peu les problématiques de l’entreprise - contrairement à nos militants qui sont formés - cela ne donne pas envie d’aller voter. Par ailleurs, de nombreux scrutins dans les entreprises ont été insuffisamment préparés à cause des contraintes de mise en place des CSE avant fin 2019, une instance qui était mal connue à l’époque et critiquée par l’ensemble des organisations syndicales.
Vous parliez de la formation des militants : quelle est votre politique en la matière ?
La formation est l’axe majeur de notre action syndicale pour faire monter en compétences l’ensemble de nos réseaux. C’est le premier sujet abordé par nos militants quand on va à leur rencontre. Ils sont en effet confrontés à des négociations de plus en plus complexes et à des enjeux humains de plus en plus prégnants. Or, on ne peut être efficace que si l’on est bien formé et affûté. La Confédération et les fédérations proposent des cycles de formation en phase avec les dossiers complexes de l’actualité, comme par exemple celui des ordonnances Macron en 2017 ou, plus récemment, celui de la crise sanitaire. Avec l’équipe de Karsten Beyer au Centre de formation syndicale, nous adaptons sans cesse notre offre pour répondre aux exigences. Sans oublier le fait qu’au-delà de la partie purement technique, les sessions de formation représentent un formidable brassage de contacts humains et de bonnes pratiques syndicales.
Comment se pratique, au niveau confédéral, le développement syndical, autrement dit la conquête de nouveaux adhérents ?
Le développement syndical est le pendant de la représentativité. En lien avec les fédérations, il représente un travail de fond indispensable pour renforcer les équipes syndicales là où la CFE-CGC est présente et fixer des nouveaux objectifs de développement. Dans ce domaine, la Confédération et le secteur dont j’ai la charge jouent le rôle de catalyseur pour mettre tout le monde au même niveau de compétences et pour maintenir et améliorer nos positions.
Autre priorité : l’implantation syndicale dans les structures où nous ne sommes pas présents. Ce volet a pu souffrir de certains dysfonctionnements au niveau territorial. Nous passions parfois trop de temps à rédiger des protocoles d'accord préélectoraux (PAP) alors que la véritable priorité, c’est de créer des sections et des listes pour implanter la CFE-CGC. La Confédération a donc apporté un soutien aux fédérations car ce sont elles qui ciblent les entreprises où le développement est prioritaire. Nous avons mis en place des processus collaboratifs qui permettent de « désiloter » l’organisation entre les territoires et les fédérations. Et nous avons créé le logiciel Objectif Mars qui est une véritable « boîte à outils » de développement syndical et de pilotage au service des militants.
À titre personnel, quelles sont vos missions et votre feuille de route ?
Les enjeux de représentativité et de développement, trop délaissés depuis la loi de 2008 sur la représentativité syndicale, étaient au cœur du programme porté par François Hommeril lors du Congrès de 2016. D’où la création, au sein de la Confédération, d’un secteur dédié au dialogue social, à la représentativité et à la restructuration des branches. C’était une volonté politique, qui s’est ensuite déclinée de façon opérationnelle avec, en particulier, la mise en place du « Copil représentativité », une instance collaborative associant la Confédération, les fédérations et les unions territoriales, chargée d’identifier les actions prioritaires pour assurer, sur le long terme, la représentativité de la CFE-CGC. À l’image d’un graisseur arpentant les ateliers avec sa burette, mon rôle consiste à mettre de l’huile dans ces rouages, à surveiller les éventuels grincements et à partager les bonnes pratiques avec nos structures.
Quels sont les prochains enjeux ?
Il s’agit d’être encore plus offensifs en déconnectant les démarches de développement syndical de la période des élections professionnelles. Dans le cadre de la récente réforme territoriale de la CFE-CGC, nous avons créé des postes de développeurs territoriaux pour renforcer notre implantation syndicale. Ces développeurs sont chargés de contacter les entreprises ciblées, de convaincre leurs DRH, d’accéder à des fichiers de salariés - en veillant aux règles RGPD - puis de leur présenter la CFE-CGC. Il s’agit d’une démarche presque commerciale.
Certains soulignent que la représentativité patronale devrait être améliorée. Qu’en pensez-vous ?
Pour négocier, il faut être deux autour de la table. Il est donc important de se préoccuper de la représentativité des organisations d’employeurs, à tous les niveaux : entreprises, branches, national interprofessionnel. Dans certaines branches comme la plasturgie ou la construction, le fait d’avoir plusieurs organisations patronales qui ne s’entendent pas peut nuire au dialogue social et aux conventions collectives. De telles dissensions existent aussi parmi les organisations de salariés, mais elles n’ont pas la même portée. Par ailleurs, dans certains secteurs, les organisations patronales sont essentiellement gérées par les grandes entreprises. Il conviendrait de mieux prendre en considération les intérêts des plus petites structures.
Propos recueillis par Mathieu Bahuet et Gilles Lockhart